Un vent de fraicheur!

Par Marc ParadisPublié le

Une Honda double usage, il fut une époque où presque tous les motocyclistes du Québec pouvaient se vanter d’en avoir roulé une un jour ou l’autre de leur vie. Avec la gamme XL, qui débutait avec la 80 cc (sur laquelle mon bon vieux chum Carl apprit à débrayer en faisant un wheelie plus ou moins contrôlé devant son père suivant mon conseil, d’oh!) à la puissante 600 cc à démarrage par kick uniquement. Qui aurait parié que cette gamme étoffée de 8 modèles diminuerait à un seul (qui en fait était beaucoup plus axé route, la NX250) pour disparaitre complètement en 1990? Il faut dire que cette année marquait le fond du baril pour le marché de la moto. L’année suivante, la XR250L reprenait la relève avec une version beaucoup plus typée hors route comme son appellation pouvait le laisser présager. Elle tint bon, accompagnée de la 650L jusqu’en 1996. Puis en 2008, Honda revint à la charge avec une CRF230L, version légale pour la route de sa moto de sentier déjà fort populaire. Ce n’est qu’à l’été 2012 que la CRF250L fut finalement disponible pour reprendre le flambeau de la moto de notre adolescence. Lors de ma prise de contact avec la CBR250 en 2011, je n’aurais jamais imaginé retrouver le vaillant petit moteur (manufacturé en Thaïlande) dans une moto double usage. Car c’est bien du même moteur qu’il s’agit, recalibré pour plus de couple à bas régime et disposant d’une démultiplication adaptée aux contraintes de ce style de moto. Choix logique, puisque celui d’une CRF-R ou même X n’aurait pu espérer une aussi bonne fiabilité pour un usage, disons-le, utilitaire. Les temps ont bien changé depuis mes débuts comme motocycliste. Aujourd’hui, presque toutes les motos disposent d’un démarreur électrique et de l’injection électronique (corps d’admission de 36 mm dans le cas de la CRF). Terminées les techniques de démarrage avec décompresseur, enrichisseur et coups de poignée d’accélérateur! On perd du cérémonial, mais on gagne en efficacité! Mais le fait de devoir se fier uniquement au démarreur électrique me laisserait quelque peu « craintif  » si jamais la batterie venait à rendre l’âme au milieu de nulle part…

Lorsque je pris possession de la moto chez Dion Moto à Saint-Raymond de Portneuf, je me sentis en terrain connu. La prise en main est facile et intuitive. J’ai trouvé dommage de devoir rouler sur nos routes qui arboraient encore des traces de notre rigoureux hiver (lire sable et gadoue).

C’est lorsqu’on lave une moto qu’on remarque les petits détails. En frottant et savonnant une moto, nous la passons – sans nous en rendre compte – à l’inspection, surtout si elle est entre nos mains depuis moins d’une demi-journée! J’aurais aimé voir un sélecteur de vitesse repliable en cas de rencontre avec une pierre hostile. Le positionnement  du bouton du klaxon inversé avec celui des clignotants m’a demandé une adaptation qui n’est pas nécessaire et le câble de frein avant passe un peu haut au-dessus du guidon, Honda nous a habitués à une meilleure finition. J’ai bien souri en voyant le bouchon de réservoir d’essence chromé! Est-ce qu’il provient d’une vieille Shadow? Du côté pratique, les repose-pieds grand format de style motocross sont les bienvenus lorsque l’on quitte le pavé. Les bottes restent bien plantées en place et procure ainsi un meilleur contrôle quand on pilote debout. Les ancrages disposés de chaque côté du garde-boue arrière permettent de se servir de ce dernier comme d’un porte-bagages pour les objets de faible poids. La conception du protecteur recouvrant la partie arrière du silencieux fait aussi montre de beaucoup d’ingéniosité. Aucune chance que le passager se fasse rôtir le postérieur par inadvertance. Avec sa selle à 875 mm du sol (34,4 pouces), la CRF permet de poser les pieds au sol plus facilement à un plus grand éventail de pilotes que, disons, la Yamaha WR250R qui trône à un astronomique 36,6 pouces du sol! Les pneus IRC GP procurent une relativement bonne adhérence sur pavé (encore très près du point de congélation lors de ma prise de contact) tout en offrant assez de mordant hors route pour se sortir de la boue, mais assez inefficaces dans la neige! Attention, il s’agit ici de pneus double usage, pas de pneus de route avec une quelconque prétention hors route.

Le cadre en acier et les suspensions ajustables en précharge à l’arrière seulement contenteront les débutants, mais laisseront sur leur faim les pilotes désirant plus d’ajustements en hors route. Pour une utilisation routière, les trous de poules, comme dirait le maire de Québec, sont absorbés assez facilement par la suspension pourvu que la vitesse ne soit pas trop élevée. L’affaissement n’étant pas excessif lors de freinages brusques, le contrôle de la machine ne s’en voit aucunement affecté. Il faut dire que les concepteurs de la CRF ont dû faire quelques compromis pour arriver au prix de détail suggéré de 4 999 $.  

La transmission à 6 vitesses excelle par sa facilité d’utilisation. Aucun faux point mort à signaler. L’étagement des rapports convient bien à une utilisation en sentier, sur route une vitesse indiquée de 125 km/h semble être le maximum que l’on peut en tirer. Mais la qualité de la gestion des vibrations (aidée par l’arbre d’équilibrage) permet de maintenir cette vitesse à l’infini (ou presque) sans avoir peur pour la santé de la motorisation!

Avec un poids de 145 kg (320 lb) en ordre de marche, tous pleins faits incluant le carburant, c’est 53 lb de plus que la 230L qu’elle remplace. Mais on parle d’une tout autre machine.

Il existe d’autres motos plus performantes et aussi plus dispendieuses dans ce segment de l’industrie. La 250L leur laisse les lauriers du vainqueur tout comme les bonnes vieilles XL de ma jeunesse qui n’étaient pas destinées à courir les enduros, les XR s’acquittaient très bien de la tâche. Aujourd’hui la CRF-L reprend le flambeau avec autant de brio. C’est donc dire que plusieurs jeunes et moins jeunes pourront commencer sur de bonnes bases sans se ruiner. (À titre comparatif, la CRF230L se détaillait à 5 399 $ à sa dernière année en 2012). Ça peut aider à faire avaler le printemps tardif!

Silence on tourne!
Écrire dans un magazine de moto c’est une chose, essayer des motos au sein d’une émission consacrée au même sujet constitue un tout autre défi! L’an dernier lorsqu’on me demanda si le poste de pilote-essayeur pour l’émission AMS Moto de Télé-Mag m’intéressait, je n’hésitai pas une seconde. Ce ne fut qu’après avoir accepté que je me rendis compte que je devrais aussi parler face à la caméra! Péter de la broue derrière un clavier ne m’a jamais fait peur, le faire devant une caméra avec un temps imparti et interagir avec un animateur requiert beaucoup plus de qualités d’improvisateur! Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, nous n’avons pas de textes préétablis, une fois que la caméra tourne, nous y allons souvent en ne nous basant que sur quelques grandes lignes. Grâce à la magie de notre réalisateur, le tout– une fois monté – ressemble étonnamment à une chorégraphie savamment orchestrée… À l’inverse des superproductions de la télévision d’État, nous ne disposons pas d’immenses budgets ni d’une équipe digne d’une production hollywoodienne!

Ce printemps (ou plutôt l’interminable hiver que nous avons connu) nous a demandé une continuelle adaptation aux conditions exécrables dont tout bon Québécois a dû faire face bon gré mal gré. Par exemple, lors du tournage de l’essai de la CRF250L que vous retrouvez ici, nous avons dû user de toute notre imagination pour trouver un lieu qui nous permettrait d’utiliser la moto un tant soit peu en hors route et non pas dans 4 pieds de neige! Le fait de devoir résumer le caractère, les points forts et faibles d’une moto après souvent moins d’une centaine de kilomètres en selle exige de bonnes qualités de synthèse. On ne peut pas dormir longtemps sur le sujet et y revenir plus tard ou apporter des modifications de dernière minute, comme c’est le cas avec les médias écrits.

Finalement, jaser moto à la télé ne m’intimide pas tant que ça, car parler moto fait partie de ma vie depuis plusieurs décennies déjà. C’est juste comique de rencontrer des gens qui me dévisagent en se demandant où ils ont bien pu me voir! Fini de dire des niaiseries en public!

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