CFMoto fabrique aussi des…motos!

Par Marc ParadisPublié le

En écrivant ce titre, je sais pertinemment que Mélissa, notre correctrice, va se demander où je veux en venir. Pourquoi une compagnie qui a le mot moto dans sa raison sociale n’en fabriquerait pas? Pour faire une histoire courte, la compagnie chinoise fondée en 1989 s’est surtout fait connaître chez nous par ses VTT et côte à côte. En novembre 2013, en arpentant le salon de Milan, je fus tout étonné d’apercevoir non pas un, mais deux versions destinées à des acheteurs différents, soit une monture axée sur le tourisme sportif (la TK) et une autre de style standard dénudée (la NK). Je fis le tour des machines en me disant que les Européens étaient bien chanceux d’avoir l’occasion de voir apparaître des modèles que nous, Nord-Américains, ne pourrons jamais rouler sur nos routes… À l’époque, la qualité de finition m’avait impressionné. Rien à voir avec les autres produits de l’Empire du Milieu dont chacun de nous a pu un jour ou l’autre en jauger le sérieux… La TK avait le plus attiré mon attention avec son allure de mini Honda ST1300. Lorsque je dis mini, je parle surtout de la cylindrée de 650cc (un sommet pour une moto conçue et produite en Chine) et non pas de la prestance physique qui est loin de rappeler une minimoto! Ce fut donc toute une surprise de revoir les deux mêmes montures au salon de Québec en février dernier! Je me promis de mettre la main sur une moto d’essai au courant de l’été. En entrant en contact avec les gens de CMI (Canada Motor Import), qui jouit d’un réseau de concessionnaires d’un bout à l’autre du pays, je fis la demande pour un modèle TK650, désirant rouler la moto sur une longue période, contrairement aux lancements de presse aseptisés auxquels les grands manufacturiers nous ont habitués. J’avais en tête une virée dans Charlevoix, sans véhicule d’assistance, faisant confiance à ma première impression… Étais-je trop optimiste? Lorsque je fis part de mon projet à mes amis, certains me regardèrent avec un sourire en coin et en laissant présumer un : « Tu cherches le trouble Marc! ». Mes doutes, s’il y en avait, se sont assez vite dissipés lorsque je me rendis aux locaux de CMI situés à Saint-Benoît-Labre, non loin de Saint-Georges. M. Carl Patoine m’y attendait pour une visite de leurs installations et, bien sûr, pour me remettre la clé de la TK. 

Bien qu’il s’agisse d’une moto de moyenne cylindrée (le moteur, un bicylindre parallèle de 650cc, ressemble étrangement à celui propulsant les Kawasaki ER6N), relever la TK de sa béquille latérale demande un peu plus d’efforts que ce à quoi on s’attendrait. Affichant un poids de 220 kg (485 lb) à sec selon le fabricant (17 kg de plus que le modèle NK), on ne parle pas d’un poids plume. Mais comme pour la majorité des motos, une fois en mouvement, le poids se fait rapidement oublier après quelques tours de roue. Côté motorisation, ma première réaction fut de comparer le twin parallèle avec le bicylindre en V équipant la Suzuki SV qui s’est ajoutée dans le garage familial il y a quelques semaines. À la base, le moteur de la SV se veut plus joueur, montant en régime avec un couple égal du ralenti à la zone rouge. Pour la TK, la calibration de l’injection, qui se veut un peu hésitante à bas régime, se fait vite pardonner en offrant une généreuse bande de puissance exempte de vibrations et, vocation de tourisme oblige, tourne à 5000 tr/min à 120 km/h indiqué. Ce qui représente près de 1000 tr/min de moins que le moulin de la Suzuki. En roulant à ce régime sur l’autoroute, les dépassements s’effectuent sans trop stresser la machine et le pilote… La tenue de cap m’a aussi impressionné. Ma courbe fétiche pour tester ma bravoure et aussi la stabilité en virage des motos d’essai a encore une fois prouvé son utilité. Pour ceux qui la connaissent, il s’agit du tronçon final de l’autoroute de la Capitale qui se termine par une solide courbe à gauche suivie d’une autre à droite pour emprunter le boulevard Sainte-Anne en direction de Charlevoix. Bien que plusieurs motos sportives pourraient lui faire mordre la poussière, la TK s’est montrée à la hauteur en tant que moto de tourisme sportif. Les pneus Continental Road Attack 2 offrent un bon compromis longévité/adhérence. Par contre, les freins J Juan double piston, arborant des disques pétales, offrent une puissante moyenne, mais le levier peut s’ajuster à la volée pour les différents types de mains. Après plusieurs freinages intensifs, la sensation au levier se montra plus prévisible et les distances de freinage ont semblé se raccourcir. Côté suspension, l’absence d’ajustement à l’avant peut décevoir certains, mais cette caractéristique se retrouve malheureusement sur plusieurs autres motos de fabricants reconnus… Pour l’ajustement en précharge de l’amortisseur arrière, il faut démonter une partie des panneaux arrière, tâche quelque peu fastidieuse, mais au moins, la trousse d’outils fournie est complète! Les sacoches montées en permanence (ou fixes) sur la moto offrent une capacité de charge raisonnable et contiennent toutes deux le même volume, ce qui n’est pas toujours le cas avec les motos de sport aventure dotées d’un échappement relevé… Elles sont faciles d’utilisation, mais des sacs amovibles seraient bienvenus. Pour une randonnée de plusieurs centaines de kilomètres, la fermeté de la selle offre un bon support tant pour le pilote que pour le passager. Par contre, la forme du carénage au niveau des genoux pourrait incommoder les pilotes de grande taille. Pour ma part, je me suis habitué à m’asseoir un peu plus à l’arrière de quelques centimètres, soulageant du même coup mes articulations. J’ai roulé sous toutes sortes de températures lors de mon essai et la gestion de la chaleur dégagée par le moteur m’a réellement impressionné. Celle-ci est évacuée du côté droit par le ventilateur du radiateur (qui pousse l’air chaud hors d’atteinte du pilote), nous évitant ainsi de cuire dans les bouchons de circulation. 

Les repose-pieds, tant pour le pilote que pour le passager, sont recouverts de caoutchouc et sont de bonne dimension. Rien de comparable à certains modèles qui seraient plus à leur place sur une machine de MotoGP! Les barres de maintien latérales et le porte-bagage (pouvant recevoir un top case) s’ajoutent aux éléments pratiques lors de longues sorties. Le panneau gauche du carénage arbore une prise 12V à la hauteur du genou, bonne idée pour brancher GPS, veste chauffante, etc. Deux vide-poches prennent place de chaque côté du carénage, pratiques pour placer une paire de gants supplémentaire ou encore de la monnaie pour les péages… Côté tableau de bord, on a droit à un mélange de classique et d’un peu de modernité. Les compte-tours et indicateur de vitesse à gros cadrans analogiques font très bien la tâche. Les voyants témoins des clignotants, pression d’huile, neutre et phare détonnent un peu des standards auxquels nous sommes habitués. Le voyant indiquant que la béquille est déployée travaille en concert avec le coupe-circuit lors du passage du point mort à une vitesse engagée… deux précautions valent mieux qu’une! L’affichage à cristaux liquides pour l’odomètre, le totalisateur journalier et l’indicateur du niveau d’essence vient compléter le centre d’information. Pas d’antipatinage, de freins ABS, de régulateur de vitesse ni de choix de mode d’injection, la moto se veut simple et facile d’utilisation. Le pare-brise haut optionnel qui équipait ma machine d’essai constitue l’un des meilleurs compromis pour une moto de cette catégorie, incluant même celles munies d’un modèle à ajustement électrique. Il va sans dire qu’une personne de taille différente aurait peut-être une tout autre appréciation, mais dans mon cas, rien à redire! Du côté des rétroviseurs, leur emplacement bas, juste en dessous des poignées, peut paraître discutable. Une fois habitué, on n’en fait plus de cas, mais changer une habitude vieille de plusieurs décennies (regarder dans des rétros haut placés) demande toutefois une certaine adaptation. Les pare-chocs de carénage (qui rappellent vaguement ceux des Honda ST) constituent une assurance pour ceux dont le poids de la moto intimide. Ils sont conçus pour éviter que cette dernière ne s’étende de tout son long lors d’une « échappée » à basse vitesse, souvent causée par un manque d’équilibre… 

Bien sûr, certains points font sourire ou demanderaient un peu plus de fignolage. Prenons le silencieux, le manufacturier aurait intérêt à améliorer son apparence afin de donner un look plus agréable à la moto. L’ajout d’une béquille centrale ou du moins une latérale un peu plus longue aiderait à l’entretien de la chaîne et à éviter que la moto s’enfonce trop lorsque le bitume monte en température. 

Quelles conclusions puis-je tirer de cette première prise de contact avec une « vraie » moto construite en Chine? Agréablement surpris résumerait bien ma pensée. Il ne s’agit pas ici d’une moto comparable aux standards japonais ou européens, mais nous sommes vraiment à des années lumières des poket bikes à 500 $ qui cessent de fonctionner après quelques heures. La TK vient combler un vide qui remonte à la disparition de la Honda Pacific Coast au début des années 1990. Depuis, aucune monture de sport tourisme de moyenne cylindrée ne fut offerte sur notre marché. Et pour en revenir à ma randonnée, jamais, au cours de mes 840 km en selle, je n’ai ressenti la moindre crainte de devoir revenir à pied, ce qui constitue selon moi une victoire en soi!

650 NK : la même moto sans le carénage?
Je me suis posé la question tout au long de mes sorties au guidon de la TK. Il fallait donc que je m’en déniche une pour au moins avoir une petite idée de son comportement routier… Petit détour par Saint-Agapit chez Mini Moteur RG où Louis-Philippe me lança la clé en me disant que je serais agréablement surpris… et je le fus! Vraiment différent comme comportement, même si le fait d’enlever le carénage ne règle pas complètement le petit problème d’embonpoint. Là où sa version tourisme semble vouloir prendre les tours lentement, semblant nous suggérer de profiter du paysage, la NK se veut plus agressive et n’a pas eu besoin de beaucoup de kilomètres pour me dépraver! Les freins aussi semblaient plus efficaces, eux aussi aidés par la diminution de poids. En gros, les performances me rappelèrent celles de ma SV, ce qui peut ressembler à un compliment! Avec l’arrivée de la Yamaha FZ-07 à un prix abordable, la donne a quelque peu changé dans la catégorie des motos dénudées de moyenne cylindrée. Déjà, les autres manufacturiers ont revu à la baisse le prix de leur moto lui faisant directement compétition. La NK devra jouer sur son exclusivité, et tout comme sa consœur, elle devra nous faire oublier nos préjugés. 

Qu’est-ce que CFMOTO? 

On ne se le cachera pas, ceux qui sont assez vieux pour avoir connu des produits made in Japan de mauvaise qualité peuvent en témoigner : lorsque le contrôle de la qualité devient une priorité, ce qui était hier une entreprise renommée pour ses objets jetables peut devenir la référence dans le domaine en seulement quelques années. On dirait que le président de CFMOTO, Lai Guogui, 24 ans à l’époque, s’est inspiré de l’historique industriel du pays du soleil levant lorsqu’il jeta les bases de son entreprise en 1989. Au début de l’aventure, plusieurs moteurs de 125cc (dont le premier à refroidissement liquide produit en Chine) furent produits et vendus à d’autres compagnies. Ce n’est qu’en 2000 que le Chunfeng Holding Group (chunfeng signifiant brise légère) obtint les licences gouvernementales l’autorisant à produire des motos de plus forte cylindrée destinées à l’exportation. En 2007, ce fut le déménagement dans l’usine actuelle de 490 000 pieds carrés où 1520 travailleurs (dont 200 ingénieurs dédiés à la recherche et au développement) fabriquent les VTT, côte à côte, scooters et motos. Plus petite en taille que disons Lifan ou encore Qianjiang, à qui appartient la célèbre marque italienne Benelli (voir Moto Journal mars 2014 chronique « Sans détour »), CFMOTO se distingue aujourd’hui en fabricant seulement des véhicules pour sa propre marque. Ayant mis l’accent sur l’exportation depuis quelques années déjà, les amateurs de VTT du Québec connaissent maintenant la marque et savent que la qualité et l’écoute des consommateurs sont prioritaires pour le fabricant. En allant contre le courant chinois qui vise le prix le plus bas au détriment de la qualité, CFMOTO vise la politique du « zéro pièce défectueuse » et contrôle la qualité à plusieurs niveaux. En terminant, si je vous disais que KTM a conclu une entente avec CFMOTO pour la distribution de ses motos en Chine? Les motos autrichiennes fabriquées en Inde sont assemblées dans les installations de CFMOTO en Chine. Les dirigeants de KTM recherchant un partenaire fiable et aussi conscient qu’eux de la qualité. Toute une marque de confiance!

Caractéristiques :

MODÈLE: CFMOTO 650TK

PRIX: 8200 $ (TK)  7200 $ (NK)

MOTEUR: 2 cylindres parallèles, DACT 180 degrés, quatre soupapes par cylindre refroidi par liquide

PUISSANCE: 60,3 chevaux à 9000 tr/min (annoncé)

COUPLE (ANNONCÉ): 33,19 lb-pi de couple à 9000 tr/min (annoncé)

CYLINDRÉE: 649,3cc

ALÉSAGE ET COURSE: 783 x 60 mm

RAPPORT VOLUMÉTRIQUE: 11.3 : 1

ALIMENTATION: EFI Marelli

TRANSMISSION: Six rapports  à entraînement final par chaîne

SUSPENSION: Fourche télescopique de 43 mm monoamortisseur ajustable en précharge 

EMPATTEMENT: 55,71 pouces   1415 mm

FREINS: 2 disques à l’avant de 300 mm avec étriers à quatre pistons; disque arrière de 240 mm avec étrier à simple piston

PNEUS: 120/70-ZR17 devant; 160/60-ZR17 derrière

POIDS À SEC: 220 kg/485 lb

HAUTEUR DE SELLE: 790 mm

RÉSERVOIR DE CARBURANT: 17,5 L

CONSOMMATION: 4,65 L/100 km (60,75 mi/gal)

AUTONOMIE: 375 km

DURÉE DE L’ESSAI: 840 km

GARANTIE: 1 an kilométrage illimité, 5 ans ou 15 000 km sur le groupe motopropulseur

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