Regarder où on veut aller et y aller. Vite!

Par Steve ThorntonPublié le

Michel Mercier nous fait vivre l’adrénaline du pilotage sur un circuit de course

Quand on s’inscrit à l’école de pilotage FAST de Michel Mercier, on ne vous dit pas à l’avance qu’il va falloir travailler très fort avant d’embarquer en piste. À faire quoi? À essayer d’enfiler vos cuirs. Nous sommes une douzaine de gars qui grimacent et qui soupirent en tirant sur le cuir et les fermetures éclairs. Quelques-uns demandent si on leur a fourni une combinaison trop petite. Apparemment non!
Coureur québécois émérite, particulièrement spectaculaire sur glace et terre-battue, puis triple champion canadien en Superbike dans les années 1980, Michel Mercier enseigne à rouler vite depuis 25 ans. Les cours ont lieu sur le circuit Nelson au complexe de course de Shannonville, près de Belleville, en Ontario (quatre heures à l’ouest de Montréal). Mercier a réparti les quelque 40 participants en trois groupes : rapides, moyens, débutants. Je suis dans les moyens, ce qui est plus prudent. Je suis nerveux.
Pour la première leçon, nous sommes encore habillés en civils… On voit que Mercier est habitué à enseigner. Il parle de contrebraquage, d’établir sa vitesse avant d’entrer dans un virage, d’entrer au bon endroit, de la meilleure façon de freiner (jamais avec le frein arrière), et des dépassements. Mercier a aussi de l’humour et les participants l’écoutent toujours avec attention. Pour illustrer l’importance de la vision, il dit : Où je veux aller? À gauche? Il pointe alors le bras vers la gauche. Mais il regarde à droite et se dirige à droite, vers un précipice imaginaire… Il répète l’explication quelques fois. Les gens sourient. Ils n’oublieront pas la leçon.
Enveloppés dans nos cuirs serrés, nous marchons ensuite jusqu’aux motos. Je prends place sur une Yamaha R6. Je suis encore nerveux : est-ce que je vais mémoriser le parcours assez vite, est-ce que tout le monde va être plus rapide que moi, est-ce que je vais me planter dans une courbe? Les instruments de la R6 sont cachés derrière du ruban adhésif. Mercier ne veut pas qu’on regarde le compte-tours, il veut qu’on écoute la machine. La moto est plus facile à piloter à basse vitesse que je ne l’aurais cru. Chaque instructeur prend deux ou trois élèves. Je suis le mien, en deuxième place. Après quelques tours, le pilote devant moi lève le bras pendant que nous roulons sur le grand droit et il se déporte vers la droite. Je remonte d’une position, juste derrière le prof. Il réaccélère dans le droit et je le suis de près. Il prend le virage numéro un, puis le deux, à vitesse raisonnable. Facile. Quand nous arrivons de nouveau au droit, je lève mon bras et cède ma place au suivant.
Après ces tours d’introduction au circuit, ma nervosité est disparue. Nous retirons le haut de nos cuirs (enfin, ceux qui sont capables d’en sortir…) et Mercier nous explique d’autres choses, assis autour d’une table. D’abord, où regarder : pas plus loin que la distance dont on a besoin pour rouler (ici on n’a pas besoin de surveiller les chauffeurs du dimanche qui sortent de leur entrée de cour sans regarder, il n’y a pas d’autre véhicules…). Où freiner. Où accélérer. Quel rapport choisir (deuxième ou troisième selon la courbe). Comment réagir si on commence à « faire du motocross » (traduction : si on passe tout droit dans une courbe et on se retrouve dans la pelouse). Il dit qu’environ 3 % des élèves chutent. La plupart du temps c’est parce qu’ils n’ont pas écouté les avertissements et ils ont échappé le devant ou perdu la traction à l’arrière. Donc, rester en contrôle, profiter du moment et rester sur deux roues.
À la sortie suivante, nous nous concentrons sur le freinage. Mercier nous a dit de rétrograder pendant qu’on freine. Pour apprendre, il nous fait accélérer jusqu’à un cône rose puis couper les gaz, rétrograder et freiner. Je manque de fluidité. Je n’ai pas relâché l’embrayage assez vite et j’ai été obligé d’utiliser le frein arrière. L’instructeur qui nous observe près du cône rose me dit d’oublier complètement le frein arrière. Il y a d’autres cônes tout autour de la piste. J’essaie encore, pas bon, alors je continue encore, et encore. Puis je m’arrête près d’un instructeur et je le reconnais. C’est Andrew Nelson, un coureur très rapide. « Beaucoup mieux » qu’il me dit. Je me sens bien.
De retour ensuite autour d’une table pour quelques explications, d’autres tours de pratique, puis on nous « lâche lousse » sur la piste. Première sortie libre. Je dépasse tout de suite un premier pilote, puis je vois quelqu’un qui chute devant moi. Drapeau rouge. Il faut arrêter de rouler quelques minutes, le temps de relever la moto et son pilote. Puis on repart. Je veux dépasser d’autres motos… Je m’approche d’un groupe de quatre et je les dépasse dans un petit droit entre deux courbes. Freinage intense pour la courbe, et je la passe en douceur. Puis un autre dépassement réussi dans un autre droit, et nous rentrons au bercail pour encore un peu de théorie. Un instructeur consulte ses notes et il explique à chacun de nous ce qu’il faut améliorer selon ses observations. Mon contrôle de l’accélérateur n’était pas assez régulier et j’ai raté le point de corde de certains virages. Un autre n’amorçait pas ses virages au bon endroit et il ne suivait pas les bonnes lignes sur la piste. On aurait dit un débutant.
Mercier nous parle ensuite de quelque chose de nouveau : le déhanchement en virage. Il explique qu’en se déplaçant vers l’intérieur, on change la dynamique de la moto et qu’on n’a pas besoin de la faire pencher autant en virage. Puis il nous envoie en piste pour essayer. Un instructeur m’explique que je ne me déplace pas assez. Il dit au débutant qu’il faut qu’il travaille encore à améliorer ses lignes. Il fait oui de la tête.
De retour en piste, je suis deux gars pendant quelques virages puis je dépasse celui d’en arrière. Je sais qu’il reste deux tours complets et je veux dépasser l’autre aussi. Mais à chaque fois qu’on sort d’un virage, il accélère à fond et je n’arrive pas à le dépasser. Pas question de le dépasser au freinage non plus. Ses lignes, et les miennes, me semblent bonnes en entrée et en sommet de virage. Je me déhanche un peu plus, je le suis toujours de près, mais je n’arrive pas à le dépasser. Après les deux tours, je vais le voir, il enlève son casque et je le reconnais : c’est le gars qui n’arrivait pas à suivre les bonnes lignes en début de journée… Je lui dis : « on était en course, j’essayais de te dépasser ». Il n’avait même pas remarqué que j’étais derrière lui… Pas grave, moi je sais que j’étais en pleine course. Et j’ai perdu. Mais il y aura toujours une prochaine fois.

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