Vivre le MotoGP de Catalunya en direct!

Par Guy CaronPublié le

Un très beau cadeau
« Est-ce que t’aimerais qu’on aille en Europe pour voir un MotoGP et prendre quelques jours de vacances? J’ai regardé le calendrier et il y a ces dates qui seraient possibles. » La discussion n’a pas été trop longue. Brigitte m’a convaincu que l’on pouvait se permettre cette folie, surtout que les membres de la famille contribuaient à l’occasion de mon anniversaire. « Le Grand Prix de Catalunya tombe tout juste entre mon anniversaire et le tien et je crois qu’à Barcelone, les à-côtés seront intéressants! » 

Après avoir vécu l’expérience du MotoGP à Indianapolis, Laguna Seca et Austin, il était temps pour nous de remonter plus près des origines du Continental Circus. Ce surnom donné au Championnat du monde qui a vu le jour en 1949 représente très bien la vie de bohème que tous les participants vivaient lors d’une saison. Entre Spa-Francorchamps, Hockenheim, Monza, Assen et l’île de Man (le Tourist Trophy fit partie du championnat jusqu’en 1976), la troupe du Continental Circus sillonnait le continent européen à la poursuite de rêves de gloire. Les vedettes se rendaient aux courses au volant de leurs voitures sport et dormaient à l’hôtel, mais pour la plupart des pilotes et pour tous les mécanos, une roulotte ou une fourgonnette devenait la demeure entre mai et octobre. Le paddock était un village dont l’adresse était déterminée selon la course de la fin de semaine. De nos jours, la vie du paddock est bien différente. Toute la faune qui y grouille arrive par avion sauf pour les chauffeurs de camion. C’est aussi différent pour les courses fly-away, en dehors du Vieux Continent, car tout le matériel est transporté dans des caisses par avion. Le grand cirque en Europe est l’une des choses que j’avais hâte de voir de mes yeux. Là-bas, tous les camions, les aires d’hospitalité et autres équipements qui ne voyagent que par route sont sur place. Pour vous donner une idée; seulement pour le service de pneus de Dunlop, fournisseur des classes Moto3 et Moto2, l’installation est composée de quatre camions et d’un auvent d’environ 20 mètres sur 20 abritant l’aire de travail. Pour la course de Catalunya, tout ce matériel a fait le trajet à partir de l’Angleterre. Les techniciens travaillent donc dans des conditions très différentes de celles que nous pouvons observer de ce côté-ci de l’Atlantique lorsque tout doit arriver dans un conteneur. Il en est de même pour les équipes qui disposent de flottes impressionnantes. Les camions impeccables sont parfaitement alignés et disposés au millimètre près pour permettre des montages entre les remorques, certaines qui se déploient sur deux étages! Les pilotes ont un parc pour leurs VR, petite alcôve privée et contrôlée où eux seuls et leur garde rapprochée ont accès. 

Barcelone, Montmeló et la Catalogne en mode cursa de motos

Dès notre arrivée à l’aéroport, nous avons réalisé combien le MotoGP et les pilotes sont populaires en Espagne. Les premiers mots de notre chauffeur de taxi après avoir confirmé qu’il était libre furent : « Tu es un partisan de Lorenzo, moi je suis derrière Dani Pedrosa, il est originaire d’ici, lui! » D’accord, je portais un t-shirt arborant le 99 mais quand même, il n’y a pas beaucoup de chance que cela se produise ici en Amérique du Nord! Ma réplique : « Lorenzo habite bien à Barcelone, ça ne compte pas? » « Si senyor, mais Jorge est originaire de Parma de Mallorca, il ne fait que demeurer à Barcelone et de toute façon, je ne suis pas un très grand amateur de course. » Et il rajoute après une courte pause : « T’as vu en Moto2? Tito Rabat est génial! Lui aussi est de la région! » On repassera pour la question qu’il ne suit pas beaucoup les courses! Quoique c’est peut-être un peu comme avec le CH au Québec… En ville, à Barcelone, on peut voir des publicités qui réfèrent au MotoGP, mais elles sont tout à fait différentes de ce que l’on voie aux États-Unis. Pas de grands panneaux publicitaires de l’événement comme il y en a beaucoup à Austin ou Indianapolis avant la course. Ici, la promotion se fait par les différents commanditaires avec en vedette les pilotes et les équipes qu’ils supportent. Les stations d’essence Repsol sont couvertes d’images de Marquez et Pedrosa sur des panneaux, sur les pompes et même des murales de 15 m sur 3 m  sur les lave-autos! Les boutiques Movistar sont toutes décorées avec l’équipe Yamaha. Pour vendre des cellulaires aux Espagnols, Rossi et Lorenzo remplacent les petites bêtes des pubs Telus d’ici! Il en est de même pour les bureaux d’assurance AMV qui eux mettent en vedette l’ancien champion Alex Crivillé. Il y a aussi les quincaillers dépositaires des outils Dewalt qui affichent l’équipe Tech3. Les nouvelles du sport, les journaux, la radio et la télévision parlent du Grand Prix autant que nous entendons parler du hockey dans les séries et toutes les vedettes sont bien en vue dans différents clips au petit écran. À Montmeló, près du circuit en banlieue de Barcelone, rien ne sort de l’ordinaire le jeudi avant la course si ce n’est que nous voyons déjà des motocyclistes sur des montures chargées à bloc, avec l’équipement de camping et tout le nécessaire pour la fin de semaine. Mis à part le paddock rempli par les camions d’équipe, l’environnement n’est pas si différent de ce que nous observons aux Grands Prix américains.

El Circuit de Barcelona-Catalunya

Dès le vendredi matin, la foule arrive, même les essais attirent beaucoup de monde! Pour cette journée, nous pouvons nous déplacer un peu partout dans les zones pour les spectateurs, car le contrôle des billets n’est pas encore en place une fois l’enceinte extérieure franchie. Le samedi et dimanche par contre, nous n’avons pas cette latitude et devons nous replier sur les zones réservées attitrées à nos accréditations. Paddock, salle de presse, la ligne des puits pour Brigitte qui fait les photos (mais pas moi, simple scribe!). Le service de navettes pour l’accès aux zones photo est aussi à notre disposition et nous n’avons que l’embarras du choix pour regarder l’action de près! Après quelques tours et plusieurs arrêts autour du tracé en navette Mercedes, nous avons déterminé à quels endroits nous allions nous poster; la zone des virages 6 et 7, à l’intérieur comme à l’extérieur, est un point de vue exceptionnel. Les pilotes arrivent à plus de 240 km/h dans le virage 6 et doivent freiner en descente, la moto très inclinée pour prendre le virage 7 à environ 100 km/h et remonter la pente vers le 8. L’autre endroit stratégique est l’extérieur du virage 10, appelé La Caixa, de la zone de freinage à la sortie de la longue courbe. Un endroit beaucoup plus propice à la photo pour Brigitte, car les motos filent moins rapidement et sont inclinées au maximum pour de longues secondes. De cet endroit nous avons une belle vue sur la section « stadium » qui forme une enclave et sur deux écrans géants pour ne rien manquer de l’action. 

Tot un espectacle!

(Tout un spectacle!)

De l’action, nous en avons eu plus que nous ne pouvions en assimiler, et ce, tout au long de la fin de semaine. Dès les essais du vendredi, Pol Espargaro, qui a grandi tout près du circuit, et Bradley Smith ont donné un large sourire à leur patron, le sympathique Hervé Poncharal. Les deux pilotes Tech3 Yamaha ont été à tour de rôle les plus rapides de chacune des deux premières sessions d’essais. Les qualifications, le samedi, nous ont montré un Marc Marquez pousser un brin trop fort pour contrer Dani Pedrosa et Jorge Lorenzo, tous deux très en forme. En Q2, Marquez franchit la limite et fait sa première chute de la saison 2014. Il dut se contenter de la troisième position derrière son coéquipier Repsol Honda et son rival sur la Yamaha Movistar. Le dimanche, au warm-up, c’est Rossi qui est tombé exactement au même endroit que Marquez la veille, à la toute fin du freinage intense où la vitesse doit passer de plus de 340 km/h à environ 140. Après une belle course Moto3 qui fut remportée par Alex Marquez, frère cadet de l’autre, Tito Rabat s’est imposé en Moto2 alors que l’on vit combien Dominique Aegerter peut être déterminé! Au 17e tour de la course, le Suisse qui se disputait la quatrième place avec Jordi Torres évita ce dernier qui venait de chuter tout juste devant lui et sous nos yeux. La moto de Torres s’envola et frappa Aegerter sur l’épaule, fracassant une partie du carénage de sa Suter. Il se fit prendre deux places mais continua de lutter. Au tour suivant, son moteur coupa, encore une fois devant nous. Grâce à quelques manipulations de boutons, il réussit à réanimer le 600 Honda. Les problèmes électroniques se sont manifestés à nouveau, mais il persista et croisa le drapeau en 14e position pour 2 points bien mérités! La course MotoGP s’est élancée à 14 h pile sous un ciel très menaçant. Ayant vu passer un orage violent à Barcelone la nuit précédente, je ne m’attendais à rien de moins qu’une apocalypse liquide! Lorenzo nous a servi un de ses débuts de course canon, prenant la tête au premier virage, mais c’est Rossi qui créa l’émoi en se faufilant deuxième dès le virage 3. Après une escarmouche entre Marquez et Pedrosa derrière les deux Yamaha, l’estrade du fan-club 46 près de nous faillit s’envoler lorsque « le Docteur » prit les commandes au 5e tour! Rossi attaquait son 301e Grand Prix avec la fougue de ses beaux jours! Marquez a calmé l’hystérie collective de la section jaune en doublant « le Docteur » à 7 tours de la fin au virage 1. Un instant plus tard, il leva la main. Pointait-il le ciel pour signifier qu’il venait de trouver la pluie attendue? Pedrosa passa au même moment un Rossi surpris et fit le même geste! Les deux Honda Repsol laissèrent « le Docteur » revenir en tête avant de reprendre la poursuite. « C’est sûrement de la pluie au virage 3! » Mais au tour suivant, le quatuor – Lorenzo suivant de très près – n’a pas ralenti à cet endroit. (Après la course, nous avons appris qu’il y avait un drapeau jaune causé par l’Avintia de Mike Di Meglio. Marquez et Pedrosa ont réalisé qu’ils avaient doublé sous ce drapeau et devaient céder la place gagnée pour éviter la pénalité). Marc Marquez échangea la tête avec Rossi qui finit par succomber à ses attaques ainsi qu’à celles de Pedrosa. Ce dernier était clairement le plus relax du groupe à ce rythme et il attaqua Marquez avec un tour à compléter. Trois changements de meneur au dernier tour et finalement, Pedrosa toucha la roue arrière de la RC213V de Marquez qui lui fermait la porte dans le virage numéro 11 près de nous! Les deux évitèrent la chute et Rossi en profita pour glisser sa M1 entre les deux Honda. Marc Marquez remporta sa 7e victoire de la saison. Lui et Alex devinrent les premiers frères victorieux la même journée au Championnat du monde en 65 ans d’histoire!

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