Deux poids légers

Par Steve ThorntonPublié le

Comment ces « petites » motos se tirent-elles d’affaire dans la vraie vie?
Quand on analyse le comportement dynamique d’une moto en tant que journaliste, on accumule en premier lieu différentes impressions de base : comment se sent-on de prime abord, la réponse de l’accélérateur est-elle franche, le guidon transmet-il bien les commandes de conduite? Au début, on cherche à apprivoiser la moto dans son ensemble. La plupart des motocyclistes commencent sans doute aussi par cette étape lorsqu’ils essaient une nouvelle moto.
Au fil des heures, toutefois, on se met à examiner certains aspects de façon plus spécifique : comment la fourche réagit-elle aux petites imperfections de la route; le frein avant répond-il avec précision aux commandes de la main droite? Puis, on pousse l’analyse encore plus loin : est-ce que le mouvement de la fourche est souple quand elle reprend sa position après avoir absorbé une bosse; est-ce que la réponse initiale du frein est nette ou un peu floue?
Le danger, toutefois, c’est que plus on examine de près les petits détails de fonctionnement d’une moto, plus on risque de perdre la vision d’ensemble. Alors, on ne voit plus qu’une machine avec une fourche à l’amortissement mal calibré, ou avec des freins trop spongieux.
Quand cela se produit, c’est qu’on est allé trop loin. Il ne faut pas regarder les détails à tel point qu’on en oublie la raison d’être d’un modèle ou le caractère d’ensemble de la machine. Cette approche est nuisible aussi dans le cas des relations humaines… Pour les motos comme pour les gens, elle peut nous transformer en critique pointilleux et nous faire passer complètement à côté de la vérité. En fait, il ne faut pas trop se concentrer sur des petites choses que la plupart des acheteurs ne remarqueraient jamais de toute façon.
Ce qui ne veut pas dire qu’il faut ignorer le comportement des différents sous-systèmes qui composent une moto, bien sûr. Si nous ne précisons pas que la suspension de la Harley-Davidson Sportster est minimaliste et très ferme, nous n’aurons pas bien fait notre travail. Un acheteur surpris pourrait nous reprocher, avec raison, de ne pas avoir souligné ce point. De même, il fallait insister sur le côté particulièrement sensuel du moteur de la Tuono parce qu’il joue un rôle fondamental dans l’agrément de conduite de cette machine. Mais, au total, le tout est plus grand que la somme des parties, comme on dit. Nous roulons en moto pour le plaisir et l’impact émotionnel global d’un modèle sur son pilote est plus important que le comportement spécifique d’une composante ou d’une autre.
Comment ces considérations philosophiques s’appliquent-elles à la Honda CBR500R et à la Kawasaki Ninja 300? L’impression dominante qui se dégage de ces motos, c’est que ce sont des machines relativement petites. Et il faut examiner leurs composantes à travers ce filtre. Prenons les freins avant par exemple. Dans les deux cas, ils font appel à un seul disque (avec étrier à deux pistons pour la Ninja, et trois pour la CBR). Ces freins répondent rapidement aux commandes, ils engendrent peu d’enfoncement de la fourche et ils ralentissent les machines de façon efficace. Ils n’ont pas la puissance brute des freins de sportives à deux disques et étriers à quatre pistons. Mais ces freins sont bien adaptés à la taille des motos. Ces machines sont plus légères, moins rapides et elles ne sont pas destinées à être conduites de la même façon qu’une super sportive de toute façon. Dans ce contexte, leurs freins n’ont pas à être dominants; ils doivent simplement être adéquats et bien adaptés, et c’est le cas.
Kawasaki a pris l’approche « grosse moto » avec sa petite Ninja. Sa conception et ses différents éléments visuels donnent l’impression qu’elle pourrait prendre en chasse les 600 et les 1000 sportives de ce monde. On sait bien en réalité que son moteur manquerait de souffle (ce qui est encore plus évident dès qu’on monte en selle sur la Ninja après avoir roulé sur la CBR). Mais elle dégage une image de sportive très réussie.
Certains pourraient trouver décevant que la Ninja ne soit pas en mesure de livrer les performances que son look semble promettre. D’autres, au contraire, y trouveront leur compte. C’est mon cas. Dans le trafic urbain, par une chaude journée d’été, je me faufilais à l’avant des files aux feux rouges et je tricotais dans la circulation avec entrain. J’avais l’impression d’être sur n’importe quelle sportive et, même si je conduisais toujours prudemment, je sentais que cette moto me donnait envie de rouler vite, de rouler sport. En fait, j’ai eu bien plus de plaisir que je ne m’y attendais compte tenu de sa cylindrée. Après un moment, cette Ninja ne donne plus simplement l’impression d’être une petite moto, elle donne l’impression d’être une moto pleine de potentiel.
Cela dit, la Ninja est limitée par son moteur, bien sûr. Avec ses 296 cc et ses 39 chevaux, on est loin de la puissance des sportives de plein format (ce qui n’empêche pas la petite Ninja de répondre avec vivacité et de s’envoler devant le trafic aux feux rouges). Mais ce qui compte le plus, ce n’est pas le moteur, c’est l’état d’esprit émotionnel engendré par la configuration physique de la Ninja et par sa position de conduite. Les pieds sont relevés et reculés vers l’arrière, le guidon est bas, la tête est avancée vers l’avant. Ce n’est pas tout à fait la position de conduite d’une véritable sportive (et c’est tant mieux pour toute promenade de plus de 40 minutes), mais elle s’en approche assez pour donner une bonne idée de ce que peut ressentir un pilote au guidon d’une 636.
De son côté, la Honda CBR500R n’essaie pas de se faire passer pour quelqu’un d’autre. Pour reprendre une expression en vogue au début de l’ère des ordinateurs Macintosh, c’est une moto WYSIWYG : What you see is what you get. Elle est exactement comme ce qu’on voit. Cela dit, la CBR500R ne manque pas du tout d’élégance, au contraire. Elle n’a pas le côté plus agressif et coloré de la Ninja; elle semble simplement dire : je suis une Honda! Quand on prend place sur la CBR, on a de l’espace pour les bras et les jambes; on réalise tout de suite que le terme « petite » ne lui convient pas. C’est une moto, tout simplement.
Honda ne précise pas la puissance de la CBR, mais on sent qu’elle est amplement suffisante pour se débrouiller dans la circulation et sur les voies rapides. Le moulin de 471 cc ne peut pas être qualifié d’excitant, mais il livre un couple généreux, il permet d’accélérer avec vigueur dans les premiers rapports, les reprises sont bonnes à vitesses plus élevées, et on peut facilement dépasser les limites permises sans avoir l’impression que le moteur s’essouffle.
En me faufilant dans le trafic de la ville sur la Honda, je n’ai jamais senti l’envie de tomber en mode trop sportif, et peut-être un peu délinquant, comme avec la Kawasaki. Et c’est très bien comme ça. La CBR se veut plus mature, sa peinture simple et ses lignes épurées évoquent le raffinement discret plutôt que le tape-à-l’œil, elle offre beaucoup d’espace pour le pilote et son couple surprenant confère un sentiment de solidité mécanique.
Personnellement, on ne peut pas me qualifier de raffiné ni de discret… mais ça ne m’empêche pas d’apprécier les qualités de la Honda. La CBR500R offre des performances parfaitement au diapason de son image : elle est silencieuse, souple et efficace. De plus, son moteur donne une impression de puissance supérieure à ce qu’elle n’est en réalité et le poste de pilotage est spacieux.
Dans le cadre de cet essai, nous ne cherchions pas à trouver une moto gagnante, mais plutôt à cerner la personnalité de chacune (d’ailleurs, je serais réellement embêté si je devais choisir entre les deux). Comme on l’a vu, ce sont des motos sensiblement différentes, mais les deux font très bien ce qu’elles ont à faire. Chacune a son style; à vous de voir celui qui vous ressemble le plus.

Fiche technique
MODÈLE
Kawasaki Ninja 300 ABS

PRIX
5699 $
MOTEUR
L-2, 8 soupapes, ref. au liquide
PUISSANCE (AFFICHÉE)
39 ch à 11 000 tr/min
COUPLE (AFFICHÉ)
20 lb-pi à 10 000 tr/min
CYLINDRÉE
296 cc
ALÉSAGE ET COURSE
62 x 49 mm
RAPPORT VOLUMÉTRIQUE
10,6:1
ALIMENTATION
Injection électronique
TRANSMISSION
6 vitesses
SUSPENSION
Avant : fourche télescopique de 37 mm, course de 120 mm
Arrière : amortisseur, course de 132 mm
EMPATTEMENT
1405 mm (55,3 po)
CHASSE/DÉPORT
27°/93 mm
FREINS
Avant : disque de 290 mm, étrier à 2 pistons
Arrière : disque de 220 mm, étrier à 2 pistons
PNEUS
Avant : 110/70-17. Arrière : 140/70-17.
POIDS (AFFICHÉ)
172 kg (379 lb) tous pleins faits
HAUTEUR DE LA SELLE
785 mm (30,9 po)
RÉSERVOIR
17 L
CONSOMMATION
4,8 L/100 km (59 mpg)
AUTONOMIE
354 km

MODÈLE
Honda CBR500R

PRIX
6299 $ 6799$ avec ABS
MOTEUR
L-2, 8 soupapes, ref. au liquide
PUISSANCE (AFFICHÉE)
ND
COUPLE (AFFICHÉ)
ND
CYLINDRÉE
471 cc
ALÉSAGE ET COURSE
67 x 66,8 mm
RAPPORT VOLUMÉTRIQUE
10,7:1
ALIMENTATION
Injection électronique
TRANSMISSION
6 vitesses
SUSPENSION
Avant : fourche télescopique de 41 mm, course de 108 mm
Arrière : amortisseur, course de 119 mm
EMPATTEMENT
1409 mm (55,5 po)
CHASSE/DÉPORT
ND
FREINS
Avant : disque de 320 mm, étrier à 3 pistons
Arrière : disque de 240 mm, étrier à 1 piston
PNEUS
Avant : 120/70-17. Arrière : 160/60-17
POIDS (AFFICHÉ)
196 kg (432 lb) tous pleins faits
HAUTEUR DE LA SELLE
785 mm (30,9 po)
RÉSERVOIR
15,5 L
CONSOMMATION
4 L/100 km (71 mpg)
AUTONOMIE
387 km

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