2 motos, 35 666 kilomètres parcourus
Le tour de la terre : 40 000 kilomètres
Voici un extrait d’une lettre que notre fils Jonathan a publié sur notre blogue, à propos de nous deux, juste avant notre départ : « …alors que nous, les trois enfants quittons progressivement le nid familial, mon père et ma mère ont choisi, cette fois, de partir sans leur progéniture pour visiter des contrées lointaines et inconnues. Après la p’tite vie, l’aventure! Je sais que mes parents s’aiment beaucoup et sauront bien prendre soin l’un de l’autre… »
Qui sommes-nous? Nous aimons la vie, sommes amoureux et complices depuis presque 35 ans. Nous essayons de profiter pleinement de chaque journée de notre vie. Nous sommes des passionnés de la moto, Jacques depuis toujours et moi, depuis plus d’une dizaine d’années. Nous sommes âgés respectivement de 53 et 54 ans.
Du 5 octobre 2009 jusqu’au 17 avril 2010, nous avons roulé exactement 35,666 km. Et le tour de la terre est de 40 000 km! Si nous n’avons pu rouler un total de 40 000 km, c’est que, faute de temps, pour notre retour, il nous a fallu embarquer nos motocyclettes sur l’avion de Buenos Aires en Argentine jusqu’à Los Angeles, Californie. Et de là, nous avons roulé quelques jours dans la neige le long du Pacifique jusqu’à Vancouver et avons traversé le Canada dans la neige encore jusqu’à Gatineau!
Pour moi, se rendre à Terre de Feu, c’est comme « d’aller au bout de la Terre, d’aller au bout de mes rêves! » Oui, c’est un rêve que j’ai depuis que je suis toute petite… aller au bout de la Terre… Depuis plusieurs années, Jacques et moi en avons beaucoup parlé. Et enfin, nous avons décidé de mettre tout en place pour que ce rêve puisse se réaliser, en 2009 – 2010. Jacques a pris la décision de m’accompagner dans ce rêve, et je lui en serai toujours reconnaissante…
Pour nous rendre au bout de la Terre, voici notre itinéraire pour l’aller seulement :
Départ de Gatineau le 5 octobre. Traversée des États-Unis, traversée du Mexique et de l’Amérique centrale (nous nous sommes arrêtés trois semaines au Guatemala pour des cours d’espagnol). De Bogota en Colombie jusqu’à la Terre de Feu en Argentine en passant par l’Équateur, le Pérou et le Chili.
Lundi, 5 octobre, 6 heures du matin, moment du grand départ. On me regardait, on me parlait, mais je n’entendais plus. J’étais déjà partie. Des motocyclistes, surtout nos enfants, nous ont escortés jusqu’à la frontière américaine. Cela m’a permis de « mieux partir! »
Il nous a fallu « quitter » mentalement le confort et la bonne cuisine pour entrer dans une autre existence. Soudain, j’avais envie d’être seule, le vent dans le dos. Avec le père de mes 3 enfants. Maintenant, je sais. Désormais, lui et moi, nous dépendrons l’un de l’autre. Et ensemble, nous roulerons jusqu’à cette terre de l’extrême.
Aux États-Unis, nous avons roulé Shenandoah en Virginie, routes sinueuses se déroulant sur l’asphalte pendant 150 milles. Je suis tout simplement heureuse que nous soyons enfin là. En regardant l’horizon à partir duquel le soleil me traverse le visage, je ne peux m’empêcher de repenser à tout ce qu’il a fallu, uniquement pour que je puisse rouler, côte à côte, avec mon amoureux jusqu’au bout de la Terre.
Sous la pluie, nous avons traversé les bayous de Zachary Richard, nous avons rencontré les Acadiens de la Louisiane. Distance de Gatineau aux frontières mexicaines : 4 109 kilomètres. Au Mexique, c’est vraiment le début d’une grande aventure.
Mercredi 14 octobre, le Mexique, notre première terre étrangère nous ouvre grande ses portes. Tellement grande que nous sommes passés tout droit à la frontière mexicaine. Il nous a fallu revenir sur nos pas! Il faut que je vous dise que juste avant les douanes, tout au long du voyage, nous étions toujours très tendus. Tous les deux.
À chaque pays que nous traversons, nous sommes dépaysés. La plupart du temps. Ensemble, c’est très étrange de vivre cela. Par exemple, lors de notre passage aux douanes mexicaines, ç’a été long, il faisait 110 degrés Fahrenheit. L’humidité est très lourde. À chaque frontière, il faut trouver une assurance pour nos 2 motos, les papiers pour importation temporaire des véhicules, il faut aussi trouver le bureau de change pour la nouvelle monnaie utilisée. Tout cela dans une langue étrangère… l’espagnol.
Après deux mois, nous avions traversé 10 pays. Dans notre portefeuille, cela voulait dire 10 nouvelles monnaies. Dollar américain, peso mexicain, quetzales, colon d’El Salvador, lempira, cordoba, colon du Costa-Rica, balboa du Panama, peso colombien, dollar américain en Équateur et sols pour le Pérou. Nous devions nous adapter et très rapidement.
Parfois, les routes sont encombrées… chèvres, moutons, bœufs, vaches, chevaux, coqs. Sur la route, les animaux ont toujours priorité, les véhicules aussi. Et non, le long des routes, il n’y a pas de clôtures. Ici règne la liberté ou plutôt une sorte d’anarchie douce et paisible. Pour les animaux. Et chez les hommes.
La police, carabine bien accrochée à l’épaule, est partout. Devant les banques, dans les banques, au marché, dans les villages et dans les montagnes. Nous sommes interceptés pour ce qui nous semble être des contrôles routiers, deux à trois fois par jour. Nous n’avons pas peur, au contraire, leur présence nous rassure… Dans les yeux des policiers, on y lit toujours la surprise de nous voir là, sur les routes, désertes, la plupart du temps.
En fait, partout où l’on va, on suscite l’envie et l’admiration. Il faut savoir que sur les routes du Mexique, de l’Amérique centrale ainsi qu’en Amérique du Sud, il est très rare d’apercevoir de grosses cylindrées comme ici au Canada.
Dans la capitale de Panama, au sud de l’Amérique centrale, mon odomètre affiche 9 321 kilomètres parcourus. Nos 2 motocyclettes sont déposées sur un avion-cargo. Jacques et moi prenons l’avion le lendemain pour Bogota, Colombie en souhaitant retrouver nos bolides sur la troisième Amérique : l’Amérique du Sud.
À partir de Bogota, nous roulons inexorablement le long de la cordillère des Andes toujours vers le sud. Au Pérou, pour traverser ce pays dépaysant, nous roulons pendant dix jours entre l’océan et le désert. Un désert qui dure. Que du sable à notre gauche, de l’eau à notre droite.
Au cours de ce périple, des imprévus, il y en a quelques-uns : Jacques a un accident de moto près de Nasca, Pérou, ce qui nous retarde considérablement. Sa roue glisse et dérape sur une trace d’huile fraîche dans les montagnes. Malgré les dommages, la BMW peut encore rouler. Aucune blessure grave, mais des pièces de moto sont à remplacer. Nous devons les faire venir du Canada, car les pièces pour ce type de moto ne sont pas disponibles en Amérique du Sud.
Autre imprévu : au Pérou, notre caméra a été volée ainsi que quelques effets personnels. D’autre part, un policier a abusé de son autorité et nous a réclamé beaucoup plus de pesos que le coût réel. Malgré notre frustration, passagère heureusement, nous continuons notre route.
Nous essayons de passer en Argentine. La mauvaise condition de la route, les problèmes mécaniques, le manque d’essence, et le manque de nourriture après deux jours dans la montagne nous obligent à abandonner nos motos et à revenir à la douane chilienne pour y passer la nuit de Noël. Oups! Nous nous apercevons que notre chambre est en réalité une cellule. Le lendemain, 25 décembre, nous récupérerons nos motos. Pour les détails et images de cet épisode, nous vous invitons à visiter notre blogue www.quebec-terredefeu.org et à cliquer sur « Chili, déc 09 », article « Noël derrière les barreaux ».
Par la suite, nous nous rendons à Buenos Aires sur la côte est pour récupérer les pièces de la BMW. Nous descendons toujours vers le sud.
À 1 034 kilomètres de notre objectif, Terre de Feu, nous sommes, une fois de plus, dans l’obligation de rebrousser chemin. Pour nos deux engins, les vents de l’Atlantique sont beaucoup trop violents. C’est dangereux. Avant de partir, nous avions dit à nos enfants que nous ne ferions rien « à tout prix ». Alors, nous décidons de poursuivre notre voyage bien confortablement assis dans un véhicule européen, un Toyota Land Cruiser, avec un jeune couple de la Croatie, Dajana et Ivan. Quelques jours plus tard, nous avons atteint notre destination ultime : Ushuaia, le bout de la Terre. On y est! Nous sommes le 22 janvier 2010.
Texte écrit et publié sur notre blogue le 22 janvier 2010
Jacques et moi sommes arrivés à notre destination : Ushuaia, Terre de Feu, Argentine. Nous sommes sur la route depuis trois mois et demi et avons parcouru 20 128 kilomètres sur deux roues; les derniers 1 034 kilomètres, nous avons dû les rouler sur 4 roues…
Nous sommes très émus, tous les deux.
Au beau milieu de ces montagnes recouvertes de neige éternelle, dans les minutes qui ont suivi notre arrivée à Ushuaia, au bout de la terre, les trois mois et demi de notre périple se sont peu à peu transformés, dans ma mémoire, en une sorte d’instant unique, d’une grande intensité, pendant lequel j’ai revécu la route.
J’ai remercié Dieu.
J’ai passé 13 frontières. J’ai traversé des déserts, des lacs, des montagnes, des villages, des villes et des cités. J’ai vu des milliers de gens nous saluer sur la grande route, des jeunes, des enfants et des vieux. J’ai roulé sur des routes interminablement droites. J’ai roulé sous des vents violents. J’ai roulé sous une chaleur suffocante. J’ai roulé sous des pluies torrentielles. J’ai roulé au milieu de rafales de sable le long de l’océan.
J’ai vu, entendu l’océan pendant des jours et des jours. J’ai éclaté de rire et j’ai pleuré. J’ai éprouvé la joie, la déception, la tristesse, la peur, le découragement et l’euphorie. J’ai vu la misère. La vraie misère. J’ai entendu le coq chanter. J’ai vu des chiens nous courir après. J’ai vu trop d’animaux morts sur la route. J’ai rencontré des aventuriers. J’ai rencontré des voyageurs, de grands voyageurs. J’ai rencontré de très bonnes personnes de différentes cultures, j’ai croisé d’autres personnes, un peu moins bonnes. J’ai appris.
J’ai réalisé un rêve et je dois maintenant revenir, retourner vers les miens.
Pour devenir, de nouveau, une mère présente pour ses trois enfants, pour retourner faire ce que je dois et du mieux que je le peux.
Je remercie Celui qui nous a protégés au cours de ce grand voyage.
Solange, le 22 janvier 2010
Par la suite, nous sommes revenus récupérer nos motocyclettes à Comodoro Rivadavia, Chubut, Argentine. Nous avons roulé sur la Ruta 40, 1 838 km en remontant vers le nord. C’est la route la plus longue et la plus spectaculaire de l’Argentine. Elle déroule ses 5 000 kilomètres le long de la chaîne des Andes.
Sur le chemin du retour, nous visitons aussi le petit pays de l’Uruguay et les chutes Iguaçu. Ensuite, faute de temps, nous devons retourner à Buenos Aires en Argentine pour déposer une seconde fois nos motocyclettes sur l’avion pour un vol Argentine – Californie. Nous sommes le 15 mars 2010.
Dernière partie de notre voyage : par la route, de Los Angeles, nous longeons la côte du Pacifique jusqu’à Portland, Oregon. Ensuite nous entrons au Canada par les montagnes Rocheuses. Nous arrivons à Fernie, Colombie-Britannique chez notre fils aîné, Louis. Puis traversée du Canada jusqu’à chez nous, Gatineau, Québec. Nous sommes arrivés à la maison le 17 avril 2010.
– Tout au long de notre périple, pendant 180 jours, les personnes rencontrées ont fait une réelle différence sur notre route. LA différence. En fait, ces personnes, que nous appelons nos accueillants et accueillantes, nous les avons trouvées mille fois plus belles que tous les paysages que nous aurions pu photographier.
– Je pensais que ce périple serait un grand « trip de bike… » Ce fut surtout une grande expérience humaine, car nous avons pu nous mesurer à nous-mêmes…
Date d’entrée dans chacun des pays traversés :
• 5 octobre 2009 : Départ de Gatineau (Québec)
• 14 octobre 2009 : Mexique
• 23 octobre 2009 : Guatemala en Amérique centrale
• 26 novembre 2009 : Bogota, Colombie en Amérique du Sud
• 30 novembre 2009 : Équateur
• 5 décembre 2009 : Pérou
• 26 décembre 2009 : Los Vilos, Chili
• 30 décembre 2009 : Mendoza, Argentine
• 22 janvier 2010 : Ushuaia, Argentine (destination ultime)
• 1er mars 2010 : Uruguay
• 15 mars 2010 : Buenos Aires, Argentine
• 16 mars 2010 : Los Angeles, Californie, États-Unis
• 5 avril 2010 : Fernie, Colombie-Britannique, Canada
• 17 avril 2010 : Gatineau, Québec, Canada
Par Solange Beaudoin