Kawasaki ZX-10R: C’est un départ

Par Neil GrahamPublié le

Kawasaki a laissé tomber son équipe MotoGP sur le déclin et s’est tenue en marge du World Superbike durant quelques années. Le constructeur Japonais a misé gros pour revenir dans la course.

Le photographe Harold Edgerton s’est spécialisé dans la capture d’images de précision d’objets en mouvement. Ses photos d’une balle de fusil fendant une carte à jouer ou faisant exploser la chair d’une pomme forcent la contemplation de ce qui est imperceptible à l’œil nu. Ces images représentent la vie capturée à la vitesse de la lumière. Et c’est justement l’œuvre de Harold Edgerton qui me vient à l’esprit alors que je suis dans les premiers instants d’une chute de style highside qui risque certainement de me projeter par terre et de détruire ainsi l’une des seules Kawasaki ZX-10R qui existe.

Cette chute commence dans ma courbe favorite de la piste Road Atlanta. Cette piste, aussi rapide et coulante que Mosport, comporte une sublime courbe vers la droite suivie d’une autre en direction opposée. Le virage vers la gauche est mon préféré et je l’emprunte à grande vitesse avec une confiance sans pareille. Et c’est justement là le problème. En inclinaison maximale, la roue arrière commence à dériver. Puis le pneu change d’avis, colle soudainement, pousse la moto de côté et m’éjecte comme une rôtie d’un grille-pain. C’est à ce moment précis que je me sens comme l’un des sujets de Edgerton : surpris sans gloire dans un instant d’une rare violence. Ma seconde pensée (que j’en ai seulement une deuxième à ce moment prouve que si je pouvais piloter aussi vite que mon esprit peut générer des informations inutiles, je serais effectivement un grand pilote), c’est que c’est qu’il s’agit impossible, car je me trouve sur la moto qui possède le système de contrôle de traction le plus perfectionné du marché.

Puis, tout est fini. Après avoir été propulsé en l’air, mes fesses atterrissent sur le réservoir, glissent avec un bruit sourd sur la selle, mes pieds se replacent miraculeusement sur les repose-pieds et mes mains ouvertes retrouvent les poignées écartées. N’eût été mon cœur battant la chamade, j’aurais pu croire que tout cela n’était pas arrivé. Je reviens aux puits (à 55 mi/h sans plus) pour reconsidérer cet exploit technologique appelé antipatinage.  

Je commence aussi à me sentir coupable de ne pas avoir été assez attentif au briefing de la veille. La tradition des lancements de presse de ne divulguer aucune information technique avant de nous avoir bourré le crâne durant trois heures atteint ici ses limites. Bien que notre présentateur semble un homme raffiné (gentil envers les animaux, actif à son église, ferme mais juste avec ses enfants), sa technique d’émailler son discours de pauses et de questions directes témoigne que, soit il a été professeur dans une vie antérieure ou qu’il se meurt de faire carrière en éducation. Quand je me lève le lendemain, mon esprit est vide et mon estomac est fragile après le repas pris à 23 h la veille. 

Notre souffle se matérialise dans l’air matinal et frisquet pendant qu’un mécanicien de Kawasaki, très direct, nous explique en deux minutes les tenants et aboutissants du système S-KTRC (Sport Kawasaki Traction Control). Il y a trois modes de puissance qui contrôlent le moteur : Full nous donne bien sûr la puissance maximale, Medium ne laisse passer que 75 % de la puissance et Low que 50 %. Avant d’entrer en piste, vous devez aussi sélectionner un réglage d’antipatinage. Le numéro un est le plus discret et est fait pour rouler énergiquement en piste ou sur la grande route. En deuxième position, l’ordinateur intervient davantage qu’en première et cela s’adresse surtout à l’usage routier général, tandis que la troisième position concerne les pistes et les routes humides, ou encore lorsque votre grand-père décide d’essayer votre sportive avant de quitter ce monde. Un interrupteur à bascule sur le bloc de gauche contrôle à la fois la puissance et l’antipatinage, et votre sélection s’affiche sur le cadran à DEL. Ça peut sembler compliqué, mais quand la technologie rencontre le conducteur, tout devient plus simple.

La raison pour laquelle Kawasaki prétend que son système antipatinage est plus perfectionné que les autres, c’est qu’il peut prédire si la traction sera bientôt perdue. Mais révisons d’abord rapidement les bases de l’antipatinage. Tandis que le système de Ducati surveille les roues avant et arrière pour déterminer combien de patinage il peut permettre (ce à quoi BMW ajoute un détecteur pour déterminer l’angle maximal d’inclinaison de la moto), le système S-KTRC de Kawasaki se donne un mandat plus large. L’électronique de la ZX-10R compare la rotation des deux roues (tout comme Ducati et BMW), mais porte en plus attention à la position de l’accélérateur, le taux d’accélération et les révolutions du moteur. Lorsqu’il détecte un glissement de la roue arrière, l’allumage est retouché pour réduire la puissance.  

L’aspect prédictif du système est plus difficile à expliquer. On l’illustre par une animation par ordinateur de la roue arrière au moment de perdre l’adhérence. Tandis que d’autres systèmes non prédictifs coupent abruptement la puissance pour retrouver l’adhérence sur la roue concernée, celui de Kawasaki, selon la vidéo, peut utiliser l’information disponible pour anticiper le moment où la roue perdra l’adhérence. Ainsi, plutôt que de couper simplement la puissance du moteur, l’ordinateur peut la réduire progressivement. Il en résulte une transition pratiquement imperceptible par le pilote. Mais retournons maintenant en piste.

Avec le soleil de Géorgie dardant sur la piste et des pneus à gomme tendre réchauffés, il n’y a aucune raison de se priver du mode Full power. Mais il est plus difficile de choisir le bon niveau d’antipatinage. Le premier niveau, le plus discret, permet les cabrages et les dérapages contrôlés tant que l’élan vers l’avant n’est pas compromis. En montant vers le niveau trois, le système s’assure que les deux roues restent bien au sol et parfaitement alignées.

Je commence avec le niveau 1, mais la combinaison d’une piste nouvelle pour moi, de la tendance de la roue avant à se soulever et de ma relative inexpérience avec l’antipatinage risque de me sortir de ma zone de confort. Passer au niveau 2, puis 3 (ce qui se fait à la volée en sélectionnant le mode et relâchant l’accélérateur) me permet de piloter avec toute la fougue désirée sans craindre que le moindre cabrage se transforme en gros problème.

On parle rarement de la difficulté de l’esprit à se fier à l’antipatinage au point de tordre l’accélérateur sans retenue. Peu importe combien de fois dans le passé je me suis répété que je pouvais simplement ouvrir les gaz au maximum sans craindre de déraper, quelque chose me retient entre la sortie des puits et l’entrée du premier virage. Et ce ne sont pas seulement les pilotes du dimanche, comme moi, qui ressentent cela. Des pilotes professionnels de niveau national qui expérimentent un tel système pour la première fois essaient souvent de doser subtilement l’accélérateur au lieu de le relâcher franchement. Appelons cela l’instinct de survie.

Peut-être à cause de mon expérience antérieure avec les systèmes antipatinages de Ducati et BMW, ou encore de l’exposé détaillé du professeur qui m’a donné confiance en l’électronique, je choisis le niveau trois et je me convertis au culte de l’antipatinage. Au sommet du virage, mon genou frôlant le sol, je tords l’accélérateur et je braque – et me voilà rassuré. Le système S-KTRC est si lisse et invisible que je me surprends à penser que je suis subitement devenu un pilote plus confiant. Mais ce n’est pas vraiment le cas.

Sans souci de dérapage à cause de la vitesse, je peux me concentrer sur autre chose comme les points de rupture, les changements de vitesse et la trajectoire optimale. Je me sens plus détendu, mes temps sont un peu plus courts et surtout, je m’amuse davantage. Mais soudain, je frôle la chute et je reviens à la réalité.

Cette quasi-perte de contrôle résulte d’un angle d’inclinaison trop fort sur le flanc du pneu. Peu après moi, un autre pilote a perdu le contrôle sur sa roue avant dans un virage et a basculé dans le décor. Assimiler ce que l’antipatinage peut faire ou non fait partie de l’apprentissage et, aussi impressionnante que soit cette technologie, ce n’est pas un pilote automatique qui peut conduire la moto à votre place. Mais en surveillant et contrôlant l’un des principaux éléments ayant trait à la conduite rapide sur circuit, cela facilite les choses, tout en restant prudent.

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ZX-10R : À pleins gaz

Une moto, c’est davantage que de l’électronique perfectionnée, et la ZX-10R 2011 est entièrement nouvelle. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que cette monture a été conçue en fonction du système antipatinage. Celui-ci a permis aux designers de relever le centre de gravité par rapport à la mouture 2010. Pourquoi? Une moto avec un centre de gravité plus élevé est plus sujette aux chutes, mais peut changer de direction plus vivement. Si l’antipatinage minimise les risques de chute, les ingénieurs n’ont plus à se soucier de la sécurité – celle-ci est assurée par l’électronique et non plus seulement par le matériel.

Le reste du développement de la ZX-10R relève de l’évolution standard des supersport. Les soupapes d’admission sont plus larges d’un millimètre et s’alimentent par des entrées reconfigurées. Les arbres à cames sont plus durables et faits d’acier au chrome-molybdène et non de fonte comme l’an dernier. Les pistons légers comportent une jupe plus courte et leur rapport volumétrique est de 13:1. On pense généralement que la quête constante de puissance oblige à des techniques de fabrication numériques sophistiquées, mais les pièces de la ZX-10R sont finies de façon traditionnelle à la main. Par exemple, les arbres à cames sont tournés manuellement. Dans une usine japonaise, un technicien se tient à un tour avec une toile d’émeri et polit chaque lobe à la perfection tout en fredonnant une vieille chanson traditionnelle japonaise (pure supposition bien sûr, mais je préfère cela à une chanson pop).

Les coureurs apprécieront la boîte de vitesse de style cassette qui permet de changer facilement les rapports, ainsi que l’embrayage à glissière de série. Les corps de papillon sont plus larges de quatre millimètres à 47 mm et la boîte à air gagne un litre. Le nouveau cadre comporte moins de soudures (« plus agréable esthétiquement », disent les esthètes de Kawasaki) et adopte une géométrie plus radicale pour accélérer sa maniabilité. La fourche Showa possède des pistons costauds, et les freins demeurent les mêmes que l’an dernier (ne vous en faites pas, rien ne clochait avec eux). L’amortisseur arrière, posé verticalement sur la mouture précédente, se situe maintenant au-dessus du bras oscillant, ce qui libère de l’espace sous le moteur pour la préchambre d’échappement.

Pour tenter une expérience, je demande au mécanicien présent de régler les repose-pieds en position basse, soit 15 mm plus bas que la position standard. Bien que cela vise à accommoder les conducteurs à longues jambes, les repose-pieds sont encore assez hauts pour ne pas toucher le sol, pourvu que vous ne laissiez pas traîner vos orteils.

Le tableau de bord à cristaux liquides est bien apprécié avec ses deux modes, standard et course. En choisissant le mode course, l’indicateur de vitesse change pour un indicateur de rapport, et l’horloge pour un compteur de vitesse. Cela informe sur le rapport engagé (c’est bien) mais non plus sur la vitesse de roulement (c’est bien aussi, quoique j’ai réussi à voir affiché 181 mi/h, ce qui m’a fait froid dans le dos).

Bien que les motos pour lancement de presse n’en soient pas équipées, les freins ABS sont une option. Les couleurs offertes sont vert/noir ou tout noir, à des prix variant entre 16 499 $ et 17 299 $ avec freins ABS.  

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