La KZ1300, ou plus précisément son impressionnant moteur six cylindres en ligne, a été dans la mire de Robert Bolduc depuis belle lurette. Introduite en 1979, la grosse Kawasaki a su capter son intérêt dès le début et, plus important encore, le maintenir pour les années qui suivirent. Cette passion, il l’a transmise à son fils Pierre-Jean. Alors, lorsqu’un copain l’informa qu’il avait une 1300 et qu’il songeait à la vendre, l’occasion tant attendue par « Bolduc et fils » se présenta. Et c’est ainsi que débuta l’aventure…
La KZ1300 1982 enfin en leur possession, les résidents de Sainte-Marthe se mirent à l’œuvre, transformant la grosse touring en une moto unique qui rend hommage à la célèbre KZ1000R sur laquelle le pilote américain Eddie Lawson a fait ses dents en compétition AMA Superbike au début des années 1980. Il a même remporté le championnat en 1981 et 1982. La mission familiale débuta avec le désassemblage de la nouvelle acquisition, l’énorme carénage Wind Jammer de l’époque étant la première victime de la rationalisation.
On avoue une certaine incertitude initiale quant à la direction précise que prendrait le projet, indiquant que les deux priorités au début étaient d’avoir « une bonne suspension et de bons freins ». Toutefois, comme c’est souvent le cas, les choses se sont rapidement mises à évoluer dans une direction, comme si guidées par la main du destin. La décision prise (et approuvée par le comité père-fils, bien sûr) de s’orienter vers une moto à la Eddie Lawson, on multiplia les démarches de recherche de compatibilité de nombreuses pièces provenant d’une ZRX1100 (passant par la prise de mesures sur un écran d’ordinateur!). Le constat étant positif, on procéda à l’achat d’une ZRX, celle-ci mandatée à servir comme donatrice de pièces.
La reconstruction partit de bon train avec l’adaptation de la portion arrière du cadre de la ZRX à la portion avant du châssis de la KZ. On note que la période « pré-coupe » du cadre de la KZ fut longue en raison d’une phase de réflexion (et de mesurage) plutôt intensive, le côté pragmatique de nos deux passionnés s’inspirant du vieux dicton du menuisier voulant que l’on « mesure deux fois et coupe une fois ». Une fois les deux cadres soudés ensemble, le tout déboula ensuite très rapidement.
On a réussi à retenir et utiliser un bon nombre de composantes provenant de la ZRX, notamment le réservoir d’essence, le banc (par Corbin) et les panneaux latéraux, bien que nombreuses furent celles qui nécessitèrent des modifications. Le cœur de la moto, l’impressionnant moulin six cylindres, a aussi subi une transformation, particulièrement l’adaptation du système à injection de carburant provenant d’une Voyager 1300 1986. La culasse et les pistons de la Voyager furent aussi rapatriés en raison des améliorations qu’ils apporteraient au moteur, notamment une puissance accrue.
Issu de la période « pré-Power Commander », le bloc de commande électronique du système est énorme (faisant en sorte que l’espace de rangement qui logeait sous la selle n’est maintenant qu’un souvenir lointain) et non réglable. Faisant preuve de ténacité et d’ingéniosité, l’équipe père-fils a manipulé les réglages du capteur de position des papillons (ou TPS) ainsi que la pression de la pompe à carburant pour enfin arriver à une calibration efficace, un processus digne d’un véritable travail de moine.
Le système d’échappement fut une autre aventure en soi. Voulant donner une allure sportive au produit final, on a retenu les tuyaux d’évacuation (headers) originaux, les coupant où ceux-ci rejoignaient les collecteurs originaux. Muni de sections de tuyaux en acier inoxydable, Team Bolduc façonna deux collecteurs 3-1. Suivit ensuite la fabrication des tuyaux de liaison. Le choix de silencieux fut problématique, la vaste majorité des motos sport modernes (4 cylindres) faisant appel à un design à échappement simple. Heureusement, Suzuki a choisi de faire exception à cette règle sur sa GSX-R1000 durant la période entre 2007 et 2011, celle-ci portant deux silencieux. Alors, le choix s’arrêta là avec deux unités Yoshimura conçues pour la Suzuki.
Le choix de composantes de train de roulement retenu a permis aux Bolduc de rester fidèles aux deux priorités sous-jacentes, soit une bonne suspension et des freins puissants. La ZX-14R, la moto de série la plus puissante et rapide jamais construite, servit de puits d’approvisionnement pour le train avant et la roue et frein arrière. Toutefois, l’adaptation de la roue arrière de la ZX, qui est entraînée par chaîne au système de cardan de la KZ, fut un défi de grande taille. Pour y arriver, on a dû usiner la roue afin de permettre d’y installer le moyeu de la roue de KZ, une tâche hors de portée des petites natures. Le tout ne se termine pas là, car la jante de la ZX, d’une largeur de 6 pouces, a dû être rétrécie à 5 pouces afin de pouvoir accueillir un pneu arrière suffisamment étroit pour faire dans l’espace limité disponible au niveau du bras oscillant. En effet, le dégagement actuel entre le pneu de série 170 et le bras oscillant (du côté droit) est à peine suffisant pour y insérer un carton d’abonnement!
Le projet s’étala sur une période d’une année et le résultat final est sans contredit des plus impressionnants. La KZX n’est pas seulement une parure, puisque Robert la roule presque quotidiennement. En effet, il a réussi à accumuler plus de 23 000 km depuis sa toute première sortie il y a moins de 18 mois. On pourrait facilement pardonner Robert Bolduc de vouloir profiter de ce chef-d’œuvre, mais fidèle à lui-même, notre duo songe à y installer un turbocompresseur et un système de gestion de moteur Microsquirt. Il semble que l’aventure se poursuit…