Comme chaque année, la période des vacances approchait à grands pas et, selon la tradition, ma blonde devait nous annoncer notre destination peu de temps avant notre départ. Afin de contraster avec les endroits visités au cours des dernières années (plusieurs fois la côte est américaine et ses plages, notre cour l’an passé, construction du garage oblige!), elle nous déclara que nous irions à la découverte de la côte nord québécoise! Nous restâmes quelque peu figés, les garçons ne sachant pas à quoi s’attendre et moi me disant qu’au moins nous n’aurions pas à nettoyer souvent nos visières pour en enlever les mouches! Une fois l’effet de surprise passé, nous commençâmes l’inventaire des articles à ne pas oublier pour un tel périple en famille à moto. La Bandit 650 d’Isabelle étant dotée de valises Givi, nous pouvions donc apporter suffisamment de vêtements et d’équipement pour deux personnes. Mais lorsque nous sommes arrivés à ma Z750S, la capacité de charge (un sac de réservoir et possiblement des sacoches souples datant des années 80) fut loin de nous impressionner. Autre facteur non négligeable, Xavier, notre plus jeune âgé de 10 ans, ne trouvant pas sa section de selle confortable pour un tel trajet manifesta son mécontentement. Bien que la partie avant de la selle me permette de rouler plus de 700 km sans problème, il est vrai que la Kawasaki a été conçue pour accommoder un passager pour un temps limité, ce qui contraste avec l’usage que nous en ferions en vacances. Je lis déjà dans vos pensées : « Tu n’as qu’à donner un coup de fil et te quêter une moto d’essai! » Heu oui, mais pas si facile à deux jours d’avis et en pleine période des vacances, surtout lorsqu’on est dans la région de Québec (les maisons mères des différents manufacturiers n’abondent pas dans cette région). Il me vint alors une idée juste à point : pourquoi pas une location? En me croisant les doigts, je signalai le numéro de Location Prémont Harley-Davidson. Valérie me confirme qu’elle a en main une quantité suffisante de motos pour les dates prévues, soit du 7 au 11 août inclusivement. Il ne me reste qu’à arrêter mon choix, ce qui ne fut pas facile : Road King, Road Glide, Street Glide, Electra Glide ou Switchback? Je me dis que je me ferai bien une idée une fois sur place en essayant les différents modèles disponibles. En cette belle journée de début août, les clients affluent dans le nouvel édifice du boulevard Pierre Bertrand. Certains ramenant à regret la moto louée la veille (le temps passe vite, hein!), d’autres encore qui essaient de se brancher avant d’acheter. Mes critères de sélection se résumant à une moto disposant d’une autonomie d’au moins 230 km (soit un peu plus que la distance séparant Baie-Comeau du prochain poste d’essence en bordure de Manic 5), une capacité de rangement étanche pour deux personnes et enfin un certain confort pour le passager. N’ayant aucun besoin côté sonorisation (j’aime mieux écouter le ronronnement d’un moteur que de la musique à tue-tête lorsque je roule à moto,), je me tournai donc vers une FLHR Road King accessoirisée d’un dossier passager, ce qui me vaudra bien des éloges de la part de mon passager… Autre facteur non négligeable, la location permet un kilométrage illimité, ce qui constitue un argument de taille pour une randonnée de près de 1 500 km. Charles, le directeur de la division location, me souhaite bonne route et un temps clément, j’espère que les « miss météo » l’entendront!
Le départ pour Baie-Comeau s’effectue sous un ciel nuageux, mais qu’à cela ne tienne, nous sommes prêts pour affronter les caprices de dame nature (qui se laissa prier plus que d’habitude). Galarneau se pointa finalement le nez aux alentours de Beaupré, juste à temps pour que nous puissions monter la côte de la Miche en voyant s’éloigner la ville de Québec dans nos rétroviseurs. Bien que l’apparition des chauds rayons du soleil compense notre montée en altitude (jusqu’à 740 m), nous décidons d’arrêter « enlever une couche » de vêtements à la halte routière de Baie St-Paul. Arrivés un peu avant nous, deux couples de Saint-Eustache, eux aussi en vacances, en profitent pour visiter la belle région de Charlevoix. J’ai envié un moment celui chevauchant la XR1200X, mais pour l’utilisation prévue, la Road King s’avèrera un choix plus approprié… Pour nous rendre à La Malbaie, nous optons pour la route 362 qui longe le fleuve avec ses montées dans les coteaux et ses descentes vers la rive du Saint-Laurent. Près de Saint-Irénée, terre natale du célèbre Marc Tremblay, un spectacle assez particulier s’offre à nous. Les nuages, la brume qui se lève et le fleuve semblent ne faire qu’un, nous suivons la route sans vraiment savoir si nous roulons ou si nous voguons! Le soleil continue de nous accompagner jusqu’à la traverse de Baie-Sainte-Catherine Tadoussac. Contrairement à nos prévisions, nous réussissons à monter sur le traversier sans devoir faire la file. Le temps d’avaler un demi-sandwich et nous nous retrouvons sur la rive est de la rivière Saguenay. Tadoussac nous rappelle un peu les villages de pêcheurs de la côte est américaine. Beaucoup de touristes, des bateaux et des maisons aux couleurs vives. Nous aurons le temps de voir tout ça lors de notre troisième journée. Après avoir englouti notre dîner sur une table à pique-nique en bordure de la route, près du camping du Bon Désir aux approches des Bergeronnes, nous poursuivons notre route sous les nuages et avec un vent de face, ça commence à sentir l’orage… En traversant Longue-Rive, nous pouvons observer une quantité impressionnante de petites girouettes multicolores qui se font aller à qui mieux mieux sur les pelouses à l’occasion du Festivent. L’orage appréhendé nous tombe finalement dessus aux environs de Portneuf-sur-Mer. Portant mon fidèle ensemble Aerostich, je m’en tire sans que trop d’humidité se rende à mes sous-vêtements. Xavier, qui avait écouté les conseils de son vieux père, portait déjà son imperméable, il sera le seul à ne pas avoir été incommodé par la pluie, sa mère et son frère sur la Bandit – ayant parié que ce ne serait qu’une petite ondée – en furent quittes pour un changement de vêtements arrivés au motel… La qualité du revêtement de la 138 dans cette région, le faible achalandage de même que le dégagement viennent tout de même compenser les écarts de la température. Notre arrivée à Baie-Comeau en milieu d’après-midi nous permet de nous familiariser avec les alentours et de planifier notre deuxième jour qui nous mènera à Manic 5. À l’origine, nous devions aussi visiter Manic 2 sous les conseils de mon confrère Guy Caron. Mais étant donné que nous ne « mangeons » pas autant de kilomètres que Guy (il est bon de noter qu’il constituerait un excellent poulain lors d’une course de type Iron Butt!), nous optons donc pour ne visiter que le plus gros des deux, soit Manic 5.
Par un beau matin ensoleillé et frais nous empruntons la route 389 avec 214 km nous séparant de notre but : le barrage qui a presque mon âge! Normalement, nous en aurions eu pour moins de deux heures, mais comme la carte l’indique, le nombre de courbes sur cette route dépasse la moyenne et, en prime, le revêtement ponctué de trous et de bosses se situe à des années-lumière de la 138. Rouler à plus de 80 km/h sur ce parcours avec les motos dont nous disposions aurait été irresponsable, surtout compte tenu du nombre de convois à largeur excessive (maisons mobiles) se dirigeant vers Fermont. Une seule section d’environ cinquante km, située entre les bornes kilométriques 100 et 150, permet d’augmenter un peu le rythme… C’est donc vers les 11 h 30 que le fameux barrage nous apparut à l’horizon. Les merveilles de la nature ne cessent de nous impressionner chaque jour, mais les réalisations de l’homme dans ce style me laissent toujours admiratif envers les concepteurs et travailleurs qui ont su ériger pareille construction. Nous réussissons à nous intégrer à la visite de midi et avons ainsi pu jeter un œil à la salle des turbines, à une partie de l’intérieur du barrage et avons même eu la possibilité de prendre des photos à son sommet. Il est bon de noter que les visites guidées ne se déroulent que durant la période estivale, soit du 24 juin au 31 août et sont gratuites! Le retour se déroula sous le soleil, en fait, ce sera sa dernière apparition. Un souper pizza au restaurant familial Le petit Suisse et tout le monde au dodo!
Au matin du troisième jour, nous aurions juré avoir changé de saison, le mercure avoisinait les 13 degrés et un vent persistant nous raccompagna jusqu’à Tadoussac, haut lieu des excursions aux baleines. Nous achetons nos billets pour l’après-midi. En attendant, nous entrons au resto Chez Mathilde manger une croute avant de nous aventurer à la recherche des baleines, expédition de plus de 3 heures. Fait intéressant, le nombre et la diversité des touristes provenant de partout dans le monde, on se serait cru aux Nations Unies! Bien emmitouflés dans nos équipements de moto, il nous a été possible d’observer une quantité de baleines, phoques et bélugas. Il va sans dire que des bottes de moto étaient plus appropriées que des gougounes par ce temps frais et pluvieux! Une bonne douche chaude au Couette et café Manoir Bellevue des Escoumins a tôt fait de nous remettre d’aplomb et nous voilà à table au restaurant Pêcherie Manicouagan qui, comme son nom le laisse deviner, sert des prises fraiches! Une bonne nuit de repos au chaud et un délicieux petit déjeuner nous réconfortent pour affronter une autre journée de pluie sur la route du retour. Il a plu toute la nuit et la Suzuki, dont la béquille s’est considérablement enfoncée, penche dangereusement sur son flanc gauche. Heureusement, je m’en rends compte à temps et vais placer une plaque métallique sous sa béquille pour la redresser… La Road King avec sa béquille de plus grande portée n’a même pas bronché depuis la veille, une chance!
Le vent mêlé à la pluie nous ralentit considérablement, les valises de la moto d’Isabelle offrent une emprise au vent et le haut pare-brise de la Road King m’obstrue la vue lorsque nous ne roulons pas suffisamment vite pour permettre à l’eau de s’évacuer. Petit arrêt à Saint-Fidèle pour un ravitaillement en fromage. À partir de là, la pluie cesse pour être remplacée par un brouillard qui s’intensifie pour ensuite disparaitre complètement. Finalement, nous sommes de retour à Québec et il faut rendre la moto. Avec regret. Je comprends mieux ceux qui louent avant d’acheter. Si l’on se fie seulement à la lecture d’une fiche technique ou à l’avis d’une connaissance, plusieurs motos potentiellement intéressantes vont nous sembler trop grosses ou encore carrément intimidantes. Pour effectuer un voyage dans ce style, la Road King m’a vraiment impressionné, moi l’amateur de sportives. Le confort offert par la selle et l’absence de vibration nous ont permis à mon passager (qui lui aussi n’était pas pressé de laisser sa place) et à moi de passer plusieurs heures en selle avec une tout autre perspective. Les 1 487 km furent roulés souvent sous la pluie, mais qu’à cela ne tienne, la Road King contribua à créer des souvenirs que nous n’oublierons pas de sitôt. Alors, où irons-nous l’an prochain?