Elle est rapide, conviviale et facile à piloter, mais est-elle assez emballante?
La Honda CBR650F est la V-Strom des sportives. Elle n’a pas la prétention d’en offrir trop, mais elle ne pèche pas par excès d’humilité non plus. Bref, elle sait se faire oublier, et cela peut devenir une qualité.
Dans le monde motocycliste, on retrouve à un extrême des vieux de la vieille (qui considèrent l’injection comme une folie des temps modernes), et à l’autre des jeunes tripeux sport (qui changent leur Ninja aux deux ans). Ces derniers deviennent tout excités dès qu’on dévoile un modèle entièrement renouvelé. Pourtant, malgré sa nouveauté, la CBR650F n’a pas tellement attiré l’attention jusqu’ici.
Ce n’est pas surprenant quand on examine la fiche technique; il n’y a rien de particulier à signaler. Il faut dire aussi que cette machine a été lancée en même temps que la très louangée VFR800F (une moto qui réussit l’exploit d’être nouvelle et ancienne en même temps). Dans la gamme des sportives de Honda, la 650 comble l’écart entre la CBR500R sans prétention et la CBR600RR hautes performances. C’est une machine conçue pour être accueillante et conviviale, pas pour faire de l’esbroufe ou pour pavaner.
La CBR650F est propulsée par un quatre cylindres en ligne de 649 cc avec double arbre à cames. Honda explique qu’il a été calibré de façon à prioriser la livraison de puissance à bas et moyens régimes – les régimes qu’on utilise le plus fréquemment en conduite urbaine – plutôt que pour exhiber le tempérament plus bouillant des modèles super sport. La description est juste. Ce moteur n’a pas le côté exaltant à hauts régimes de la CBR600RR, mais il saura vous propulser avec énergie (comme a pu le constater James Nixon quand il a presque attrapé un billet pour excès de vitesse – voir l’encadré). L’accélération est fluide et sportive, les changements de vitesse sont nets et la réponse de l’accélérateur est impeccable. De plus, à cause de sa large bande de puissance, la 650 offre nettement plus de souplesse que les super sport de poids moyen pour se faufiler à bas régimes dans les rues de la ville. Ce qui n’empêche pas la cavalerie d’être au rendez-vous jusqu’à la zone rouge. À hauts régimes, on observe un certain niveau de vibrations, mais la partie centrale de la bande puissante est tellement costaude qu’on a tendance à y rester. (Vieux de la vieille, réjouissez-vous, le filtre à huile est facilement accessible sans démonter aucune pièce de carrosserie. Honda a fait référence à cet aspect à plusieurs reprises.)
La direction est un peu lente pour cette catégorie de moto, mais la tenue de route est difficile à prendre en défaut, surtout quand on tient compte de sa suspension plutôt basique. Le cadre à deux longerons d’acier crée une base solide à laquelle sont attachés une fourche conventionnelle de 41 mm et un monoamortisseur avec précharge du ressort ajustable. La fourche n’est pas ajustable, mais sa calibration de base – ferme mais réactive – est excellente et bien adaptée à la conduite sportive. La suspension absorbe bien les bosses, comme nous avons pu le constater dans une section de route particulièrement défoncée où nous avons fait plusieurs allers-retours pour les photos. La moto pèse 212 kg, et ce poids est distribué presque également entre l’avant et l’arrière, ce qui donne une sensation de conduite très équilibrée. La direction est neutre et on peut facilement faire des corrections en milieu de virage. Cette 650 n’est pas la moto sportive la plus dynamique sur le marché, mais elle est solide sur pattes et capable de livrer des performances qui conviendront à la plupart des pilotes.
Les freins sont puissants et faciles à contrôler. À l’avant, on trouve deux disques ondulés de 320 mm avec étriers à double piston (disque de 240 mm à l’arrière). L’ABS est livré de série; il n’est jamais intervenu pendant cet essai, mais, comme toujours, sa présence est rassurante.
Là où la CBR650F excelle, surtout pour les pilotes qui ne sont pas particulièrement petits, c’est en matière de confort. Le guidon bracelet surélevé engendre une position de conduite avec le torse plus haut que sur une pure sportive. De plus, avec une distance de 810 mm entre la selle et les repose-pieds, le poste de pilotage est spacieux. La selle est ferme, mais assez confortable pour une journée complète de pilotage sportif. Le pare-brise dirige un courant d’air sans turbulence vers la poitrine.
Les contrôles sont simples et directs. De même, le tableau de bord est clair et épuré. L’écran numérique de gauche affiche l’indicateur de vitesse et le compte-tours. Celui de droite présente notamment l’odomètre, l’horloge et le niveau d’essence. Le design est élégant et efficace, mais un peu terne. On peut dire la même chose, en fait, de l’ensemble de la moto. Elle est esthétique, mais il manque un petit quelque chose.
Dans un communiqué de presse, Honda explique que le design était dirigé par une jeune équipe d’ingénieurs. Ont-ils essayé d’infuser une approche cool et tonique? Si oui, le résultat semble plutôt conservateur. Honda ajoute que la CBR650F est une moto au penchant sportif, mais qui demeure conviviale et agréable à piloter dans la vraie vie par des pilotes avec différents niveaux d’expérience, bref « une moto qui saura plaire à votre côté pratique ». Autrement dit, Honda ne mise pas sur l’excitation.
Somme toute, la CBR650F est une très bonne moto, mais elle ne nous a pas emballés. Elle est parfaitement compétente, mais pas nécessairement inspirante. Cela dit, il ne faudrait pas que cela vous empêche de la prendre en considération. Les journalistes spécialisés dans le monde de la moto sont gâtés parce qu’ils roulent sur une grande variété de modèles et, pour qu’une moto ressorte du lot à leurs yeux, il faut qu’elle soit particulièrement distinctive. Si vous recherchez une moto sportive polyvalente et confortable, capable de vous emmener au boulot chaque jour et de filer avec entrain sur les routes sinueuses en fin de semaine, c’est peut-être la machine qu’il vous faut. Elle est rapide, conviviale, facile à piloter et, peut-être plus important encore, très abordable. À 9499 $, la CBR650F arrive sous le seuil magique des 10 000 $. Les motocyclistes tomberont-ils sous le charme de cette moto fonctionnelle? Ils l’ont fait pour une Suzuki à la personnalité similaire, ce qui devrait donner bon espoir aux gens de chez Honda.
Anecdotes
Parfois, il faut faire l’école buissonnière. Après une session de photos sur des routes rurales, Neil Graham et moi nous apprêtons à repartir chacun de notre côté. Il me dit de filer directement chez moi pour aller avancer du boulot en retard. Je fais oui de la tête, mais je n’ai absolument pas l’intention de rentrer à la maison.
Une dizaine de minutes plus tard, dans une montée, je croise un policier qui roule dans l’autre sens. Croyez-le ou non, ce sera ma première arrestation en moto. Mais, pas de problème, mon professeur de physique du secondaire nous a expliqué comment réagir en pareil cas.
Je ne me souviens pas pourquoi il nous a donné cette explication, mais je me souviens très bien des instructions. S’arrêter sur l’accotement, descendre de la moto et enlever son casque (pour montrer qu’on est en contrôle). Puis, être poli et avoir ses papiers à la main (pour montrer qu’on est coopératif). Quand le policier arrive à mes côtés, il me dit : « Vous avez l’air habitué ». « Non, je vous jure que c’est la première fois. » Il retourne à son véhicule et en revenant, il me dit : « Merci d’avoir arrêté ». Je réponds que je ne savais pas que c’était optionnel… Ça le fait sourire. Et après une réprimande, il me laisse partir.
À première vue, la CBR650F n’est pas la machine la plus excitante qui soit, mais en réalité, c’est nous qui créons nos propres moments d’excitation. Comme toutes les autres motos, la F est d’abord un outil; à vous de voir comment vous allez l’utiliser.
– James Nixon
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Anecdote rigolote. Un policier m’arrête pour excès de vitesse. J’ai l’idée d’essayer de m’en tirer avec un petit mensonge. Je me mets alors à enlever les caches latérales de ma vieille moto comme si elle était sur le point d’exploser. Quand le policier arrive à mes côtés, j’ai l’air très énervé. Lui est très calme, ce qui me pousse à avoir l’air encore plus hystérique. Je lui dis de ne pas s’approcher, car je ne sais pas quel est le problème. Il me reproche alors de rouler avec un véhicule dangereux. Ça m’a désarçonné.
Je ne savais plus quoi dire ensuite, comme un mauvais acteur qui a oublié son texte. Le policier attendait que je continue, alors j’ai fini par lui demander si ce que je faisais était illégal. Il m’a demandé ce que je faisais au juste. Euhhh…
Le policier est allé à son véhicule et, au bout d’une période qui m’a semblé très longue, il est revenu, le visage moins sévère, et il m’a demandé si j’avais une place pour dormir ce soir (il était tard). Je crois qu’il avait l’impression que le problème dans ma tête était nettement plus grave que celui de la moto…
(Et la Honda? Désolé pour la digression. Bonne moto. Souple, agile, sensée. Elle aurait sans doute eu un effet positif sur moi.)
– Neil Graham
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Fiche technique
Modèle Honda CBR650F
Prix 9499 $
Moteur L-4 refroidi au liquide
Puissance (annoncée) ND
Couple (annoncé) ND
Cylindrée 649 cc
Alésage et course 67 x 46 mm
Rapport volumétrique 11,4:1
Alimentation Injection
Transmission 6 vitesses
Suspension Avant : fourche conventionnelle de 41 mm
Arrière : monoamortisseur, précharge du ressort ajustable
Empattement 1450 mm
Chasse/déport 25,5º/101 mm
Freins ABS. Avant : disques de 320 mm, étriers à 2 pistons
Arrière : disque de 240 mm, étrier à 1 piston
Pneus Avant : 120/70-17. Arrière : 180/55-17
Poids (annoncé) 212 kg
Hauteur de la selle 810 mm
Réservoir 17,3 litres
Consommation 5,5 L/100 km
Autonomie 315 km