La Nouvelle-Orléans, Louisiane, États-Unis d’Amérique. Cette ville, réputée pour sa chaleur et sa joie de vivre, est littéralement le nid du blues et du jazz qui se jouent depuis des décennies sur Bourbon Street. C’est aussi dans ce sud chaud et humide que l’on peut fêter Mardi Gras, l’équivalent du Carnaval de Rio en Amérique du Nord. Il n’y a pas d’alligators dans les bars de la Nouvelle-Orléans mais d’innombrables reptiles viennent ici chaque année afin d’épancher leur soif et leur besoin de se retrouver dans une cité qui sort vraiment de l’ordinaire américain.
En plus des reptiles, il y a des motos à La Nouvelle-Orléans. Matthias Meister, un Suisse-Allemand vivant ici depuis 15 ans, possède deux Ducati très intéressantes; une 900SS 1979 et une Mike Hailwood Replica 1980. Il a trouvé ces deux bêtes en Angleterre et les a importées aux États-Unis. Ayant une 900SS plus récente, j’étais emballé de voir ces machines mythiques en chair et en os (ou en fer et en caoutchouc si vous préférez.)?Tirant profit de la victoire de Mike Hailwood au TT de l’île de Mans de 1978, Ducati produisit la MHR de 1979 à 1985. La MHR est une 900SS customisée possédant un carénage intégral peu commun à l’époque, peint aux couleurs de l’engin d’Hailwood. Les 500 premiers exemplaires vinrent avec un certificat d’authenticité. Ce fut un succès commercial instantané, à l’inverse de quelques modèles saugrenus motorisés par un twin vertical mis sur le marché de 1975 à 1983. La version de 1980 que vous voyez ici se distingue de la version originale par son carénage en trois pièces facilitant l’entretien. De plus, l’ancien propriétaire a changé le silencieux Conti pour un 2 dans 1. Ma MHR est une grosse moto, contrairement à ce qu’on peut penser d’une Ducati. Son gabarit se compare plus à une ZX-12 qu’à la MH900 evoluzione mise en marché sur Internet en 2000. Assis dessus, on a vraiment l’impression de la chevaucher plutôt qu’être dedans comme sur les SS « modernes ». Matthias ne roule pas beaucoup avec sa MHR; se promener dans le trafic avec une moto de cette valeur le rendait paranoïaque.
C’est pour cela qu’il l’abrite dans son salon et utilise sa 900SS 1979 pour se balader le long des bayous, ces longues rivières presque stagnantes particulières au sud-est des États-Unis. Il a eu la gentillesse de me laisser faire un petit tour avec son étalon italien. Ayant le même 2 dans 1 que la MHR, elle produisait un son que je qualifierais de « sauvage ». Sans casque (ils sont vraiment dans un pays libre!), déferlant dans les rues de La Nouvelle-Orléans avec cette musique d’enfer, je croyais vraiment que l’escouade SWAT allait arriver… Pourtant, les gens n’en faisaient pas de cas.?tte 900SS descend directement de la première bicylindre en V de Ducati, la 750 Desmo, dotée du fameux système d’activation des soupapes dit « desmodromique », la marque de commerce de Ducati. Tirant profit de la victoire de Paul Smart au Grand Prix d’Imola de 1972, Ducati lança la 750 Super Sport en 1973 (une bébelle valant 40 000$ US aujourd’hui) et la 900SS deux ans plus tard. La SS était vraiment ce qu’il y avait de mieux sur la route et sur les pistes de course durant ces années. Les Japonais disposaient de moteurs 4 cylindres puissants et perfectionnés, mais la maniabilité et le freinage de leurs machines ne faisaient pas le poids face à la belle italienne. Peu pratiques et peu fiables, les 900SS étaient destinées aux sportifs radicaux et aux puristes de la marque. Elles furent fabriquées jusqu’en 1982. À partir de 1979, la Pantah, une sportive moins radicale dotée d’un nouveau moteur V-Twin à distribution par courroie, remplaça peu à peu la virile SS sur les chaines de montage de l’usine bolognaise.
Recherchant une 750SS ’73-’74, Matthias veut vendre ses deux bébés. Il m’a offert la MHR à un prix d’ami impubliable… Mais vous l’auriez sans doute pour 9 000 $ US. Quant à la SS, pour trois mille dollars de moins elle est à vous. Comme les gens disent en Louisiane, il suffit de quelques dollars pour « laisser le bon temps rouler »…
Sébastien Maltais?Lockport, Louisiane