Un tout nouveau créneau pour le Spyder
Au Centre Design & Innovation de BRP, à Valcourt, j’ai eu la chance de voir le chemin qui a mené jusqu’à la création du Spyder F3. C’était un peu comme être dans un musée d’histoire naturelle où l’on voit l’évolution d’une espèce en particulier… Le tout premier prototype remonte à 1998. On dirait qu’il est le fruit d’une union illégitime entre un Ski-Doo, un Sea-Doo et un go-kart… Cette chose étrange a été construite à partir d’un châssis de motoneige avec moteur de 583 cc et transmission à variation continue, le tout recouvert d’une carrosserie de motomarine. Mais l’objectif n’était pas le look : on voulait d’abord valider la pertinence de ce concept de véhicule à trois roues.
Sur le prototype suivant, la carrosserie en plastique a cédé sa place à une carrosserie de motoneige (qui ressemble étonnamment à celle du Ski-Doo MX Z-Rev 800 2002 que j’apercevrai quelques heures plus tard au Musée J. Armand Bombardier). On voit ensuite l’évolution graduelle du concept jusqu’aux premiers Can-Am Spyder de production au style net et immédiatement reconnaissable, sortis de la chaîne d’assemblage le 14 septembre 2007. (Le tout premier exemplaire de production appartient au comédien et animateur de télé américain Jay Leno.)
À partir de là, le design des Spyder continue à se raffiner, mais le style de base demeure le même, bien que la famille se divise ensuite en trois branches : le RT pour le tourisme classique, le ST pour le tourisme sportif, et le modèle sport RS. Le premier changement marqué depuis 2007 survient en 2014 avec le remplacement du V-2 Rotax (en poste depuis le tout début) par un tricylindre Rotax. Ce moteur annonce un vent de renouveau pour les Spyder, et il se concrétise en 2015 avec l’arrivée du F3.
En regardant la gamme des Spyder qui ont précédé le F3, on se dit qu’il y avait effectivement place pour un tout nouveau type de modèle. Selon BRP, la catégorie des cruisers représente 66 % des ventes de motos en Amérique du Nord. Le Spyder n’est pas une moto, bien sûr, mais il s’y apparente certainement à différents points de vue. De plus, comme la gamme est déjà alignée sur des créneaux du monde de la moto (tourisme, tourisme sportif, sport), la firme a trouvé logique de lancer une machine qui vise le vaste marché des cruisers.
Pour ce faire, toutefois, BRP ne voulait pas se diriger vers le style Harley-Davidson. « Nous avons voulu briser certains des codes habituels des cruisers », explique Denys Lapointe, vice-président principal, Design et Innovation chez BRP. Ainsi, on a décidé de conserver les « piliers » du monde des cruisers (position de conduite détendue, style cool, nombreuses possibilités de personnalisation) et on les a fusionnés avec les éléments fondamentaux de la plateforme Spyder (conduite au grand air et stabilité de pilotage). Au niveau du style, les designers avaient carte blanche. Graduellement, trois approches principales se sont imposées : « techno », « classique » et « musclée ». Le style techno proposait des lignes stylisées et futuristes avec des propositions de phare avant parfois surprenantes. Le look classique privilégiait les lignes coulantes qui pouvaient évoquer les anciennes Jaguar.
Finalement, c’est le look musclé qui l’a emporté. Pendant la période de raffinement sur ce concept, les mots clés qui circulaient étaient : intensité, passion, déconstruction et profil musclé. Je ne pourrais pas expliquer la signification exacte de chacun de ces termes pour les designers. Mais ce qui est clair, c’est que le F3 s’est éloigné du style motoneige qui prévalait jusqu’à maintenant, et qu’il s’agit là d’un changement à la fois bienvenu et stimulant. On dit que les athlètes de haut niveau atteignent un plateau quand ils maintiennent un entraînement continuel et peu varié pendant un certain temps. Pour continuer à avancer, il faut qu’ils apportent des changements qui bouleversent un peu leur système. Le F3 apporte ce genre de changement dans la gamme des Spyder.