Yamaha YZF-R1: Traction, sous contrôle

Par Moto JournalPublié le

Yamaha entre dans le bal de l’antipatinage avec un peu de retard. Ça fait plus chic.

Compte tenu de l’immense potentiel technologique des quatre grands manufacturiers japonais, il est surprenant que ce soient les Européens qui aient produit les premiers systèmes antipatinages grand public. À l’origine, l’antipatinage a été mis au point pour les machines de circuit routier, et Ducati a été la première à l’offrir sur un modèle de série, la (dispendieuse) 1098R. Puis, il y a deux ans, BMW offrait son propre système de contrôle de la traction sur une machine à prix compétitif, la S1000RR. À partir de là, l’antipatinage est devenu incontournable et ce n’était plus qu’une question de temps avant que tous les manufacturiers emboîtent le pas.

Chez Yamaha, c’est la R1 2012 qui a l’honneur d’être munie du premier système antipatinage de la firme aux trois diapasons. Le moteur de la R1 fait appel à un vilebrequin dont les manetons sont disposés de manière cruciforme. Yamaha affirme que cela permet d’obtenir à la fois le couple à bas régime d’une superbike à moteur V-2 (lire une Ducati) et la vigueur à haut régime d’un quatre cylindres. Les résultats semblent donner raison à Yamaha : championnat mondial de superbike en 2009, championnats de l’AMA les deux dernières années. (Ajoutons aussi que ce moteur produit une sonorité d’échappement enivrante, à mi-chemin entre celle d’un bicylindre et celle d’un quatre.)

Ce lancement de presse était étalé sur deux jours. Le premier jour, on nous a emmené sur des routes de canyon et dans le désert aux environs de Palm Springs, en Californie. Les paysages étaient magnifiques et la R1 m’a semblée nettement plus confortable que l’ancien modèle dans les bosses et les nids de poule. C’est peut-être en raison du nouveau ressort arrière : plus ferme en début de course, plus souple ensuite. Sur la route, la puissance à bas régime est impressionnante. Dans les embouteillages urbains, le silencieux continue à chauffer passablement les fesses et les jambes, malgré les pare-chaleur redessinés.

Il y a aussi un nouveau témoin lumineux jaune qui clignotait de temps en temps dans le tableau de bord. C’est le système antipatinage qui m’indique qu’il veille sur moi.

L’antipatinage de Yamaha s’appelle Traction Control System (TCS). Il offre 7 ajustements pour le contrôle de la traction (incluant le mode « off »), et trois pour la réponse de l’accélérateur (pour un total de 21 combinaisons possibles).

En position A, la réponse de l’accélérateur à commande électrique est accentuée de 30 % pendant la première moitié de sa course. En position B, la réponse est ralentie de 30 %, sur toute la course. Entre les deux, la position Standard, recommandée pour la conduite normale sur route.

Le TCS tient compte de la vitesse de rotation des roues, du régime moteur, de la position de l’accélérateur et du rapport sélectionné. Quand le système détecte un patinage, il peut réduire la puissance en agissant sur l’ouverture des papillons d’admission, la quantité d’essence injectée et l’allumage.

On peut changer les paramètres du TCS et de la réponse de l’accélérateur en roulant. Par contre, pour désactiver complètement le système, il faut s’arrêter (une recommandation des avocats de Yamaha, à mon avis).

Avec son fort accent japonais, Shin Yokomizo, le chef de projet pour la R1, nous a fait comprendre que la mise au point d’un système antipatinage est un processus long et coûteux. J’ai aussi appris que pour avoir accès à toute la gamme de pignons dont on a besoin en compétition, il fallait changer le système électronique de gestion du moteur pour que le TCS continue à fonctionner.

Le deuxième jour, nous sommes allés au circuit de Chuckwalla. Pour apprivoiser la piste, on m’a suggéré d’opter pour une réponse d’accélérateur normale et de mettre l’antipatinage au maximum. Dans les virages, je voyais le témoin jaune qui clignotait de temps en temps, puis le clignotement s’intensifiait dans les accélérations en sortie de courbe. À part ça, aucune impression d’intrusion si ce n’est que la R1 paraissait un peu moins vive. En mettant l’antipatinage en position 2 (faible intervention), le témoin ne clignotait plus au milieu des virages et il fallait pousser fort pour le faire clignoter en sortie de courbe. Je sentais le pneu arrière qui dérapait un peu, mais pas assez pour commander un patinage et « casser » un virage. Par prudence, je n’ai pas voulu pousser l’investigation plus loin.

J’ai ensuite essayé la moto avec réponse de l’accélérateur en position A et j’ai été surpris des résultats : pas d’augmentation perceptible de la puissance ni de la fréquence de clignotement du témoin TCS. Pas d’augmentation des dérapages en milieu de virage non plus, ni du patinage dans les accélérations en sortie de courbes. Autrement dit, en conduite sur circuit, par temps sec, le système antipatinage semble avoir un impact plus marqué sur la machine que le choix du mode de réponse de l’accélérateur.

Le circuit de Chuckwalla est intéressant et bien conçu, mais il convient sans doute mieux à des machines de classe 600. Avec la R1, j’ai surtout roulé en deuxième, troisième et quatrième, mais cela ma permis de voir qu’elle s’acquittait des transitions rapides avec aplomb. Pendant mes derniers tours en piste, Josh Hayes, le champion actuel de Superbike de l’AMA, nous a fait une visite surprise. Il a eu l’amabilité de me laisser rouler juste derrière lui. C’était vraiment fascinant de l’observer de si près pendant qu’il faisait déraper son pneu arrière virage après virage.
 
Les meilleurs systèmes antipatinage sont ceux dont les interventions semblent les plus naturelles. Le TCS de Yamaha réduit la puissance de manière presque imperceptible (pour le pilote), ce qui permet de rester bien concentré sur la piste. Sur la route, le système permet d’adoucir le tempérament un peu sauvage de la R1. Il offre aussi une protection contre les conséquences des mouvements intempestifs du poignet droit… On a tous besoin d’un peu de contrôle de temps en temps.

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