Le voyage pour « rouleux » d’André Dion qui prend un petit détour pour aller rejoindre les siens dans la capitale albertaine.
Les lecteurs de Moto Journal se souviennent d’André Dion comme du wheelie king québécois (voir Moto Journal février 2012). Depuis qu’il a accroché ses cuirs de compétition, André et sa femme Sylvie ont sillonné les routes du Québec bien sûr, mais aussi celles de la côte est des États-Unis depuis 2007. Que ce soit le Blue Ridge Parkway dans tous les sens, la Dragon Tail, les belles routes de la Pennsylvanie, etc. Rouler ne leur fait pas peur. L’été dernier, ils ont décidé de joindre l’utile à l’agréable et d’aller rendre une petite visite à deux de leurs fils qui travaillent à Edmonton : Iannik, frigoriste, et Maxime, charpentier-menuisier. Sylvie ne disposant pas d’autant de journées de vacances que son « rouleux » de mari, elle décida de se rendre dans l’Ouest canadien en avion (en prenant bien soin d’apporter son équipement de moto pour s’offrir une petite exploration de l’Alberta et une petite incursion en Colombie-Britannique). L’idée de faire l’aller-retour par la Transcanadienne ne traverse même pas l’esprit de notre ancien routier qui se promet bien de voir le plus de paysages possible en un temps presque record en passant au sud de la frontière… Ce sera donc avec environ une semaine d’avance sur l’avion que prendra Sylvie que notre homme partira vers l’Ouest canadien par les États-Unis, avec son livre préféré, un atlas détaillé de l’Amérique du Nord, et un très bon sens de l’orientation (nul besoin d’un GPS). André qualifie son voyage comme étant mi-Iron butt mi-voyage touristique. Laissons-le faire la narration de son voyage…
En 39 ans de motocyclisme (au début seulement des courtes distances pour me rendre aux courses dans les années 70, telles que Pont-Rouge, Sanair et Napierville), mes longues distances, je les parcourais au volant de camions. Faire entre 800 et 1000 km par jour avec une moto comme celle-ci n’avait rien de bien extraordinaire pour moi (pour un total de 11 600 km en 13 jours).
Je suis parti de Québec pour me rendre chez mon beau-frère qui habite Blainville. C’est donc de là que débuta officiellement mon périple. Je roulai sur la 50 jusqu’à Ottawa pour acheter une boîte de conserve de sirop d’érable, denrée rare à Edmonton paraît-il! Bruce Mines, premier dodo après presque 1000 km. Le lendemain, en me levant pour aller prendre mon déjeuner, je m’aperçus que le restaurant n’était pas encore ouvert malgré la pancarte qui dit pourtant le contraire! Pas de déjeuner! Une chance, un gars bien planté avec une Harley modifiée me dit qu’il possède un truck-stop à Desbarats et me suggéra d’aller y casser la croûte. J’acceptai volontiers, mais à mon arrivée dans la place, un groupe de vieux mineurs à la retraite semblent se méfier de moi, me regardant d’un drôle d’air. Mais à l’arrivée de mon « Jessie James amateur » qui me donne une tape sur l’épaule en guise d’accueil, l’attitude de mes bonshommes changea… Je fais maintenant partie de la clientèle! Après un copieux déjeuner, je filai vers la douane de Sault Ste-Marie. L’accueil que j’y reçus n’était pas non plus des plus hospitaliers. Non pas que le personnel était impoli, au contraire, mais plutôt un nombre incroyable de petites mouches noires avaient investi les lieux. J’avançais lentement dans la file avec ma visière abaissée pour tenter de me protéger de ces envahisseurs! Finalement, la douanière me demande mon passeport (que j’avais déjà en main) et ma destination. Elle me souhaite bon voyage (je crois qu’elle trouvait que je me compliquais la vie avec mon itinéraire quelque peu allongé pour me rendre à Edmonton) et je repars, le tout ne dura qu’une quinzaine de secondes.
Une fois aux États-Unis, mon objectif était de longer le lac Supérieur. À la première station-service, j’en profitai pour faire le plein (qui me coûta 10 $ de moins que ce dont nous sommes habitués au Québec). Une aubaine, bien que ce ne fut pas le meilleur prix que je rencontrai lors de ce voyage. Je mis donc le cap sur la 75 sud pour me rendre à l’embranchement de la 2 dans l’État du Michigan. Cette portion de route nous permet une vue imprenable sur le lac Michigan et un point intéressant pour nous, motocyclistes : les montées sont dotées d’une voie lente qui favorise les dépassements sécuritaires. Petite parenthèse, chaque fois que je me suis arrêté soit pour faire le plein ou me ravitailler, les motocyclistes de toutes allégeances ont toujours été accueillants et intéressés par mon parcours. Leur intérêt est réel et sincère, bien différent des « Bonjour, comment ça va? » lancés à qui mieux mieux sans réellement attendre la réponse de l’interlocuteur… Après la 2 vinrent la 35 puis la 41 qui m’amenèrent à Marinette dans l’État du Wisconsin. C’est à partir de là que je pris l’habitude de ramasser le plus de documentation possible dans les Welcome Centers (informations touristiques de l’État). On y retrouve aussi beaucoup de rabais pour les nuitées dans les hôtels. Je me suis fait un devoir d’y arrêter à chaque fois que j’entrais dans un nouvel État. La 41 sud m’apporta ma première agréable surprise de mon voyage. Il s’agit d’une autoroute à trois voies : tu roules au centre à environ 120-130 km/h et tu te fais dépasser des deux côtés! J’ai suivi cette autoroute jusqu’à Greenbay. Les gens sont habitués à rouler à ce rythme et conduisent en conséquence. Jamais je ne me suis senti en danger sur les 11 600 km de mon voyage, et en aucune occasion je n’ai dû appliquer les freins à pleine puissance. Les motos sont beaucoup plus respectées au sud de la frontière et les automobilistes laissent de l’espace lors des dépassements.
Je continuai sur la 41 jusqu’à l’embranchement de la 33 en direction ouest que je suivis pour me rendre à Portage d’où j’embarquai sur la 90 en direction de Bangor, mon dernier arrêt de la journée; j’y passerai la nuit avant de changer d’État le lendemain. Sur cet Interstate, la limite affichée est de 75 mi/h, mais il vaut mieux ajouter 10 mi/h pour notre propre sécurité tant le trafic roule avec aplomb.
Au début du troisième jour, dans l’État du Minnesota, les routes me rappelaient un peu celles du Québec de par leur état quelque peu délabré. Je roulai quand même à bonne allure, me faisant même dépasser par un policier! La traversée de cet État se passa sans faits marquants, sauf pour la météo qui semblait vouloir se gâter, mais mis à part quelques gouttes, je l’ai échappé belle! L’État voisin, le Dakota du Sud, m’apporta mes premiers vallons, car jusqu’à présent, les côtes avaient été assez rares. Je roulai majoritairement sur la 90 à 85 mi/h, ce qui me permet de couvrir la distance entre Sioux Falls et Kadoka pour me rapprocher du Parc national des Badlands. En y arrêtant pour faire le plein, je constatai que la seule pompe disponible n’offre que de l’essence à l’indice d’octane de 87. Heureusement, il est possible d’acheter un petit contenant d’octane booster pour compenser… C’est justement dans ce petit village que j’en profitai pour m’informer des limites de vitesse tolérées à un sympathique policier qui me confirma que ma vitesse de croisière était bel et bien tolérée et m’avertit que dans l’État voisin, le Wyoming, il me faudrait rouler encore plus vite! Je devrai donc rouler à 90 mi/h en toute légalité! En prime, les routes sont belles et larges avec des paysages grandioses à une échelle démesurée. M’étant « budgété » quelques minutes pour aller faire des repérages pour un prochain voyage dans le Parc national des Badlands, j’empruntai la sortie 31 pour prendre la route 240 (10 $) qui serpente dans une partie du parc. Je me croyais sur une autre planète tellement le paysage est déroutant et le nombre d’animaux sauvages pouvant surgir à tout moment m’amène à modifier ma conduite. L’asphalte est impeccable, les courbes invitantes et la présence policière nulle. Suite à cet intermède, je renouai avec la 90 à Wall pour me rendre à Rapid City. En empruntant la sortie 57 (embranchement pour la route 16), je me dirige vers le mont Rushmore. Comme son nom l’indique, la montagne en question demande une ascension considérable avant d’atteindre le célèbre monument à la mémoire des présidents George Washington, Thomas Jefferson, Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln. Avec près de 3 millions de visiteurs par année, le site doit être assez congestionné à certaines périodes de l’année; à mon passage, je peux dire que l’achalandage demeurait supportable. Cette journée ne fut pas marquée par un total de kilométrages élevé, profitant plutôt de l’occasion pour faire un peu de social sur place et en ville où je rencontrai des motocyclistes revenant du rallye de Sturgis. Les jours précédents, j’avais en effet remarqué des troupeaux de motocyclistes en Harley-Davisdon. Il y en avait tellement que je renonçai à faire le traditionnel signe de la main! Un motard rencontré me conseilla d’essayer la route 16A pour aller rejoindre la 385. Cette portion de route serpente au milieu des pics, de toute beauté et d’étroitesse! À certains endroits, j’aurais pu toucher le roc avec mon coude dans les courbes! Il y a même des trous dans le roc qui ne permettent qu’un seul véhicule à la fois. À un endroit en particulier, à la sortie d’une courbe, le trafic ralentissait. Dans un lac, il semblait y avoir un bœuf dans l’eau… en m’approchant, je découvris un troupeau de bisons dont quelques-uns sont carrément sur la route! Je coupai donc le contact et attendis qu’ils dégagent la voie. Après quelques minutes sans qu’une seule bête ne décide de s’en aller, je me décidai à tenter de les contourner. Les gens dans la file de véhicules (surtout les deux pilotes de Harley) me regardaient d’un drôle d’air. Une fois près des bisons, je m’aperçus qu’ils étaient vraiment énormes! Un signe d’hostilité de leur part et j’étais prêt à relâcher l’embrayage comme dans le temps à Sanair! Une fois cet obstacle passé, la route m’appartenait. Je mis ensuite le cap vers le Wyoming et sa fameuse Devils Tower. En empruntant la sortie 185 de l’autoroute 90, je continuai sur la route 14 puis la 24 qui me menèrent au fameux piton rocheux. Ensuite, je commis une imprudence qui n’apporta aucune conséquence, sauf peut-être une petite leçon de vie. En retournant sur mes pas au lieu de prendre l’embranchement de la 14 qui mène plus à l’ouest sur la 90, j’étirai le kilométrage possible avec un réservoir d’essence presque à son maximum selon mes calculs (et le clignotant qui se faisait de plus en plus insistant dans le tableau de bord). De plus, l’endroit étant désertique, les stations-service pour faire le plein étaient très rares. Finalement, lorsque je pus ravitailler, je ne réussis à mettre qu’un petit 5 galons (américains), il me restait donc encore bien des kilomètres avant la panne sèche. Ce soir-là, je me rendis à Gillette, ville d’environ 30 000 habitants. Mon but en me levant le lendemain : le parc de Yellowstone, et deux routes peuvent m’y mener : la 14 ou la 16. Près de Buffalo, j’aperçus une moto semblable à la mienne dans le stationnement d’un commerce. Le propriétaire (de la moto et du commerce), un gars bien sympathique, prit quelques minutes pour venir comparer nos machines. Il fut bien impressionné par l’état de ma Concours, compte tenu du kilométrage qu’elle a dans le corps comparativement à la sienne qui n’a que 20 000 milles. Il me conseilla de continuer sur la 90 pour rejoindre la 14. Je n’ai pas regretté d’avoir suivi son conseil (souvent, les locaux sont une bonne source pour découvrir des routes inspirantes, des côtes et des côtes en lacets, bien du plaisir). C’est dans cette portion de route que je rencontrai plus capoté que moi. Un gars parti de la Nouvelle-Écosse en Ducati Monster! Il trouvait le voyage éprouvant, mais me dit qu’il s’était rendu là seulement pour les courbes… il était servi! Comparativement aux Rocheuses canadiennes, ces routes nous amènent au sommet des montagnes. Plus loin sur cette même route, je fis la rencontre de deux retraités à une halte routière. L’un habite en Colombie-Britannique (il a fait sa carrière militaire à Ottawa) et l’autre est résident de l’Ohio. Tout en me jasant de la situation économique du Québec (ils m’ont tiré la pipe un peu sur le sujet), ils me suggérèrent de changer mon itinéraire, et me proposèrent la route 212 qui me mènera à ma destination canadienne. J’empruntai donc la 296 qui m’amena à la 212 qui ouvre à la circulation à la fin mai et ferme à la mi-octobre. Nous sommes au mois de mai et il reste encore de la neige de l’hiver dernier… À un certain point, j’ai songé à arrêter pour mettre mes caleçons, mais effectuer la manœuvre sur le bord de l’autoroute… Heureusement, la montée s’acheva et je me mis à redescendre en direction du Montana. Je couchai à Laurel où je rejoignis à nouveau la 90 ouest. Petit arrêt à Butte le lendemain pour changer le pneu avant chez un concessionnaire Kawasaki. Un peu après Missoula, j’optai pour la 93 nord en direction de Kalispell où je passai la nuit. Pour la seconde fois, j’allais changer mon plan de route. Mon trajet planifié m’amenait via la route 2 vers la route des glaciers. En jasant avec des motocyclistes qui en revenaient, je me fis déconseiller de passer par cet itinéraire tellement il y avait de la poussière ou, encore pire, de la boue aux endroits arrosés pour prévenir ladite poussière. Je décidai donc de rester sur la 2 jusqu’à la 49 où j’aperçus trois chevaux sauvages en bordure de la route, de même que quelques vaches. Vint ensuite la 89 qui me mena à la douane de l’Alberta. Ce qui m’a impressionné à ce poste frontalier, c’est le contraste entre les Rocheuses au sud et les Prairies qui débutent vers le nord. Là aussi, le douanier semblait impressionné par mon périple… Mon but était maintenant d’atteindre Edmonton pour l’heure du souper, ce qui fut accompli sans trop de difficulté tellement la circulation était fluide sur la route 2. Ma femme Sylvie étant arrivée avec son équipement de moto, nous visitâmes donc en compagnie de nos fils pendant quatre jours avant de faire une tournée des Rocheuses canadiennes en amoureux sur la Concours. En partant d’Edmonton, nous empruntâmes la 16 jusqu’à Jasper puis Valemount pour ensuite descendre la 93 vers Golden et le lac Louise. Mis à part une « grosse averse » sur la route 1, ma passagère fut gâtée en température. Une fois notre tournée touristique complétée, je laissai Sylvie à l’aéroport de Calgary et mis le cap sur le Québec. La portion de Medicine Hat, Alberta jusqu’à Brandon Manitoba, se passa sous une pluie continue. La première portion de la traversée vers l’Ontario m’amena à Thunder Bay. Le lendemain, je couchai à Sudbury avant de me rendre finalement à bon port le soir suivant… prêt à repartir!