Même dans la chaleur intense de l’Afrique du Sud, la nouvelle GS garde les têtes au frais
En arrivant en haut de la colline, la route tourne plus vite que prévu. Je freine à fond j’incline la machine, puis je remets les gaz au max en sortant du virage, jusqu’à la prochaine courbe. Nous roulons comme ça depuis des kilomètres. Je suis habitué à ce genre de conduite intense et j’ai souvent piloté à ce rythme sur les routes secondaires de mon coin de pays et lors des lancements de presse. Sauf que cette fois-ci, je suis sur un chemin de terre cabossé et rempli d’ornières, en Afrique du Sud. Pendant quelques instants, je me dis que c’est fou de filer à une telle allure sur ce genre de route. En effet, ce serait sans doute fou sur d’autres motos, mais pas au guidon de la nouvelle BMW R1200GS.
Avant de conduire une grosse GS pour la première fois, en 2004, j’étais particulièrement sceptique à cause de l’allure bizarre de cette machine. Mais dès que je me suis mis à la découvrir dans le cadre d’un essai à long terme, wow! J’ai été conquis par son confort comparable à celui d’une moto de tourisme sportif, sa solidité en virage comparable à celle d’une sportive (un peu d’agilité en moins) et sa capacité à rouler sur les routes d’asphalte défoncées comme on en trouve tant ici.
Il faut reconnaître la ténacité de BMW. Sa GS a été remaniée à plusieurs reprises au fil des ans, mais elle a toujours conservé son originalité, et son bicylindre à plat. Pour 2013, la firme allemande raffine encore le concept et le moteur a droit à des changements substantiels.
Quelle est l’importance de cette nouvelle GS pour BMW? Prioritaire me semble une bonne réponse. La R1200GS (et sa presque jumelle en version Adventure) représente 25 % de la production des quelque 100 000 motos fabriquées par BMW chaque année. Mais au-delà des chiffres, la GS est depuis plusieurs années la moto qui définit BMW et qui sert de locomotive à son image de marque. Oui, la nouvelle GS est extrêmement importante pour la firme bavaroise.
À cause des exigences de la réglementation en matière d’émissions polluantes, les motos refroidies uniquement par air seront bientôt chose du passé. Voilà pourquoi la GS 2013 est refroidie au liquide. Mais pas entièrement… Le nouveau moteur a conservé la même cylindrée (1170 cc) et les mêmes mesures d’alésage et de course (73 mm x 101 mm), mais il est désormais refroidi au liquide dans une proportion de 35 % – l’air s’occupe des 65 % restant. En comparaison, l’ancien moteur était 22 % refroidi à l’huile et 78 % à l’air. Je ne comprendrai jamais au juste comment les fabricants arrivent à de telles mesures, mais bon, on retient que la part du refroidissement par air a diminué et que le liquide fait désormais à peu près le tiers du travail. BMW explique qu’elle a adopté une approche de refroidissement ciblé, en visant uniquement les parties soumises aux plus grands stress thermiques, c’est-à-dire les culasses de cylindre, souvent appelées têtes de moteur.
Les moteurs partiellement refroidis au liquide devraient devenir de plus en plus courants dans les années à venir. Selon les rumeurs, Harley-Davidson est actuellement en train de travailler sur une version de ses gros V-2 avec culasses refroidies au liquide, tout comme la GS. Certains observateurs au tempérament moderniste diront sans doute que BMW rate la cible et qu’elle demeure trop traditionaliste en n’osant pas créer un boxer entièrement refroidi au liquide. Je ne suis pas d’accord; je crois même qu’il serait déraisonnable de ne pas tenir compte du fait que les cylindres de la GS se promènent dans le grand vent en permanence. Autrement dit, la configuration même du moteur assure une partie du refroidissement – aussi bien en profiter. Ajoutons aussi qu’en limitant les sections soumises au refroidissement par liquide, on peut utiliser des radiateurs plus petits. Ceux de la GS – il y en a deux – sont à peu près de la taille d’un radiateur d’huile traditionnel et ils sont discrètement intégrés dans la carrosserie.
Changement majeur du côté du système de refroidissement, donc. Mais il est loin d’être le seul. En fait, le moteur a été revu de fond en comble.
À l’extérieur, la nouveauté la plus frappante, c’est la position de la tubulure d’admission et d’échappement. Elle est maintenant verticale, plutôt qu’horizontale. BMW explique que cela permet notamment d’obtenir un conduit d’admission plus rectiligne et plus efficace. Mais les pilotes remarqueront surtout qu’on gagne de l’espace pour les pieds, et qu’on peut maintenant les déplacer vers l’avant sans entrer en contact avec les corps de papillon. Cet aspect est particulièrement apprécié en conduite hors-route, lorsque l’on n’arrive pas toujours à contrôler le positionnement exact de ses bottes sur les repose-pieds… Les sorties d’échappement aussi pointent vers le bas. Autre élément qui permet au moulin de mieux respirer : les soupapes. Elles ont gagné chacune 1 mm en diamètre (40 mm à l’admission, 34 à l’échappement) et, surtout, elles sont désormais actionnées par des arbres à cames individuels. Tous ces changements ont permis d’augmenter le rapport volumétrique d’un demi-point : il est maintenant de 12,5:1.
Non, ce n’est pas tout. Sur les anciennes GS, le moteur et la transmission étaient deux entités séparées. Les rapports et leurs mécanismes sont maintenant dans le même carter que le moteur lui-même. L’embrayage, anciennement à sec et situé entre le moteur et la transmission, est maintenant lui aussi à l’intérieur du carter moteur (et il baigne dans l’huile, bien sûr). Il a également gagné un mécanisme de glissement limité pour réduire le sautillement du pneu arrière lors de rétrogradages énergiques. L’arbre d’entraînement et le bras oscillant sont maintenant du côté gauche.
Selon BMW, le nouveau moulin produit 125 ch à 7700 tr/min et son couple maximal est de 92 lb-pi à 6500 tr/min.
La première impression qu’on ressent en roulant sur la nouvelle GS, c’est qu’elle n’est pas si différente de sa devancière, mais qu’elle a plutôt eu droit à de subtiles améliorations. Cela dit, on remarque tout de même que le moteur a changé dès qu’on appuie sur le démarreur. Le silencieux émet une musique plus nette (il est muni d’un clapet à commande électronique) et passablement différente du son étouffé de l’ancien modèle. De même, en quittant notre hôtel de la ville de George, j’ai tout de suite remarqué que la transmission était nettement améliorée. Le mouvement du levier est fluide, les changements de rapports sont nets, ce qui renforce le message qu’on est en présence d’un moteur résolument moderne.
Afin d’améliorer la traction, surtout en conduite hors-route, la partie cycle a été revue de façon à allonger de beaucoup le bras oscillant – il gagne 52,4 mm et passe à 588 mm. L’empattement, par contre, demeure le même : 1507 mm. Côté suspension, la GS est fidèle à elle-même : bras oscillant monobranche Paralever à l’arrière, Telelever à l’avant. Sur l’asphalte, son comportement est exemplaire, la tenue de route est neutre et légère, et le gain de puissance du moteur ne s’est pas fait au détriment de la souplesse à bas régimes. À cause de leur tempérament moins hyperactif, les bicylindres donnent l’impression qu’on roule moins vite qu’on ne le fait en réalité. Mais j’ai quand même été renversé quand j’ai jeté un coup d’oeil à l’indicateur de vitesse sur une route désertique du centre du pays : 230 km/h. Au lieu de ralentir, j’ai fait comme tout homme trop enfantin aurait fait à ma place : j’ai visé le cap des 240. Mission accomplie. Puis j’ai aussitôt ralenti en me disant qu’on ne sait jamais quand on rencontrera un rhinocéros errant.
Depuis quelques années, l’électronique est devenue un élément incontournable de la conception des motos. De son côté, BMW offre en option son système dynamique d’ajustement électronique des suspensions (ESA) et, bonne nouvelle, il est facile à utiliser (ce qui est loin d’être toujours le cas). Il offre un choix de 5 modes en fonction des conditions de conduite : pluie, route, dynamique, enduro, enduro pro. Le système se charge de coordonner le comportement de l’accélérateur à commande électronique (3 modes), du système antipatinage / ABS (3 positions) et de la suspension (4 en tout). La sélection des modes est la simplicité même. Il suffit d’appuyer sur un bouton du côté droit du guidon jusqu’à ce qu’apparaisse le mode désiré sur l’écran numérique du tableau de bord. Pour confirmer la sélection, on n’a qu’à fermer l’accélérateur et tirer sur le levier d’embrayage. Soulignons au passage que l’indicateur de vitesse et le compte-tours sont analogiques, comme il se doit. Quant à l’appellation dynamique, elle signifie que la suspension est de type semi-actif : le système analyse le mouvement vertical des roues grâce à des senseurs et il ajuste automatiquement l’amortissement en conséquence.
Le prix de la GS est structuré en fonction de différents ensembles d’accessoires qu’on peut ajouter au modèle de base (offert à 18 850 $ incluant l’ABS et les poignées chauffantes). Avec l’ensemble « confort » (675 $), on obtient le système de contrôle de la pression des pneus, des supports pour les valises et des protecteurs pour les mains. Avec le « touring » (1600 $), on gagne la suspension ESA et une foule d’autres extras. L’ensemble le plus complet, le « dynamique » (2300 $), comprend également un phare à DEL. Aucun de ces ensembles ne comprend les valises – alors prévoyez 1056 $ pour une paire d’élégantes valises latérales en métal. BMW offre également une tout aussi élégante valise arrière (prix non disponible au moment d’écrire ces lignes).
Après une randonnée matinale sur des routes asphaltées sinueuses, notre petit groupe s’arrête pour une courte pause à l’ombre d’un arbre. Puis nous remontons en selle et bifurquons aussitôt vers des chemins de terre. Je réalise que j’ai oublié de sélectionner le mode « enduro », mais je décide tout de même de voir comment se comportera la moto en mode « route » sur des chemins non pavés. Le comportement de l’ABS ne pose pas de problème, mais l’antipatinage m’empêche de commander des dérapages de la roue arrière en virage. Je donne donc un petit coup de pouce sur le bouton de droite, ferme l’accélérateur, tire l’embrayage, et me voilà en mode « enduro ». Ça va beaucoup mieux. L’ABS est remarquable : même si la traction est mauvaise, le levier de frein avant ne sautille pas et le pneu semble trouver de la prise partout. Les dérapages « sur le gaz » en sortie de courbe sont faciles à réaliser : suffit de tourner l’accélérateur et de pointer la roue avant vers la sortie.
Pendant la pause du midi, on nous offre la possibilité de faire une petite escapade sur des GS chaussées de pneus de motocross. Le mode « enduro pro » est affiché à l’écran (pour utiliser ce mode, il faut avoir des pneus appropriés). Ces pneumatiques accentuent nettement la capacité hors-route de la grosse R1200GS et le facteur limitatif devient alors le talent du pilote. Voilà pourquoi je m’arrête au pied d’une côte rocheuse et particulièrement à pic pour demander à notre guide Jan du Toit : en quelle vitesse? Il sourit et pointe un doigt vers le ciel. En première. Alors j’y vais et je réussis à me rendre en haut avec quelques sueurs froides. Bien sûr, on peut utiliser la GS comme une machine d’enduro géante, mais pour rouler régulièrement en hors-route, une machine plus petite et plus légère sera un meilleur choix pour la plupart des gens. Là n’est pas l’essence première de la GS.
Côté pratique, mentionnons qu’on peut ajuster la hauteur et l’angle de la selle. On peut aussi ajuster facilement la hauteur du pare-brise (pas à 230 km/h, par contre…). La carburation est parfaite, la suspension est souple et la position de conduite relevée est idéale pour rouler en moto, autant pour le confort que pour le contrôle.
Avec la GS, BMW vend du rêve. Les motos sport nous font rêver de courses endiablées. La GS vous glisse à l’oreille qu’elle pourrait vous emmener au Mexique ou plus loin encore en quelques jours si vous voulez; suffit de piquer vers le Sud au lieu de rentrer au boulot… Rêve d’évasion. Mais la ruse de la GS n’est pas dangereuse; car même si vous ne l’emmenez jamais loin de chez vous, elle est tout à fait adaptée à la vie de tous les jours – elle est même en mesure de surpasser les besoins de la majorité des motocyclistes. Oui, la nouvelle R1200GS est brillante.