Ciao Bella!
Dans le monde entier, seulement quelques journalistes ont pu essayer la nouvelle F3 de MV Agusta. Et au pays, il n’y en a qu’un : notre collègue Neil Graham. Voici ses impressions.
Je sors de la chicane, je colle l’accélérateur au fond et je passe le rapport suivant quand le compte-tours atteint 13 500 tr/min. Je fais de mon mieux pour essayer de garder à vue Eric Bostrom, un ancien coureur de l’AMA. J’arrive dans un long virage à droite en quatrième. C’est le genre de virage qui demande une implication totale. Il faut avoir confiance en sa machine, en soi et en ses pneus. Tout va bien jusqu’à ce que je réalise que je suis en train de rattraper Bostrom… Mon genou frotte au sol, je roule à une vitesse excessive et il fait 3,5 degrés au thermomètre. Mais les pneus tiennent bon, et moi aussi. Puis, comme je m’en doutais, Bostrom décide d’ouvrir un peu plus la machine et il disparaît hors de ma portée…
Après une longue période de rumeurs et de spéculation, voici enfin la F3 de MV. Et je vous dirai le punch tout de suite : c’est une machine impressionnante. En fait, depuis la résurrection de la célèbre marque, c’est sans doute le premier modèle que l’on pourrait décider d’acheter uniquement à cause de ses performances. Les autres devaient aussi compter sur l’aura et les succès légendaires des Agostini, Hailwood et du conte Agusta lui-même. Cette F3 n’est pas un accessoire de mode – c’est une très bonne moto.
À cause de son moteur tricylindre de 675 cc, on pourrait croire que la F3 est inspirée de la Daytona 675 de Triumph. Et c’est le cas. À la défense de MV, cependant, il faut dire que la firme italienne utilisait déjà des tricylindres dans ses machines de compétition des belles années. Ce genre de moteur fait donc partie de l’héritage historique de MV autant que de celui de Triumph. Mais là n’est pas l’essentiel. La Daytona est une sportive de haut niveau, MV l’a reconnu, et c’est tout à son honneur de nous présenter sa propre variation sur un même thème.
Nous sommes au circuit Paul Ricard, là où a eu lieu la course d’endurance du Bol d’Or pendant des années. Dans les puits, il y a plusieurs Européens, l’Américain Bostrom, et moi-même. On est tous là à taper du pied pour se réchauffer en attendant de monter sur nos machines. Il faisait moins 3 degrés quand nous sommes arrivés plus tôt ce matin, ce qui n’est pas courant dans le Sud de la France. On aperçoit de la neige dans les montagnes environnantes et un des organisateurs nous explique qu’il y a encore du frimas sur l’asphalte dans les parties ombragées du circuit… Puis, tout à coup, j’entends Le Son.
C’est la première F3 qui démarre. Après une trentaine de secondes au ralenti, le pilote tourne l’accélérateur à quelques reprises et les trois échappements se mettent à chanter en concert. Quelle sonorité! Rauque, puissante, très « mécanique », un peu comme le V6 de la Dino 246 que j’ai essayée l’été dernier. Je suis soulagé. Parce que si le son de cette MV m’avait plutôt rappelé le moteur de la Chevy Lumina de mon père, ç’aurait été la cata… Une MV Agusta doit avoir du Son! Ça peut sembler trivial comme considération, mais je suis sûr qu’Adrian Morton, le designer de la F3, est d’accord avec moi.
Adrian Morton est un Anglais bâti comme un garde de sécurité croisé avec une armoire à glace. C’est lui qui a hérité de la tâche ingrate de voir à la conception de la F3. Pourquoi ingrate? Parce qu’il suit les traces du grand Massimo Tamburini. Tamburini a créé la Ducati 916 et la MV F4. Il a ensuite pris sa retraite (sans doute pour aller cultiver des olives ou faire vieillir du vinaigre balsamique en campagne). Grosse commande, donc. Qui plus est, Tamburini travaillait à la façon des grands maîtres d’une autre époque. Il a mis cinq ans pour produire chacun de ses chefs-d’oeuvres et, en plus, il était entouré de serviteurs et de déesses italiennes qui lui apportaient des fruits et du vin. Morton, lui, avait une seule année à sa disposition et quand il voulait un café, il devait aller le chercher lui-même à la cafétéria.
Quoi qu’il en soit, la pression semble avoir eu un effet bénéfique sur Morton parce que la F3 est un mini chef-d’oeuvre. C’est une moto de petite taille – presque comparable à celle d’une 250 deux temps – et elle est belle sous tous les angles. Le plus impressionnante est la vue de trois quarts arrière, du côté droit. On peut imaginer que c’est cette vue qui a convaincu 30 acheteurs canadiens de verser un dépôt à l’avance pour être certains de mettre la main sur une F3. (Des F3 seront aussi disponibles chez les concessionnaires, en juillet, en quantités limitées.) Côté couleurs, je ne vous recommande ni la blanche, ni la noire et grise. Comme le dit Morton, « c’est la rouge et argent qu’il faut choisir! »
Le moteur de la F3 produit 126 ch au vilebrequin selon MV, ce qui est dans la bonne moyenne. Elle pèse 173 kg et ses 1380 mm entre les moyeux en fait la sportive au plus court empattement sur le marché. C’est une machine compacte. Par contre, étonnamment, j’étais à l’aise en selle malgré mes six pieds; je pouvais facilement m’abriter derrière la bulle du carénage et faire des transitions latérales rapides dans les courbes. Cela dit, l’agilité de la F3 ne provient pas uniquement de son format et de sa légèreté. Elle est aussi la seule moto (en dehors des machines de GP) à être propulsée par un moteur à rotation inversée. En tournant en sens inverse, le vilebrequin contrecarre l’effet gyroscopique des roues, ce qui confère à la F3 une grande vivacité.
La F3 offre un choix de trois courbes de puissance pré-établies (plus une à créer soi-même) et un système antipatinage à huit niveaux (une première dans cette catégorie). Compte tenu de notre temps de piste limité, j’ai laissé la puissance toujours au maximum, mais j’ai exploré différents niveaux d’antipatinage. En mode d’intervention maximale, la moto ne patine jamais. En mode minimal, on peut lancer des dérapages en sortant des courbes serrées. Parlant de courbes serrées, il y en a deux que l’on négocie en première vitesse sur le circuit; à cette allure, on percevait une réaction abrupte dans les accélérations en sortie de courbe. J’ai essayé d’utiliser le deuxième rapport (trop élevé), puis j’ai trouvé un compromis en prenant une trajectoire plus fluide et en tournant l’accélérateur plus progressivement. Autre petit pépin dans un tableau parfait : à l’occasion, la boîte de vitesse se montrait rébarbative si on voulait monter les rapports de manière trop agressive – les autres journalistes l’ont remarqué aussi. (On peut contourner ce problème en optant pour l’excellent système d’assistance électronique : il permet de monter les vitesses sans embrayage et sans relâcher l’accélérateur. La moitié de nos machines d’essai en étaient munies et une fois qu’on l’a essayé, on ne veut plus s’en passer.)
J’avoue que j’ai trouvé que la F3 réussit à créer une combinaison séduisante entre le côté parfois un peu rugueux des sportives européennes classiques et l’efficacité flegmatique des 600 japonaises. Le tricylindre au tempérament charismatique de la MV rappelle celui de la Triumph Daytona (la MV semble moins vigoureuse à bas régimes, mais plus enjouée à hauts régimes). L’agilité et la tenue de route rassurante rappelle les meilleures 600 japonaises. Tout cela mis ensemble fait que la F3 (14 495 $) s’impose déjà certainement comme l’une des motos les plus importantes de l’année, et peut-être depuis longtemps.