BMW S1000R: Rapide et raffinée

Par Neil GrahamPublié le

Basée sur la RR de superbike, la R sans carénage est plus abordable, mais toujours furieusement rapide
À mesure que les motos gagnent en puissance au fil des années, on se dit régulièrement que « c’est trop pour rien! », puis on s’habitue. Très vite, en fait… Mais il y a une exception dans mon cas, c’est la BMW S1000RR de superbike. Je n’ai jamais vraiment réussi à apprivoiser l’intensité de son moteur.

On dirait que BMW a insufflé une surdose de puissance à sa machine de superbike comme pour s’excuser qu’elle soit si conventionnelle par ailleurs (du moins pour une BMW). Effectivement, son architecture de base évoque plutôt une moto japonaise typique : moteur quatre cylindres en ligne, cadre en aluminium, bras oscillant à deux branches, fourche télescopique. Permettez-moi ici une digression : quand j’ai parlé à un ingénieur de BMW de ma surprise à la vue d’une fourche télescopique sur la RR, il m’a avoué qu’au tout premier stade de conception, la firme a fait des essais avec une fourche Telelever montée sur une Suzuki GSX-R1000. Mais aucun des pilotes ne l’a vraiment aimée : elle ne donnait pas le même feedback que la fourche télescopique quand on approche de la limite d’adhérence des pneus. Adieu Telelever, donc.

La plupart des modèles de superbike actuels livrent une puissance à la roue arrière qui se situe à peu près entre 155 et 165 chevaux. C’est le cas par exemple des Aprilia RSV4, Honda CBR1000RR et Yamaha R1. La S1000RR, elle, garroche plus de 180 ch. De série. Elle est tellement puissante que le patron du championnat canadien de superbike Mopar, Colin Fraser, a dû changer les règles pour pouvoir l’accepter (le maximum admissible est maintenant de 190 ch).

Quand on tord la poignée de droite sur la S1000RR, tout se passe très vite. On dirait que les longues ondulations sur une route rurale – ou sur une piste de course – deviennent autant de rampes de lancement pour vous envoyer au ciel. Sur la plupart des motos, l’accélération s’estompe quand on approche du cap des 200 km/h. Pas sur la S1000RR. Elle continue de foncer avec la même fureur extrême jusqu’à 250 km/h. Aucune autre moto de production ne peut l’égaler à cet égard, et je dois admettre que je ne me sens pas capable de gérer des vitesses si élevées.

Mais revenons à la R. Les Allemands de chez BMW sont très gentils, mais je me méfie d’eux quand même. Ils ont dit que cette déclinaison a été adoucie pour produire seulement 160 ch. Et comme je connais BMW, il y a de bonnes chances pour que ce soit là une mesure réaliste. Le problème, c’est qu’en plus, nous nous apprêtons à rouler sur une route serrée, remplie de virages et… glissante. Mis à part sa puissance « réduite », la S1000R se distingue par son absence de carénage et son prix de 14 700 $, soit près de 3000 $ de moins que sa jumelle.  

Les Allemands ont également un sens du drame inégalable. Alors quand on annonce que les routes ne sont pas seulement glissantes, mais qu’elles sont exceptionnellement glissantes, je sens un petit frisson me traverser le corps. L’antipatinage et l’ABS sont livrés de série, mais les gens de BMW tiennent quand même à préciser que le groupe de journalistes précédent a comparé la route à un plancher de cuisine fraîchement ciré puis recouvert d’huile d’olive. Bon, ce ne sont peut-être pas leurs mots exacts, mais vous voyez l’idée.

En réalité, les responsables de BMW n’exagéraient pas. Au début de notre randonnée, je prends un virage à une allure très raisonnable, en ayant le sentiment d’avoir une marge de manœuvre amplement suffisante pour parer aux imprévus. Mais je sens la moto qui se tortille et dérape des deux roues. Je réussis à garder le contrôle, mais je suis renversé de voir à quel point l’asphalte sec peut être glissant. J’ai déjà roulé en hiver sur des routes en glace noire qui offrait une meilleure adhérence… Pour plus de sécurité, je décide donc de rouler mollo et de sélectionner le mode Pluie. Il réduit la puissance à 136 ch selon la firme et il hausse le niveau d’intervention de l’ABS et du système antipatinage (appelé système de stabilisation automatique – ASC). 

Quand je reprends ma respiration normale, je peux à nouveau me concentrer sur ma machine et ce qui m’impressionne plus, c’est la réponse progressive et fluide de l’accélérateur. Pendant les premières années en piste de la S1000RR, Troy Corser, l’ancien pilote de BMW dans les épreuves de championnat mondial de superbike, avait déjà déclaré que la réponse de l’accélérateur de sa machine était si abrupte qu’il avait peur de faire de wheelies. Quand un pilote de ce calibre, double champion du monde, hésite à faire des wheelies, vous pouvez être sûr que la puissance est réellement difficile à contrôler. À la surprise des observateurs, BMW avait alors décidé de ne pas faire appel à un système de gestion électronique déjà existant en provenance d’un fournisseur externe, et de plutôt développer son propre système. Il a fallu quelques années pour le perfectionner, mais de toute évidence, il est maintenant au point. 

Après une pause pour le lunch, on nous annonce que les routes ne seront plus glissantes à partir d’ici. En embarquant sur ma machine, je sélectionne le mode Route. La différence de puissance est clairement perceptible, mais sans être terrifiante. En fait, pour rendre une moto très puissante plus facile à contrôler, on peut bien sûr limiter la cavalerie maximale, mais ce qui importe plus encore, c’est la façon dont cette puissance est livrée quand on tourne la poignée. Ma dernière chevauchée sur une S1000RR remonte à quelques années déjà, mais j’ai vraiment eu l’impression que BMW a amélioré de façon très marquée les systèmes de gestion électronique de cette machine.

David Robb n’est plus le designer en chef de BMW, mais on voit encore sa signature, notamment dans l’asymétrie de la moto vue de l’avant. Quand j’ai demandé aux gens de BMW quels compromis ils avaient dû faire en créant la RR tout en sachant qu’il y aurait ensuite une déclinaison roadster, j’ai été surpris d’apprendre que la R dénudée ne faisait pas partie des plans à l’origine. Pour une moto conçue après coup, elle est étonnamment réussie d’un point de vue visuel. Le seul élément qui accroche en cette ère de centralisation des masses, c’est la grosse boule que fait le silencieux sous le moteur.

En fin d’après-midi, je roule avec entrain juste derrière le rapide Costa Mouzouris, un ancien de Cycle Canada, et nous redescendons des montagnes sur une route tachetée de soleil. Avant qu’il fasse noir, je tords la poignée une dernière fois en montant une longue côte pour goûter encore les 160 ch du quatre cylindres. Quelle puissance fulgurante! Mais quel raffinement dans sa livraison. Car la puissance sans contrôle ne vaut pas grand-chose.

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