Suzuki V-Strom 650 ABS – Compter les moutons

Par Neil GrahamPublié le

La V-Strom est douce comme un agneau, jusqu’à ce que surgisse un troupeau…

Ça ne faisait même pas cinq minutes qu’on était en route que déjà un des Français se mettait à faire des folies… Celui avec un casque jaune et des cuirs Skype. Notre guide a été obligé de s’arrêter le long de la route pour le sermonner : « Tu ne peux pas faire ça. Il faut que j’assure la sécurité du groupe. Si je laisse tout le monde agir comme toi, c’est sûr que qu’il va y avoir des blessés. »

Notre guide, c’est Simon Crafar, un ancien coureur. Il nous emmène sur les petites routes du sud de la Croatie. En 1998, Crafar a remporté le GP de Donington Park en classe 500 cc, 11 secondes devant Mick Doohan. Pas le genre de gars qui a peur de la vitesse, donc. Mais là, c’est trop.

Un peu plus tard lors d’un autre arrêt, il m’explique : « On m’avait dit que c’était les British les plus difficiles à gérer. Mais ce n’est pas vrai. C’est les Français! Ils sont incontrôlables! »

Juste après avoir quitté le centre de villégiature Méridien de la ville de Split pour rejoindre la grand route, le Français au casque jaune nous a tous dépassés. On le voyait devant nous faire des zigzags d’un côté à l’autre de la route à haute vitesse. Selon un autre participant Canadien, il roulait autour de 160 km/h, et il essayait de faire frotter ses repose-pieds au sol… « Quand on s’est arrêtés, poursuit Crafar en souriant, je lui criais après, mais il me regardait comme s’il ne voyait absolument de quoi je parlais, genre C’est quoi le problème?. »

Pour cette randonnée de lancement de presse, nous sommes deux Canadiens, Crafar, et quelques Français. Vraiment pas tristes, ces Français! Il y en a deux qui font des wheelie à chaque coin de rue. Sur la route, ils veulent toujours être juste derrière Crafar, et ils n’hésitent pas à nous couper pour maintenir cette position. Alors, quand l’occasion se présente, je dépasse monsieur casque jaune et je m’installe derrière le guide, juste au moment où la petite route commence à devenir plus sinueuse. Dans ma tête, je me dis : si tu veux me dépasser, tu vas travailler pour… »
Quelques virages plus loin, il me dépasse et un peu plus tard c’est au tour de son copain. Les deux Français et Crafar prennent un peu d’avance et j’essaie de les garder à vue. Je me penche vers l’avant et je pousse la machine, les repose-pieds frottent le sol à quelques reprises. Dans un virage, la V-Strom dérape de l’arrière, et la scène se reproduit un peu plus loin. Mais ce n’est pas parce que je suis particulièrement courageux ou téméraire, c’est parce que l’asphalte est de mauvaise qualité et qu’il est glissant par endroits.

Je décide de ralentir un peu. Je jouerai à suivre un Français une autre fois (et je réussirai bien à me mettre dans trouble un peu plus tard…). Au prochain arrêt, Crafar commente : « Le grand virage à droite, là-bas? Moi aussi j’ai dérapé. Et j’ai entendu les Français dire qu’il leur est arrivé la même chose. Je pense que tout le monde a glissé à cet endroit-là. »

Mais personne n’est tombé, malgré les dérapages, les repose-pieds qui font des étincelles, les wheelie et les pointes à 160 km/h. La V-Strom 650 est vraiment solide et stable sur ces routes. On oublie presque complètement qu’elle s’affiche comme une double-usage avec sa roue avant de 19 pouces et son long empattement (1560 mm). Et c’est très bien comme ça parce que la V-Strom a un fort penchant pour le bitume.

D’ailleurs, à la soirée de présentation, les représentants de Suzuki nous avaient clairement expliqué que la nouvelle V-Strom 650 ABS vise le marché du tourisme d’aventure et qu’on a voulu en faire une machine confortable. Assis sur des fauteuils Fatboy (vous savez, les sacs remplis de billes…), nous avons écouté les gens de Suzuki poursuivre en disant que la V-Strom était plus puissante, moins énergivore, plus écologique et qu’elle offrait à la fois une meilleure protection contre le vent et une meilleure aération pour le pilote. Un des Français n’avait pas l’air du tout convaincu de ce dernier point : km après km il roulait debout sur les repose-pieds, dans les bouts droits comme dans les courbes. J’ai cru que c’était une nouvelle tendance branchée, directement issue des rues de Paris, mais non, c’est juste qu’il voulait se rafraîchir…

Nos V-Strom d’essai ne sont pas toutes équipées de la même façon. Certaines ont trois valises d’aluminium à l’air costaud avec leurs coins carrés et leurs renforts. D’autres ont des valises au look plus urbain : pour le peu que j’ai pu les essayer, elles fonctionnaient bien et semblent bien conçues. Nous avons aussi des modèles de base, et d’autres avec un pare-brise de tourisme muni d’un déflecteur supérieur, ajustable manuellement. Il est assez facile à déplacer mais, au plus haut ou au plus bas, j’ai la tête qui oscille dans le vent à 130 km/h. Je préfère le pare-brise de série – il n’engendre pas ces turbulences.

Suzuki offre une gamme d’accessoires pour renforcer le côté tourisme d’aventure de sa plus petite V-Strom, notamment une sortie 12 Volts, des rallonges de rétroviseurs et un choix de selles pour abaisser ou relever l’assise de 20 mm. J’ai surtout roulé sur le modèle de base. Avec le modèle muni de valises latérales et centrale de style urbain, j’ai remarqué un petit louvoiement à haute vitesse, sans doute causé par les forces aérodynamiques sur la valise centrale vide. Rien d’inquiétant, je n’ai pas eu à ralentir pour cela.

La plupart du temps, nous roulons sur des petites routes en lacets qui serpentent dans les collines. Dans cette partie du pays, il y en a beaucoup et elles sont très agréables. Nous traversons aussi des petits villages et des plaines sèches et poussiéreuses. Il y a parfois des petites sections en gravier faciles à franchir mais dans l’ensemble, les routes sont bien pavées. J’aimerais bien retourner en Croatie un jour, peut-être encore avec un ancien pilote comme guide – mais sans les Français…).

Les plus grandes routes sont longues et rectilignes et elles sont empruntées par une variété d’autos et de camions européens étroits et hauts. Elles sont en bon état et ressemblent à nos routes (en mieux entretenues…). C’est là que nous faisons nos essais de vitesse maximale. Souvent, nous roulons presque deux fois plus vite que les automobilistes et nous n’avons pas vu une seule auto de policija. Crafar dit que la V-Strom de base plafonne à 201 km/h, mais je réussis à atteindre 205 au compteur, au fond en sixième (par contre, il se peut que l’indicateur soit un peu optimiste).

Crafar roule sur un ancien modèle avec valises, ce qui permet de faire des accélérations comparées avec un des nouveaux modèles, avec valises aussi. Il roule côte-à-côte avec un des Français, à 100 km/h, et je les suis. Au signal de Crafar, les deux mettent l’accélérateur à fond. À tous les coups, la nouvelle machine passe lentement mais sûrement devant l’ancienne. Une fois, je me suis placé à côté d’eux et nous avons fait le test à trois de large. C’est ma machine, sans valises, qui a pris les devants.

À l’heure du midi, nous nous arrêtons dans un vieil immeuble de pierre qui ressemble à un ancien monastère. Des femmes nous apportent de grands bols de salade et d’immenses assiettes remplies d’agneau rôti. Je n’aime pas trop l’agneau et encore moins les moutons. J’y goûte, mais je mange surtout de la salade – vraiment excellente. Puis nous reprenons le chemin des routes en lacets.

Je suis à l’aise avec la nouvelle V-Strom maintenant. J’ai essayé l’ancien modèle de Crafar pendant un petit moment et je vois la différence quand je reprends le nouveau. Il semble plus doux, le moteur monte en régime plus facilement, la tenue de route est plus légère et plus incisive; même la selle semble plus confortable comme l’affirment les gens de Suzuki. La suspension est plutôt souple et la fourche s’enfonce beaucoup quand on applique le frein avant, mais la conduite demeure fiable et précise. Même après plusieurs heures en selle, je ne sens pas d’inconfort dans aucune partie de mon corps. Je dirais que la différence entre l’ancienne et la nouvelle V-Strom n’est pas marquée, mais qu’elle est bien perceptible. La nouvelle est meilleure, mais l’ancienne était – et demeure – une bonne moto.

Zooooom. Les deux Français me dépassent encore pour rejoindre Crafar et ils prennent de l’avance. Ces gars-là sont vraiment rapides. Il y a aussi un troisième Français, très rapide également, mais un peu moins excessif que ses compatriotes, et nous roulons parfois ensemble. Je le suis sur les petites routes étroites et dans certains cas nous devons presque nous immobiliser tellement les virages en épingle sont serrés. Je remarque que mon contrôle de l’accélérateur est saccadé et que la moto sautille quand je tourne la poignée en première vitesse en sortant d’un virage à 150 degrés. Je suis content de réussir à suivre ce pilote. Je maintiens une distance de 15 ou 20 mètres. À un moment, la route tourne en descendant puis il y a une petite montée. Juste avant d’arriver en haut, mon compagnon applique les freins subitement. Je roule juste une seconde derrière, et je suis concentré sur ma position et sur la conduite. De sorte que j’aperçois un peu plus tard que lui ce qui obstrue la route…
Des moutons. Des moutons partout! Sur toute la largeur de la petite route. Et au milieu, un berger. Un berger qui marche calmement et qui n’a pas l’air de s’inquiéter du tout de voir approcher deux motocyclistes qui roulent à fond de train. Ses moutons le protègent… J’écrase le levier de frein avant et je bifurque à gauche pour éviter mon copain Français. Je sens le système ABS qui fait son travail : il permet à la roue avant de rouler même quand elle approche du point où on croit qu’elle va commencer à déraper. Pendant un instant, je me dis que l’ABS ne voudra jamais immobiliser la roue complètement et que je vais me planter. Je frôle l’autre moto, de tellement près que mon clignotant avant, du côté droit, accroche sa valise. Puis ma moto s’arrête enfin, juste un peu devant l’autre. Ouf. Je n’ai pas tué de moutons, ni de berger – je n’ai fait qu’une petite collision avec un Français.

Je reprends la route et nous rejoignons bientôt les autres qui nous attendent un peu plus loin. Crafar a été informé, je ne sais trop comment, qu’une collision avait eu lieu et il est très content de nous voir arriver sains et saufs. Il estime qu’un clignotant brisé (même si c’est un peu dur pour mon orgueil personnel), ça n’a rien de dramatique.

Sur le coup, je ne suis pas d’accord, mais un peu plus tard, en repensant à cet épisode, je vois les choses avec plus de sérénité. L’incident aurait pu être plus grave, et j’ai rarement eu autant de plaisir au guidon d’une moto. La V-Strom 650 ABS m’a impressionnée. Elle est rapide, douce et elle tient la route avec assez d’aplomb pour faire frotter les repose-pieds sur le bitume des petites routes croates. En plus, j’ai vu que son système ABS était très efficace… Dans l’avion du retour, on me remet le carton de déclaration douanière; je ne sais pas trop quoi répondre à la question qui demande si on a été en contact avec des animaux de ferme… Je verrai à cela plus tard, on vient de m’apporter mon repas. Je suis content, c’est du boeuf…

Pour le confort de sa blonde
Un voyage de noces incite le designer à améliorer la selle passager de la V-Strom

Jeune marié, Satoshi Isokari est parti avec sa femme pour un long périple en Suzuki GSF1250. C’est pendant ce voyage qu’il a commencé à prendre des notes sur le confort de la selle pour passager de la Bandit. Isokari est designer et c’est lui le principal responsable du look et des sensations dégagées par la nouvelle V-Strom 650 ABS.

Nous sommes devant l’hôtel Méridien de Split, avec la mer Adriatique derrière nous et une flopée de V-Strom qui nous attendent. Par la voie de son interprète, Isokari explique qu’il a fait de très nombreuses modifications à la selle. En fait, grâce au voyage de noces de M. Isokari, la selle du passager de la nouvelle V-Strom a été revue dans toutes ses dimensions. Ce qui devrait avoir un impact sur la quatrième – le temps – parce qu’on peut rester en selle plus longtemps selon le designer (et selon sa femme aussi, supposons-nous).

Isokari a 36 ans, mais il a encore l’air un tout jeune homme. Il compte 13 ans d’expérience comme concepteur moto. Il a travaillé sur la Bandit 1250 et la B-King avant de s’attaquer à la V-Strom pour sa refonte de dixième anniversaire.

Le concept d’ensemble de la 650 a été défini par le bureau chef de Suzuki au Japon, puis la conception a été réalisée en collaboration avec le bureau de design européen de Suzuki. Isokari explique qu’il a suivi le processus de très près, des premières esquisses jusqu’aux moulages finaux. Son objectif était de créer une V-Strom à l’allure plus légère, plus sportive, plus invitante, bref « de faire en sorte que les motocyclistes aiment cette moto ».

Isokari dit qu’il n’a pas cherché à s’inspirer de la Triumph Tiger 800 ou de la BMW F800GS pour la nouvelle V-Strom. Il voulait améliorer le modèle précédent pour le rendre plus confortable et mieux adapté aux longues randonnées de mototourisme. Et il espère, bien sûr, que les passagers apprécieront particulièrement le confort de la selle arrière. 

 

Glisse 101

Grâce à un cours de conduite hors route, Thornton dérape gaiement sur les routes croates

L’invitation de Suzuki était claire. Il s’agissait d’une randonnée exigeante et seuls les pilotes chevronnés seraient acceptés à ce lancement.

Je n’en savais pas beaucoup plus. Alors j’ai imaginé que nous aurions à rouler dans des paysages lunaires parsemés de roches immenses, à traverser des ponts faits d’un unique tronc d’arbre abattu, à franchir des mers de boue remplies d’ossements. C’était ma vision de la Croatie. Pour me préparer, j’ai donc décidé d’aller suivre des cours de perfectionnement en conduite hors route. J’ai choisi une Yamaha double-usage de 230 cc et j’ai suivi mon instructeur sur un terrain où on ne voyait pas le sol…

C’est un peu stressant de diriger sa roue avant dans des herbes qui cachent la surface de roulement. J’imagine que c’est comme piloter un avion dans le brouillard, mais en plus dangereux. Finalement, je roule quand même, la roue avant monte et descend au gré des obstacles que je ne vois pas, mais ça va.

Plus tard, l’instructeur nous emmène en forêt. Les chemins sont sablonneux, couverts de feuilles et il y a des ornières, mais nous roulons de plus en plus vite à mesure que la journée avance. Et, curieusement, je me sens de plus en plus confiant. Je réalise qu’une moto qui dérape ne tombe pas nécessairement…  Je constate aussi qu’on peut la faire pencher même sur un sol meuble et instable, et qu’on peut continuer à avancer avec sérénité en contrôlant bien l’accélérateur.

Avec la conduite hors route, j’ai découvert un autre monde. J’ai appris à donner un coup sur le frein arrière pour provoquer un virage. J’ai appris à me mettre debout sur les repose-pieds pour passer par-dessus un tronc d’arbre (c’est l’équivalent de mon rêve de franchir un pont fait d’un tronc unique, sauf que l’arbre était dans l’autre sens et qu’il n’y avait pas de cascade mortelle en dessous). J’ai appris à déplacer mon poids vers l’arrière pour faire une longue descente, tout en faisant des zigzags allongés pour croiser les ornières et éviter d’y coincer les roues. En fait, j’ai réalisé qu’on pouvait faire toutes sortes de manoeuvres sans tomber, ni même avoir peur de tomber. Bref, j’ai réalisé que, contrairement à ce que je pensais, la conduite hors route est loin d’être ridicule.

Alors quand j’ai commencé à sentir mon pneu arrière qui dérapait parfois sur le bitume glissant des petites routes de Croatie, je suis resté calme. J’ai simplement poursuivi mon chemin parce que, dans un autre pays et un autre paysage, j’avais apprivoisé les dérapages et j’y avais pris goût. Ça m’a permis d’embarquer dans la course avec un ancien coureur et des Français ultra-rapides. J’aurais bien aimé qu’on croise aussi quelques troncs d’arbre, parce que j’aurais probablement été le seul à savoir comment les maîtriser.

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