Défi Moto unique 2011

Par Moto JournalPublié le

Quatre motocyclistes défendent les qualités de leur moto, et tentent de ridiculiser celle des autres…!

Lors de notre premier Défi Moto unique, nous avions demandé à quatre pilotes de choisir leur moto idéale, n’importe quelle, et de défendre ses qualités. Après un rude combat, nous avions élu la Ninja 250 de notre seule pilote féminine comme gagnante. Elle laissait ainsi dans la poussière la Piaggio-à-trois-roues-qui-penche, la V-Max de 200 ch et la KTM Duke 690.

Cette année, nous récidivons. Mais au lieu de choisir n’importe quelle machine, les participants devaient utiliser leur propre moto et défendre ses qualités. Avec, comme l’an dernier, un zeste d’objectivité, mais surtout une bonne dose de mauvaise foi…!

Les participants étaient les rédacteurs Neil Graham et Derreck Roemer, et les collaborateurs Tim Poupore et Paul Bremner. Les trois premiers avaient participé au défi de l’an dernier.

Nous nous sommes tous retrouvés avec nos montures par un beau matin ensoleillé et frais. Les pilotes étaient plus nerveux que pour le premier défi. Car ils savaient que c’était leur propre moto qui risquait de se faire sévèrement critiquer par les autres, et non pas un modèle prêté, comme l’an dernier. Plus dur pour l’égo…

Commençons par les commentaires sur la BMW K1200LT 2000 de Tim. Après un court essai, Derreck a tout de suite décidé d’ouvrir les hostilités en ajoutant un D à l’appellation de la LT, et de la traiter de LTD. Comme dans Ford LTD… « Une Ford LTD familiale », a-t-il précisé… « L’expérience de conduite en est une de complet détachement avec la machine, et les sensations de la route sont nulles. Pour une familiale remplie d’enfants et de bagages, ça va, mais pas pour une moto. » Il faut dire que Tim utilise sa LT de façon très utilitaire pour parcourir régulièrement une des routes les plus soporifiques du pays (et peut-être du monde entier) : la 401, entre Montréal et Toronto. Ce qui explique aussi l’apparence du pneu arrière de sa BMW : absolument plat sur la bande de roulement, et donc carré sur les côtés… Quant à Neil, après avoir pris quelques virages sur la LT, il a comparé la sensation de conduite à ce qu’on ressent, enfant, quand on incline sa chaise sur deux pattes pendant un cours de maths ennuyant : toujours au bord de basculer…

Tim ne semble pas réaliser que les pneus de motos ne sont pas éternels. Il a déjà parcouru 30 000 km avec ceux-là… Mais Derreck refuse de considérer l’usure des pneus comme circonstance atténuante et il en rajoute : « Quand on roule sur une moto qui se comporte comme une auto au point que ses pneus en deviennent carrés, il est temps de troquer son casque pour un chapeau Tilley, et de rouler sur quatre roues avec des bermudas à pois! »

De son côté, Paul trouvait la LT un peu intimidante à première vue, mais il s’est vite habitué. En fait, il a été conquis dès qu’il a posé les fesses sur la selle, qu’il a comparée à un oreiller. « En m’asseyant, ça m’a pris quelques minutes pour trouver mes repères, nous a-t-il expliqué, puis j’ai vite pris goût au poste de pilotage – il a encore l’air futuriste même si la moto est déjà âgée de 10 ans. » Neil, en sa position d’essayeur gâté par une abondance de motos neuves, était terrorisé à l’idée que les pneus de la LT puissent se délaminer ou exploser subitement. Il a expliqué à Tim que, pour se distraire, il avait beaucoup joué avec le pare-brise à ajustement électrique…  Ce à quoi Tim a rétorqué que la LT était « un cheval fiable, toujours prêt à nous emporter où on veut avec confort et grâce ». Et puis, ajouta Tim, « Ne venez surtout pas m’achaler avec le blabla sur la moto qui nous isole de l’environnement et patati et patata : si vous voulez du vent et du bruit, vous n’avez qu’à baisser le pare-brise et éteindre la radio! ».

La Ducati 916 1995 de Neil. Notre ami Neil semblait irrité parce que personne n’écoutait vraiment quand il a voulu nous expliquer que la 916 n’était « plus tout à fait moderne » et que ce n’était « pas tout à fait une moto de route ». En fait, c’est plutôt une moto de course. « La preuve, a expliqué Tim avec une lueur de vengeance dans les yeux, c’est que le rayon de braquage est ridiculement gigantesque. » Il a même ajouté que la Ducati était « lourdement handicapée » dans le domaine des virages en U. Et que la simple vue d’une entrée de garage en gravier la faisait paniquer. La 916 a aussi d’autres particularités. Par exemple, le système électrique est tellement peu puissant que Neil a dû installer un interrupteur qui permet d’éteindre les phares quand on doit rouler à bas régime ou qu’on est coincé dans le trafic. Il faut aussi absolument s’assurer d’être au point mort avant d’appuyer sur le démarreur. Sinon, la 916 fait un bond en avant et s’écroule sur le côté, ce qui permet à Ducati de vous vendre des pièces de carénage à prix exorbitant. 

« Grâce au vacarme de l’embrayage, combiné à celui des disques de frein flottants à l’avant, on a l’impression de rouler sur le panier d’épicerie le plus rapide au monde » a poursuivi Tim. Quant à Neil, de naturel rusé, il ne nous laissait jamais rouler sur sa 916 pendant très longtemps. Ce qui fait qu’avec sa selle de remplacement mieux rembourrée et son guidon un peu plus haut, la 916 nous a presque paru confortable. Sauf pour Derreck qui a réaffirmé que la position de conduite était intenable. Mais toutes ces observations triviales sur le confort n’ont pas empêché nos participants d’apprécier le charme exquis de la Ducati. « D’une beauté érotique » a dit Tim. La puissance est « immédiate » et le grondement des échappements est enivrant, a ajouté Paul. « Incroyablement viscérale » a concédé Derreck. Quant à Neil, il n’a rien dit – il était simplement soulagé que personne n’ait échappé sa précieuse machine…

La Triumph Tiger 1999 de Derreck. À ce point-ci de notre essai, les participants étaient réchauffés et ils sont devenus encore plus mordants (lire baveux) dans leurs propos… « Commençons par le début, a lancé Paul, la Triumph est horrible. Pour lui donner son look, ils ont probablement engagé des gars à gros bras et ils leur ont donné comme mission de taper dessus avec un bâton jusqu’à ce qu’elle soit assez difforme à leur goût. Quant au carénage, il est plus raté encore. Avec ses deux phares trop rapprochés, le tigre a plutôt l’air d’un chat consanguin et attardé mental, avec les deux yeux dans le même trou. » Puis, dans un élan de délicatesse surprenant, Tim a conclu que s’il avait voulu acheter une Tiger, il aurait au moins choisi une couleur différente. Neil n’a pas fait de commentaires sur le look de la Triumph, mais il faut dire qu’il possède aussi une Norton – jaune.

Cela dit, ce qui a donné le plus gros coup à la Tiger, ce n’est pas son apparence, mais sa suspension, de la même façon que le pneu carré a coulé la béhème. Sans soute jamais entretenue depuis que la Triumph est sortie de l’usine, la suspension n’offrait pratiquement plus d’amortissement. Neil résume bien les sensations : « Avec un raisonnement logique, on se devait de conclure qu’il y avait une roue avant sur la moto, parce qu’elle roulait… Mais on n’avait aucun feedback de la route. »

Tous les pilotes ont cependant apprécié la position de conduite de la Tiger et son tricylindre, un des moteurs les plus agréables de toute l’industrie. Neil a dit qu’il était « doux comme un quatre, mais avec une personnalité de twin ». Paul a aimé le poste de pilotage et le côté robuste comme un char d’assaut de la Triumph.

La Suzuki 650 V-Strom 2007 de Paul. De plus en plus en verve, Tim s’est payé une longue tirade : « La V-Strom est la quintessence de l’électroménager sur deux roues. On lui demande de faire son travail, c’est tout, et on l’oublie tout de suite après. Aucune âme, aucune passion. Paul a beau dire qu’elle est polyvalente, moi je dis plutôt qu’elle ne fait rien comme il faut. En plus, la selle est dure comme du béton. »

Derreck avait pensé acheter une V-Strom avant de finalement opter pour sa Tiger d’occasion. Après son essai sur la Suzuki, il s’est dit qu’il l’avait échappée belle. « Elle manque de puissance à haut régime et la selle est inconfortable. Sinon rien à déclarer, elle ne génère aucune émotion. Je suppose que c’est une bonne machine pour débutants, mais c’est sûr qu’elle ne mérite pas de gagner cette comparaison. » Quant à Neil, après la BMW et la Triumph, il était content de rouler sur une moto avec des pneus non-carrés et une suspension qui fonctionne. Mais il ne débordait pas d’enthousiasme : « C’est une moto efficace, il faut l’admettre. Je suppose que pour quelqu’un comme Paul, qui ne trippe pas mécanique comme nous trois, elle est parfaite. »

Paul n’aime pas qu’on critique sa V-Strom. Alors il avait lui aussi une belle tirade à nous servir. « Ces critiques-là, je les ai entendues trop souvent : pas de caractère, personnalité fade, ne génère pas d’émotions, etc, etc. Bullshit! Tout le monde sait que quand on parle d’une moto avec du caractère et de la personnalité, ce qu’on veut dire en réalité c’est qu’elle a toutes sortes de défauts de conception… Moi, j’aime la V-Strom, elle a un bon moteur, une tenue de route solide et un énorme réservoir à essence. En plus, elle coûte moins de 10 000 $, freins ABS inclus. » Cela dit, après avoir essayé les trois autres modèles de moto, Paul a ajouté quelques bémols à son appréciation : « C’est sûr qu’elle pourrait avoir une meilleure selle, quelques chevaux de plus et un guidon plus ergonomique. Mais pour le prix, elle est presque parfaite ».

Après ces échanges verbaux aussi musclés qu’enrichissants, nous n’avions toujours pas de gagnante. Tout le monde prenait pour sa propre moto… Jusqu’à ce que, coup de théâtre!, Paul abandonne sa très chère V-Strom pour accorder son vote à la BMW. Nous étions renversés. Mais nous avons ensuite compris la raison de cette défection surprenante. Paul avait omis de nous dire que, suite à une opération pour empêcher la prolifération de petits Paul dans l’univers, il éprouvait de vives douleurs dans une région voisine de celle que l’on utilise pour s’asseoir. Et comme la BMW de Tim a une selle particulièrement confortable, il l’a récompensée de son vote. « Pas très professionnel » se sont exclamés Derreck et Neil. « Simple justice céleste » a conclu Tim…

        

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