Quand on m’envoie essayer un nouveau modèle quelque part dans le monde pour le compte du magazine, je suis toujours content. Mais j’avoue qu’à priori, je suis encore plus content quand il y a une grosse cylindrée au menu…
Je n’ai rien contre les petites motos sport. Au contraire, je trouve qu’elles ont certainement leur place dans l’univers motocycliste, notamment pour les pilotes plus jeunes ou moins expérimentés, et comme machines de tous les jours pour aller au boulot. Habituellement, elles sont légères et maniables pour se faufiler dans le trafic, mais elles n’ont pas la puissance et le côté incisif qu’on associe habituellement aux modèles de format supérieur. Serait-il possible de créer une moto de moins de 500 cc qui ne se contente pas d’imiter le look des grandes, et qui affiche un tempérament véritablement sportif? Pour KTM, la réponse est un oui enthousiaste, et la machine qui veut le prouver s’appelle la RC390 (elle devrait être disponible au printemps prochain).
Si KTM a décidé d’organiser ce lancement de presse à Modène, en Italie, dans le bastion des Ferrari, Lamborghini et Maserati, ce n’est pas par hasard. La firme de Mattighofen veut envoyer le message que la RC390 est à sa place dans cet univers sportif, même avec son moteur monocylindre de 375 cc. Il y a même des essais sur piste au programme, ce qui n’est pas courant pour des motos de moins de 600 cc. Et, preuve supplémentaire que KTM a confiance en son produit, les motos que nous essaierons à l’Autodromo di Modena ne seront pas des modèles spécialement équipés pour la course; nous allons rouler sur les mêmes motos – de série – que celles qui nous attendent sagement devant le stationnement de l’hôtel.
Dès le premier coup d’œil, il est clair que KTM a voulu adopter l’esthétique athlétique supersport pour la RC390. Recouvrez les phares, retirez les rétroviseurs (avec clignotants à DEL intégrés) ainsi que le support de plaque et clignotants à l’arrière, et vous vous retrouvez avec une machine qui ressemble beaucoup aux KTM de compétition de classe Moto3. Même le fuselage derrière la selle évoque les modèles de course. En réalité, ce fuselage est une selle pour passager (oui, elle est souple et rembourrée) et il y a aussi des poignées de maintien, discrètement disposées. Cette selle est fabriquée par Corium, un fabricant québécois de produits en polyuréthane moulé. (Ce genre de selle est courant sur les motos marines, mais c’est une première pour une motocyclette selon KTM.)
La RC390 est une moto exceptionnellement svelte, et le silencieux blotti sous le moteur contribue à renforcer la pureté des lignes. C’est aussi une machine extrêmement légère : 147 kg à sec. Le cadre en treillis thermolaqué est semblable à celui de la 390 Duke, mais sa géométrie est légèrement différente pour accentuer l’agilité (pivot de direction moins incliné, déport réduit et empattement plus court). En montant en selle, je suis impressionné par l’espace dont on dispose au poste de pilotage en comparaison avec les autres modèles de cette catégorie. Par rapport aux Honda CBR250R (maintenant remplacée par la CBR300R) et Kawasaki Ninja 300, le guidon bracelet semble un peu plus bas et avancé, et les repose-pieds sont un peu plus hauts et reculés. La position de conduite est donc légèrement plus sportive, mais elle demeure confortable pour la conduite de tous les jours. À 820 mm, la selle est plus haute que sur les CBR (779 mm) et Ninja (785 mm), mais comme elle est étroite, on a l’impression qu’elle est moins élevée que ne l’indique sa fiche. Elle est cependant très ferme, comme a pu en témoigner mon arrière-train à la fin de notre randonnée sur route.
Les moteurs de petite cylindrée ont parfois une sonorité qui rappelle celle d’une machine à laver. Ce n’est pas le cas avec le monocylindre refroidi au liquide et alimenté par injection de la RC390. Le son qui sort de l’échappement sous la machine est dynamique et d’une belle tonalité étonnamment basse. Dans les rues congestionnées de Modène, la KTM est à l’aise. Le moteur répond bien et il livre une solide puissance dès le seuil des 3000 tr/min, mais il devient tout de même nettement plus emballant quand on fait grimper les tours. Grâce au contrebalancier, les vibrations sont contrôlées et on peut rapidement atteindre le point où le limiteur de régime intervient, à un peu plus de 10 000 tr/min. Difficile d’être plus précis, car le compte-tours numérique à barres est tout petit. Au tableau de bord, on trouve également l’odomètre et des totalisateurs journaliers, un indicateur de vitesse numérique, une horloge et des indicateurs pour le rapport engagé, le niveau d’essence, la température du moteur, etc. Les contrôles au guidon sont simples : démarreur et interrupteur d’urgence à droite; phare, clignotants et klaxon à gauche.
Les départs aux feux verts et les manœuvres dans les innombrables ronds-points italiens sont facilités par la réponse prévisible de l’accélérateur à corps de papillon Dell’Orto, et par l’embrayage à l’action légère et graduelle. La transmission à six rapports rapprochés est fluide et précise. La puissance est livrée de façon linéaire, mais pour atteindre son point le plus élevé, il faut tout de même tordre la poignée solidement : le couple maximal (25,8 lb-pi) est livré à 7250 tr/min et la puissance max (44 ch) arrive à 9500 tr/min.
En sortant de Modène, le rythme s’accélère, puis le niveau d’excitation continue à monter à mesure que nous grimpons dans les montagnes. La RC390 est un plaisir à piloter dans les virages en épingle au sud-est de Serramazzoni. La fourche WP inversée de 43 mm garde la roue avant bien ancrée au sol. Elle n’est pas ajustable, mais sa calibration de base devrait convenir à la majorité des gens dans la majorité des situations. L’amortisseur arrière – WP aussi – m’a paru un peu mou, mais on peut ajuster la précharge du ressort en 10 positions. Le ciel est couvert et, quand nous arrivons au sommet de la montagne, nous roulons carrément dans les nuages. Il ne pleut pas, mais la route est mouillée. En laissant glisser mon pied au sol, je réalise que l’asphalte est glissant. Malgré ces conditions difficiles, le groupe roule à vive allure et les pneus Metzeler Sportec M5 m’impressionnent sur le revêtement humide. La RC390 est munie d’un pneumatique 110/70-17 à l’avant et d’une claque arrière passablement large pour cette classe : 150/60-17.
Cette randonnée sportive en montagne était très agréable, mais j’ai hâte d’essayer la petite Katoum sport sur une piste. Pour s’y rendre, nous empruntons l’autoroute et la RC390 n’a aucune peine à suivre le trafic. Le circuit de l’autodrome de Modène est serré et techniquement exigeant; heureusement, le temps s’est dégagé et le revêtement est bien sec.
Juste avant notre première sortie en piste, les techniciens de KTM réalisent que le réservoir (de 10 litres) n’a pas été entièrement rempli sur ma machine ce matin. Après avoir refait le plein, j’entre en piste, mais il ne reste plus que la moitié du temps alloué pour cette sortie. Je n’ai personne devant moi pour établir le rythme et je suis nerveux. Quand deux pilotes rapides me dépassent, je réussis à les suivre pendant un certain temps et à apprivoiser les meilleures lignes. Après quelques tours, je commence à me détendre, notamment parce que je vois à quel point la RC390 permet de faire des transitions faciles entre les courbes. La machine est facile à inscrire en virage, elle répond bien aux commandes et la fourche donne un bon feedback (pour la compétition sérieuse, une fourche ajustable serait cependant préférable). Quand on sort le drapeau pour annoncer la fin de cette session, je n’ai fait que quatre tours.
À la seconde sortie, je roule derrière un pilote et je fais tout ce que je peux pour essayer de le dépasser. Je le rejoins en entrée de virages, mais il s’échappe à la sortie et dans les lignes droites. Je suis surpris de voir avec quelle facilité la RC390 propulse un homme de mon poids jusqu’à 150 km/h sur le grand droit. Les gens de KTM disent que la vitesse maximale est de 160 km/h, ce qui est amplement suffisant pour la route, et même pour un pilote débutant en circuit. Au début, je me laisse une marge de manœuvre côté freinage, mais je réalise rapidement que le simple disque de 300 mm, avec étrier Bybre à quatre pistons et montage radial, est amplement suffisant et qu’il résiste bien au fading. Le disque arrière est de 230 mm. L’ABS – désactivable – est livré de série.
Après deux tours, alors que je m’apprête à faire une ultime tentative de dépassement au freinage, le pilote devant fait un signe de la main et il entre aux puits. Avec la piste ouverte devant moi, je fonce sur le grand droit et j’arrive dans le virage numéro Un un peu plus vite que prévu… Le repose-pied frotte furieusement sur l’asphalte, je serre les dents et je tiens bon. Juste avant la sortie du virage, je me crois sauvé, mais j’échappe l’arrière.
En pareille situation, on a parfois tendance à blâmer les autres ou la mécanique pour nos erreurs. Je ne le ferai pas. Aux puits, un pilote me demande ce qui s’est passé et je réponds simplement que j’ai poussé trop fort dans le virage. Ce n’est pas la faute des pneus de route non plus, car tout le monde avait les mêmes, et personne d’autre n’est tombé. Bref, c’est ma faute. Je me console en faisant une troisième sortie rapide et sans incident.
La RC390 est tellement rapide, amusante et solide sur route qu’on oublie vite qu’elle est propulsée par un moteur de moins de 400 cc. Bien sûr, elle ne vous fera pas allonger les bras en accélération, mais ce n’est pas nécessairement un défaut; au contraire, il peut être agréable de conduire une machine dont on peut s’approcher des limites. Mettez l’accélérateur de la RC390 à fond sur une ligne droite, faites-la pencher d’un virage à l’autre, et vous aurez l’impression d’être au guidon d’une véritable sportive. Et ce sera effectivement le cas.