Plus puissante, plus coupleuse, plus sophistiquée et surtout plus conviviale que la 1199
Dans l’univers de la moto, peu d’expériences peuvent se comparer à l’excitation que l’on ressent en tordant la poignée de la 1299 Panigale S dans le grand droit du circuit de Portimao. Je viens de sortir du virage précédent à plus de 160 km/h en quatrième vitesse et la Ducati accélère avec force. À 200 km/h, je passe la cinquième et la roue avant se soulève encore dans la légère pente descendante. À l’approche du virage numéro un, j’ai tout juste le temps d’apercevoir 270 km/h sur le compteur numérique avant d’appliquer les freins.
Il y a quelques années, j’ai eu la chance d’essayer de véritables superbike de course sur cette même piste à la fin du championnat mondial. Or, cette Ducati de production est si incroyablement rapide, légère, bruyante et excitante qu’on a l’impression d’être au guidon de la machine de superbike d’une grande écurie de course.
Avec ses 1285 cc, la 1299 n’est pas admissible pour les courses de superbike mondial, ce qui veut dire que Ducati a dû homologuer à cette fin une autre Panigale, la R de 1198 cc. Cela a sans doute engendré certains petits inconvénients pour Ducati, mais la firme avait de très bonnes raisons de créer la 1299. La 1199 Panigale a été une réussite à bien des égards depuis son lancement il y a trois ans. Elle n’a pas obtenu le succès espéré en piste, mais elle a été populaire auprès du public. Toutefois, il faut aussi reconnaître que son V-2 Superquadro à course ultracourte était exigeant à piloter à cause de sa puissance maximale très élevée (195 ch) combinée à son manque de couple à bas régimes.
La 1299 Panigale a été conçue avec deux principaux objectifs en tête. Le premier était d’améliorer les performances pures et de créer, selon les mots de Ducati, « la machine de superbike la plus puissante, la plus avancée et la plus excitante du monde ». La firme italienne voulait également améliorer la Panigale en tant que routière, en la rendant plus conviviale. Pour ce faire, Ducati a fait diverses modifications au châssis et raffiné les dispositifs électroniques. Mais, surtout, elle a haussé la cylindrée de 87 cc, en faisant passer l’alésage de 112 à 116 mm.
Ce gain de cylindrée entraîne une augmentation de 10 chevaux, ce qui fait que la 1299 affiche une puissance impressionnante de 205 ch à 10 500 tr/min. Mais ce qui est bien plus intéressant pour la conduite sur route, c’est la hausse de couple sur toute la plage de régimes. Un examen comparatif des courbes de puissance indique que la 1299 a un net avantage sur la 1199 à partir de 4000 tr/min. Entre 5000 et 8000 tr/min, elle affiche un couple supérieur par une marge de 15 % ou plus.
Parlant de chiffres impressionnants, la Panigale pèse seulement 179,5 kg selon Ducati (poids en état de marche, mais sans essence), ce qui en fait la machine de grande production avec le meilleur rapport puissance/poids jamais construite selon la firme.
Les Panigale n’ont jamais manqué de style, et c’est encore plus vrai avec ce modèle. Les lignes ont été légèrement retravaillées, les phares sont maintenant incorporés aux prises d’air et l’arrière de la selle se divise en deux bandes rouges. La version S est équipée de phares à DEL, de roues forgées Marchesini et d’un garde-boue avant en fibre de carbone.
Le modèle de base est muni d’une fourche Marzocchi et d’un amortisseur Sachs. Sur la S, on a droit à une suspension semi-active Öhlins Smart EC de dernière génération. Les paramètres de cette suspension sont reliés au choix du mode de conduite : Course, Sport ou Pluie (ce dernier réduit la puissance à 120 ch). Le système comprend une fourche NIX30 de 43 mm, un amortisseur TTX36 et un amortisseur de direction à ajustement électronique. On peut faire les différents ajustements en appuyant sur un bouton, ou utiliser un mode que Ducati appelle « basé sur les événements ». Dans ce cas, les trois dispositifs sont ajustés en continu et de façon automatique en fonction de différents paramètres dont la vitesse, l’accélération, l’angle d’inclinaison, la position de l’accélérateur et le régime du moteur.
En théorie, ce système devrait améliorer à la fois le confort et les performances (parce que la suspension s’assouplit dans les situations où elle n’a pas besoin d’être ferme, par exemple). D’autres changements visent à rendre la Panigale S plus facile à côtoyer au quotidien. Ainsi, même si la position de conduite demeure résolument sportive, le pare-brise a gagné 20 mm en hauteur, les rétroviseurs sont plus larges et la selle a été redessinée pour offrir plus de confort. Elle est un peu plus haute qu’avant (830 mm au lieu de 825), mais comme elle est étroite, elle devrait convenir à la plupart des pilotes.
À part le pare-brise plus élevé, le poste de pilotage de la nouvelle Panigale est semblable à l’ancien. Comme avant, le tableau de bord à affichage numérique TFT présente l’information en fonction du mode de conduite sélectionné, mais il est maintenant doté d’un indicateur d’angle d’inclinaison. En appuyant sur le démarreur, le moteur prend vie dans une cacophonie au volume étonnamment élevé. Dès les premiers tours de roues sur le circuit de Portimao (au Portugal), j’ai senti à quel point cette machine est légère et incroyablement facile à inscrire en virage.
J’ai également senti tout de suite le gain en matière de motricité. Même en mode Sport lors de la première sortie, la Panigale tirait avec autorité dès les 6000 tr/min. À ce régime, elle sortait des virages avec une fougue nettement supérieure à celle de l’ancienne 1199, et je pouvais souvent rouler dans un rapport de transmission plus élevé. Cette souplesse était utile pour réapprivoiser le circuit, et elle devrait s’avérer encore plus utile en usage routier parce que la 1299 sera plus rapide tout en exigeant moins de changements de vitesse.
La transmission est dotée d’un nouveau système quickshift qui fonctionne impeccablement dans les deux sens. Quand on rétrograde, le système donne automatiquement un « coup de gaz » pour synchroniser le régime du moteur (la BMW S1000RR a un dispositif semblable). J’ai trouvé cette fonction très utile : elle permet de se libérer l’esprit et de se concentrer sur des choses plus essentielles, comme l’adhérence des pneus lors des freinages intensifs et des entrées en virage.
J’ai aussi apprécié le dispositif de contrôle des wheelie. Avec son poids léger et son couple généreux, la Panigale pourrait facilement s’envoler sur une roue en sortie de virage, même en cinquième vitesse dans le grand droit (une acrobatie que je croyais réservée aux superbike d’usine). Mais le dispositif me permettait de garder le train avant près du sol et de foncer en ligne droite. On peut ajuster le système en huit différents niveaux en fonction de la hauteur à laquelle on veut que la roue s’élève… Son intervention est fluide, à tel point qu’il était difficile de la déceler à quel moment elle entrait en fonction.
J’étais également très content qu’il y ait un système antipatinage. Il s’ajuste lui aussi en différents niveaux à l’aide d’un bouton sur la poignée de gauche. Les dispositifs d’aide à la conduite sont devenus tellement sophistiqués qu’on oublie qu’ils existent depuis très peu de temps. La première moto de grande production équipée d’un système antipatinage a été présentée il y a six ans seulement (c’était justement une Ducati, la 1198S, également lancée sur ce circuit).
La Panigale est dotée d’un châssis monocoque en aluminium qui utilise le moteur comme élément structurel, ce qui contribue à la légèreté de la machine. La 1299 a un angle de fourche un peu moins prononcé (24 degrés au lieu de 24,5) et le point de pivot du bras oscillant monobranche a été abaissé de 4 mm pour améliorer l’adhérence en accélération.
La 1199 offre une conduite de haut niveau, très neutre et très précise. Son poids léger et sa géométrie aiguisée permettent de faire des changements de direction rapides. J’ai été vraiment impressionné par le comportement de la suspension Öhlins. Au freinage, la fourche devient plus ferme, ce qui permet d’appliquer les freins de façon très intense. Puis, dès qu’on relâche le levier, la fourche redevient souple et elle donne un excellent feedback de la route. Le train avant, en particulier, donne l’impression d’être extrêmement bien ancré au sol et contrôlable. À cet égard, il faut également donner crédit aux pneus Pirelli Supercorsa SC, encore plus collants que les Supercorsa SP de série.
On peut désactiver le mode de gestion basé sur les événements, mais le système fonctionne tellement bien que je l’ai maintenu en fonction. Cela dit, il a quand même fallu faire certains ajustements parce que la Panigale oscillait à la sortie de certains virages. Le système offre cinq niveaux d’ajustement pour la fourche, l’amortisseur et l’amortisseur de direction. Les ajustements deviennent de plus en plus fermes à mesure qu’on passe du mode Pluie au mode Sport au mode Course. Comme j’avais déjà sélectionné le mode Course, j’ai placé les trois paramètres en position quatre (sur cinq). Mais je suis grand et plutôt lourd; la situation s’est améliorée, mais ma machine louvoyait encore. À ma dernière session en piste, j’ai sélectionné la position la plus ferme pour les trois paramètres et la 1299 s’est stabilisée comme par miracle. Idéalement, je crois qu’il devrait y avoir des ajustements supplémentaires, plus fermes, pour les pilotes plus lourds.
Je n’ai aucune réserve en ce qui concerne les freins : au contraire, ce sont tout simplement les meilleurs que j’ai jamais vus sur une moto de route. Les disques de 330 mm, les étriers monoblocs Brembo M50 et le système ABS Bosch 9.1MP (qui tient compte de l’angle d’inclinaison) travaillent de concert pour créer une superbe combinaison de puissance et de contrôle.
Pour mettre le système à l’épreuve, j’ai serré le frein avant alors que j’étais très penché dans une courbe à gauche, en deuxième vitesse. La 1299 s’est simplement redressée légèrement avant de continuer sa course comme si de rien n’était. Je n’aurais jamais osé faire une chose pareille avec aucune autre moto.
Sur la route, les freins sophistiqués de la Panigale seront certainement un atout, surtout par mauvais temps. Pour la conduite de tous les jours, les acheteurs profiteront également du pare-brise sensiblement plus haut, des rétroviseurs plus fonctionnels et des repose-pieds qui offrent une meilleure prise (on reprochait à ceux de l’ancien modèle d’être glissants). Seule la béquille latérale obtient une moins bonne note parce qu’elle est difficile à atteindre.
En tant que routière, la 1299 est sensiblement supérieure à la 1199, et elle sera certainement plus rapide en piste. Ses performances sont impressionnantes et elle est dotée d’une panoplie de dispositifs électroniques sophistiqués qui aideront les pilotes à maximiser leur potentiel, et celui de leur machine.
La Panigale compte une ou deux rivales qui sont probablement un peu plus faciles d’approche, mais une 1299 parfaitement ajustée pourrait très bien s’avérer la plus rapide. Ajouter à cela un look d’enfer, un V-2 avec beaucoup de caractère, un son à tout casser, et même un nouveau côté plus convivial, et vous avez une machine véritablement unique. À mon avis, la Panigale 1299 est la meilleure superbike de Ducati depuis la 916.