Café racer pour la masse?
L’automne dernier, lors de ma prise de contact avec la Tha Heist (MJ février 2013), je me promettais bien d’essayer sa petite sœur, la Misfit. Chose promise, chose due, voici donc le compte rendu et mes impressions de ce petit café racer made in China. Comme je l’expliquais à l’époque, les motos de la marque américaine Cleveland Cyclewerks sont conçues aux États-Unis (plus précisément à Cleveland, vous l’aurez deviné) et fabriquées en Chine. Au Québec, elles sont distribuées chez trois concessionnaires, dont deux dans la région de Québec. J’en profitai donc pour m’amuser un peu dans le vieux Lévis après avoir pris possession de mon exemplaire chez MIC Performance, spécialisé dans la vente de motos provenant de l’Empire du Milieu (Chine). Le style café racer m’ayant toujours fasciné, je décidai de fouiller dans mon vieux stock de cuir et de jouer le jeu, ce qui nous attira – à mon photographe et moi – quelques regards amusés lors de notre séance de photos.
Bien qu’il s’agisse du même moteur de 239 cc à simple arbre à cames en tête, deux valves et refroidi à l’air de Lifan (qui se spécialise dans les copies de moteurs Honda), le reste de la moto n’a rien en commun avec la Tha Heist. La seule distinction qui mérite d’être mentionnée : l’ajout d’un kick pour compléter le style ou encore pour seconder réellement le démarreur électrique. Quoi qu’il en soit, ma première tentative pour faire démarrer la « bête » échoue… jusqu’à ce que mon photographe me rappelle que lors de notre prise de contact de l’automne dernier, la Tha Heist était munie d’un coupe-circuit qui empêchait le moteur de tourner si la béquille était déployée. Décision douteuse lorsqu’une moto n’est munie que d’une béquille latérale, mais dans le cas présent, monter la Misfit sur sa béquille centrale régla le problème et elle démarra sans rechigner. Je la laissai donc se réchauffer avant de m’engager sur le boulevard. Au risque de paraitre froussard, j’appréhendais un peu mon intégration au flot de la circulation, le tirage court des deux premiers rapports ne donnant qu’une vitesse maximale d’environ 40 km/h, il faudra tirer le maximum de jus du petit moulin ancestral! Eh bien, je fus agréablement surpris lors du passage des rapports, les troisièmes et quatrièmes procurant la poussée nécessaire à la survie en milieu urbain. Qui dit accélération, dit freinage et sur ce point, la puissance disponible ressemble étrangement à ce qu’offrait ma bonne vieille XL185 avec ses freins à tambour. Bien que sur papier la Misfit soit munie de freins à disque ventilés équipés d’étriers à deux pistons, ces derniers ne donnent pas la possibilité d’effectuer des breakies, on s’entend! J’ouvre ici une parenthèse, je ne comprends pas vraiment Scott Colosimo, le créateur de la marque, d’avoir greffé des éléments d’allure moderne qui ne le sont pas vraiment. La fourche inversée non ajustable et les amortisseurs arrière avec réservoirs, le bouchon du réservoir à essence du type aviation détonnent avec l’allure rétro de la moto. Si au moins ces anachronismes avaient apporté une meilleure tenue de route… Dans les faits, ma vieille XL était mieux suspendue et offrait une meilleure absorption des bosses même après 28 ans de service! Du côté des instruments, un tachymètre odomètre classique flanqué d’une imposante jauge à essence (quelque peu pessimiste) et un compte-tours minimaliste (j’aurais inversé ces deux derniers) se voient complétés par les témoins habituels de feux de route, de clignotants et du point mort. Parlant du point mort, je n’ai eu aucune difficulté à le sélectionner, une belle amélioration en comparaison avec la Tha Heist.
Les séances de photos servant à imager nos essais constituent souvent de mauvais moments à passer. Les allers-retours à répétition, généralement dans des endroits exigus avec des motos souffrant d’embonpoint ou encore affublées d’un faible rayon de braquage, ne me passionnent vraiment pas. Ce coup-ci, ce fut une sinécure, tellement cette moto cache bien ses 139 kg (305 livres) tous pleins faits. Il faut dire qu’un pilote de 6’ se sentira à l’étroit à son guidon, la selle (quand même assez confortable et munie d’un couvre-section arrière amovible) trône à 30,75 pouces (781 mm) du sol et l’espace guidon/selle/repose-pieds est conçu pour un pilote de plus petit gabarit. Les pneus Duro, provenant de Taiwan, de dimensions rétro – 90/90-18 à l’avant et 120/80-16 à l’arrière – se montrent à la hauteur des performances de la moto. J’ai négocié quelques courbes à fond, soit la vitesse tolérée sur nos autoroutes, et bien que les suspensions me laissaient savoir leur désapprobation, la moto réussit à tenir le cap sans trop m’ajouter de cheveux blancs! Parlant d’autoroute, vous aurez deviné qu’il ne s’agit pas là du terrain de jeu préféré de la Misfit. Bien qu’ayant une vitesse maximale capable de vous valoir une contravention par un policier zélé, l’absence de puissance en réserve pour doubler rend cette manœuvre quelque peu suicidaire… Les routes secondaires et le milieu urbain – les terrains de prédilection pour cette petite moto – permettent de rouler relaxe. Si vous désirez rouler incognito, oubliez cette moto, chaque fois que je me suis arrêté, les badauds se sont empressés de venir voir de quelle boite à surprise sortait ce bizarre de petit engin. Vendue à 3 599 $ (montage inclus), c’est 1 600 $ de moins qu’une Suzuki TU250 qui offre l’injection électronique mais passe malheureusement inaperçue avec son allure simpliste.
Rouler en moto de nos jours ne comporte pas les mêmes engagements qu’à l’époque révolue des années 60 où être motocycliste impliquait aussi d’être débrouillard en mécanique. L’injection et l’allumage électronique, les freins à disque et les suspensions sophistiquées nous rendent la vie beaucoup plus facile, mais nous gardent aussi plus éloignés du vrai sens du motocyclisme : faire un avec la machine. Vu de cet angle, la Misfit demande davantage que les plus récentes créations technologiques auxquelles nous sommes habitués, mais se salir les mains et rouler à un rythme plus relaxe n’a jamais tué personne!
Cleveland Cyclewerks nous ramène vraiment aux années 60.ëtes-vous prêt à y retourner pour vous ressourcer?