Explorer le territoire

Par Guy CaronPublié le

À mes yeux, un voyage, ou une belle balade, n’est pas vraiment réussi si je ne me suis pas égaré en cours de route… 

Quelle meilleure façon de découvrir que de se perdre en chemin? Il y a cependant un élément à considérer : se perdre un peu c’est amusant, se perdre vraiment peut être un problème… Mon sens de l’orientation doit être relativement à point étant donné que je suis ici maintenant. Le monde a pris forme autour de moi petit à petit. Tout jeune, je m’aventurais de plus en plus loin du domicile chaque fois que j’en avais la chance (quand je dis « le monde », comprenez bien qu’il s’agit du monde que je connais… Je suis loin de considérer qu’il n’y ait que cela qui existe, mais pour mon cerveau, c’est ça qui est ça!).

Savoir où je me situe dans l’espace est nécessaire pour mon équilibre mental. J’apprécie rarement les moments où je suis vraiment désorienté. Pourquoi alors j’aime prendre un mauvais embranchement qui m’amène Dieu sait où? C’est ma façon de trouver les morceaux manquants dans le casse-tête qu’est la représentation du monde dans mon esprit. J’ai des séries de pièces qui couvrent pas mal de terrain, sur les routes, en ville et en campagne, dans les bois et sentiers et même par les mers. Oui, je m’assoie idéalement côté hublot en avion et je regarde en bas quand c’est possible, même si ce n’est que pour compter les bateaux. Quand j’ouvre une carte, j’aime avoir des images réelles qui se superposent au dessin.

L’avantage de se déplacer à moto, c’est la flexibilité qui permet de remplir ces trous, de voir les coins reculés que je n’irais pas visiter autrement. En partant du motel à Natural Bridge, il y a de belles indications vers le Blue Ridge Parkway… que j’ignore, évidemment! À gauche, dit l’enseigne. Pourquoi pas tout droit sur ce petit ruban d’asphalte qui se dirige vers le pied de la montagne? Après une heure de villégiature, sur des chemins si étroits que même à moto rencontrer un autre véhicule demande un peu de calcul, nous sommes revenus à Glasgow sur la route indiquée clairement, mais j’ai un morceau de plus avec de très belles images qui s’ajoutent au puzzle de mon univers.

J’ai eu la chance de développer mon sens de l’orientation avec un expert : mon père. Avec lui, je savais que l’on était toujours sur le bon chemin, ou pas loin. Dans les bois ou encore en ville, il trouve toujours la bonne direction. Ses amis du club de mototourisme doivent être en accord avec moi, car quand Aubert est présent, c’est habituellement lui le chef de file, que ce soit ici ou au Grand Canyon. Dans les sentiers, c’est souvent l’instinct qui prône, sans carte, on y va au pif. Je crois que c’est excellent pour exercer son sens de l’observation. Dans mon cas, moi qui ai grandi dans les Appalaches, le nord se trouvait vers le fleuve. Comme les oiseaux se dirigent vers le pôle en migrant au printemps, si je n’y portais pas attention, je me dirigeais vers la masse d’eau dès que je voulais aller vers le nord. Pas très efficace à Toronto, avec le lac Ontario au sud, où à Los Angeles avec l’océan vaguement à l’ouest… Avec un peu de travail et l’aide des cartes, j’ai fini par m’adapter. Apprendre à lire une carte demande de la pratique et, croyez-moi, j’ai pratiqué beaucoup. Maintenant, les appareils GPS semblent supplanter cet art de la localisation personnelle. Je travaille beaucoup avec un GPS, mais je me rends compte que si je me fie uniquement à l’appareil, le casse-tête devient sans couleurs. Je me rends directement à destination, mais l’image est floue, ma mémoire ne travaille pas assez fort pour bien retenir l’information. L’écran dit à gauche dans 14 kilomètres, et je roule en regardant tout autour sans vraiment porter attention. Pourquoi analyserais-je tout ce qui se trouve entre moi et ce point? La flèche va apparaître 500 mètres avant le virage! Trop facile, vraiment trop facile pour que mon paresseux de cerveau prenne le contrôle. Quand je voyage, j’apporte parfois un GPS que j’utilise pour trouver un endroit précis où une station-service à l’occasion, mais la carte reste mon outil principal. Avec la nouvelle génération d’appareils qui permettent de trouver les routes sinueuses, je crois cependant que je vais faire plus de place à la technologie! Et encore ajouter de nouvelles pièces au casse-tête.

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