Ducati avait visé juste avec la Multistrada 1200. La version 2013 gagne en raffinement.
Quand ils essaient une Multistrada 1200 pour la première fois, pratiquement tous les motocyclistes ont un coup de coeur. La Multistrada était – et demeure – une machine extrêmement puissante, rapide et confortable. Mais cet attrait presque universel ne signifie pas que la belle italienne était sans failles. Par exemple, le tirage long de la transmission, combiné à un moteur au tempérament de superbike, rendaient la machine peu conviviale à basses vitesses.
Notre randonnée d’automne de l’an dernier avait bien fait ressortir ce point, particulièrement en comparaison avec la Suzuki GSX-F. Avec la Suzuki, on pouvait traverser les villages tranquillement et en douceur dans pratiquement tous les rapports. Avec la Multistrada, il fallait passer la première ou la deuxième et parfois même faire glisser l’embrayage. C’était une caractéristique irritante, qu’on n’oubliait pas nécessairement aussitôt qu’on reprenait de la vitesse en sortant du village. Selon Ducati, d’autres motocyclistes et des acheteurs de Multistrada ont aussi soulevé ce point. Ce qui nous amène à la Multistrada 2013 nouvelle et améliorée qui est, croyez-le ou non, réellement nouvelle et améliorée…!
À l’origine, le moteur de la Multistrada provient de la 1198. Ducati avait réussi à calmer un peu ses ardeurs l’an dernier en réduisant la période de chevauchement des soupapes, mais ce n’était pas assez. Sur le modèle 2013, les ingénieurs ont déplacé les injecteurs pour qu’ils pointent directement vers la soupape d’admission et non vers les parois froides de la tubulure d’admission. Ils ont aussi ajouté une deuxième bougie pour améliorer la combustion. De plus, un système d’admission d’air secondaire permet d’enrichir le mélange au besoin (pour maintenir la stabilité de combustion) tout en respectant les normes d’émissions.
À Bilbao, en Espagne, dans la file qui se dirige lentement vers les collines en ce matin frisquet, il est clair que la Multistrada est plus souple qu’avant. Avec le soleil levant dans les yeux et d’autres pilotes devant moi, ce n’est pas le moment de rouler à fond, ce qui me permet de constater que le moteur accepte désormais de tourner à bas régime sans se plaindre. Selon Ducati, le moulin recalibré produit 150 ch au vilebrequin (sans doute 140 à la roue arrière) et il a gagné un peu en couple. Cela dit, ses bonnes manières n’ont pas été acquises au détriment de la fougue : en tournant l’accélérateur, la roue avant s’élève et la bête fonce vers l’horizon. La Multistrada est toujours une moto extrêmement rapide.
Nous l’avons souvent dit dans ces pages, la position de conduite la plus confortable pour rouler en moto, c’est la position de type moto hors route, comme sur la Multistrada (et comme sur des motos aussi variées que la V-Strom et les différentes GS de BMW). Sur les machines de sport-tourisme, en comparaison, on se sent à l’étroit, avec les genoux trop pliés.
La Multistrada de base (18 495 $) est offerte avec système antipatinage et freins ABS. Elle est équipée d’une fourche Marzocchi et d’un amortisseur Sachs à ajustements classiques. Par contre, avec les modèles S Touring (20 995 $), S Pikes Peak (22 995 $) et S Granturismo (22 995 $), on obtient un système de suspension que Ducati a baptisé Skyhook. Le nom est discutable mais le concept est très intéressant. Ce système est fabriqué par Sachs. Ducati explique qu’il « se caractérise par le contrôle semi-actif des suspensions, exercé en continu pour garantir l’équilibre parfait du véhicule : la moto semble être isolée du sol et suspendue en l’air. »
Suspendue en l’air… l’hyperbole est belle…! Mais force est d’admettre que le système est réellement brillant. Même avec une suspension ajustable conventionnelle (comme la Multistrada à composantes Öhlins de l’an dernier), on est constamment forcé de faire des compromis. Pensez-y : vous sélectionnez le mode sport parce que vous roulez sur une route sinueuse et bien lisse puis, au bout de quelques kilomètres, vous apercevez devant vous un passage à niveau de voie ferrée. Ce n’est pas le moment d’aller fouiller dans un menu pour changer le mode de suspension. Alors, vous vous agrippez au guidon… Avec le système Skyhook, la suspension s’adapte instantanément grâce à des senseurs sur les parties suspendues et non suspendues de la moto. Côté parties suspendues, il y a les accéléromètres qui sont sur le té de fourche inférieur et le sous-cadre arrière. Côté non suspendues, ce sont des senseurs au bas de la fourche et dans le moyeu arrière qui fournissent l’information. Un ordinateur analyse les écarts entre ces données et il modifie l’amortissement en compression et en détente instantanément à mesure que la situation évolue sur la route. Ainsi, vous ne partez pas en vol plané en franchissant les voies ferrées.
De plus, pour réduire le balancement avant-arrière induit par les forces longitudinales (à l’accélération et au freinage), un senseur supplémentaire est couplé aux systèmes antipatinage et ABS. Le Skyhook permet de choisir entre quatre modes de conduite (sport, tourisme, ville, enduro) et quatre niveaux de charge.
Comme on ne peut pas désactiver le système Skyhook, on ne peut pas évaluer exactement de quelle façon il contribue à la stabilité de la moto. Mais pendant toute ma journée sur les routes sinueuses de la côte espagnole, j’ai eu l’impression que la Multistrada était extrêmement solide et qu’elle collait au sol avec un aplomb exceptionnel sur toutes les surfaces que nous avons croisées. Plus on se sent en confiance, plus on pousse; avec la Multistrada, je me sentais en contrôle et en sécurité, même à des angles assez prononcés pour que mes orteils frôlent le sol. J’ai hâte de valider ces impressions ce printemps sur nos routes défoncées.
À part les améliorations au moteur et à la suspension, les autres changements comprennent une partie avant redessinée avec phare de croisement à DEL et un pare-brise plus large de 60 mm. D’ailleurs, ce pare-brise est muni d’un mécanisme ingénieux qui permet de faire varie la hauteur facilement et d’une seule main en roulant.
Parmi les quatre Multistrada, la plupart des acheteurs choisiront la S Touring ou la S Granturismo. (Le modèle de base existe seulement pour attirer chez le concessionnaire les acheteurs qui ne se sentent pas prêts à dépenser plus de 20 000 $ pour une moto… Mais compte tenu de l’excellence de la suspension Skyhook, faudrait être fou pour choisir le modèle de base… De même, la version Pikes Peak est moins pratique.) Lors du lancement, nous avons roulé sur des Touring, mais la Granturismo offre des caractéristiques pratiques supplémentaires. Elle a une valise centrale de 48 litres et la capacité des valises latérales passe de 58 à 73 litres. Les trois sont munies de sacs souples à l’intérieur pour faciliter le transport des bagages à votre chambre d’hôtel. Avec le modèle amiral des Multistrada, le pilote a aussi droit à une selle « confort » (ce qui soulève la question : pourquoi ne pas en faire la selle standard pour tous les modèles?). On y trouve aussi un pare-brise plus haut, un guidon surélevé de 20 mm, des arceaux de protection en acier tubulaire et une paire de phares à DEL.
On ne peut pas qualifier la Multistrada de modèle « entièrement nouveau », mais la mouture 2013 apporte une amélioration marquée en corrigeant le point faible de l’ancien modèle (le manque de souplesse à bas régimes) et en proposant une nouvelle technologie réussie (la suspension). Ensemble, ces changements font de la Multistrada une bien meilleure moto. Elle est maintenant propulsée par un moteur au comportement sophistiqué et sa suspension établit une nouvelle norme pour l’avenir.
La Multistrada est une moto importante pour Ducati puisque selon la firme, 80 % des acheteurs de Multistrada n’avaient jamais eu de Ducati avant. Et contrairement aux ducatistes passionnés, qui peuvent voir avec indulgence certains petits défauts, les acheteurs habitués aux Honda, Yamaha et BMW de ce monde se montreraient sans doute moins patients. La Multistrada est le modèle de Ducati le plus vendu – et il doit le demeurer si la firme italienne veut continuer à prospérer.