Depuis des années, la marque autrichienne KTM est mondialement reconnue pour ses motos hors route. Avec son implication (et surtout) sa domination des dernières éditions du Dakar, les motos orange se sont attaqué à la route il y a quelques années avec l’introduction de la Duke, mais ce modèle propulsé par un monocylindre ne peut plaire à un large bassin potentiel d’acheteurs.
Avec l’avènement du moteur bicylindre de 950 cc carburé utilisé sur la moto double usage Adventure et par la suite du 990 cc injecté (LC8) développant 115ch, KTM pouvait pousser le concept sur des modèles tels que la Superduke et la Supermoto. Bien qu’amusantes, ces motos n’étaient pas conçues pour les expéditions aux longs cours. À la fin 2008, les photos d’une version carénée et munie de sacoches souples circulaient sur le Web. Le modèle ne fut distribué qu’en Europe, nous devions donc nous croiser les doigts et espérer que KTM Canada l’importe en 2010. Comme nous l’annoncions dans notre numéro de février, le rêve de plusieurs fut exaucé, la 990 SMT faisant son apparition officiellement sur notre marché. La dernière machine autrichienne avec laquelle j’ai pu rouler, la EXC 450 (voir Moto Journal mars 2010) n’étant pas un exemple de confort, et ce n’est pas sa mission de toute façon, je m’attendais donc à beaucoup mieux à ce chapitre. Lorsque je pris possession de l’engin chez Moto Journal, la première chose qui me frappa fut la hauteur de la moto. N’étant pas du gabarit d’un Brett McCormick, placer les deux pieds à plat au sol m’est impossible du haut de mes 5’9″.
Qu’à cela ne tienne! La moto étant bien balancée et la masse bien centrée, même avec un seul pied au sol elle se pilote aisément à basse vitesse et lors des manœuvres de stationnement. En selle, on se demande quel type de moto nous sommes en train de piloter. La conclusion vient rapidement, la SMT ne faisant partie d’aucune catégorie établie. KTM la publicisant comme étant une moto de sport travel, je la placerais donc seule dans la nouvelle catégorie supermoto de tourisme sportif. Une fois habitué aux dimensions de la bête (en fait, à part la hauteur de la selle, le reste n’a rien de gigantesque), on s’aperçoit qu’elle veut s’amuser en roulant, comme si elle vous disait : « On peut faire du tourisme, mais à la manière de la génération Y. » Ce qui se traduirait par : « Apporte un minimum de bagages et passons par les routes les plus sinueuses possible ». Dès les premiers tours de roue, les bonnes vieilles habitudes réapparaissent, ayant sous-estimé le couple du moteur LC8, je me retrouvai encore une fois éclairant la cime des arbres…
Joueuse la SMT? Je dus me retenir tout au long de l’essai pour garder les deux roues au sol lors de départs sur les deux premiers rapports, l’avant se dérobant à quelques occasions en négociant des bretelles d’autoroutes, le message était clair : tout doux avec la poignée droite! Bien que n’arborant qu’une bande orange sur la partie inférieure du carénage (la version grise n’est pas disponible au Canada), la SMT sait attirer les regards : que ce soit ce pilote de Duke rencontré sur l’autoroute 20 qui se dévissa littéralement la tête sur mon passage ou encore ce septuagénaire qui, dans un stationnement, me lança : « Ça doit être méchant cette affaire-là! » Un pompiste visiblement amateur de motos la détailla et fut très impressionné par ses composantes de qualité. Étonnamment, presque toutes les personnes qui me passèrent des commentaires à son sujet ne s’attardèrent pas à son prix qui se compare presque aux super sportives d’un litre ayant beaucoup plus de technologie. Signe des temps? Le comportement sur l’autoroute à vitesse légale tolérée nous place à un régime moteur situé au début de la courbe de couple du moulin autrichien.
On sent qu’il serait plus à l’aise dans un environnement plus libéral, et je ne parle pas du parti politique… Un V-Twin sportif n’étant pas dépourvu de vibrations, après deux heures de route, un certain bourdonnement me chatouille les mains, rien de majeur, mais assez pour envisager de rouler sur les routes secondaires dès que l’occasion se présente. C’est dommage car le confort offert par la selle est digne de modèles de remplacement haut de gamme. Une selle un peu plus étroite à sa base m’aurait permis de poser les deux pieds bien à plat au sol, mais jamais je n’échangerais le confort de celle-ci pour être à ¼ de pouce plus près du sol. À plusieurs reprises, lors de l’essai, je me suis surpris à évaluer cette moto sur des critères qui ne devraient pas figurer sur la liste d’évaluation si l’on s’en tient à la catégorie dont elle est la seule représentante. Le moteur LC8 produit près de 72 lb-pi de couple mais à 7 000 tr/min, il faut donc garder les régimes entre 4 000 et 7 000 tr/min afin d’éviter des soubresauts du bicylindre à bas régime, ce qui peut s’avérer agaçant à la longue.
Maintenu dans cette plage, le plaisir est assuré, et même bonifié par un beau grondement grave des échappements qui savent demeurer discrets si la main droite est bien dosée. En usage journalier pour se rendre au travail, la SMT ne déçoit pas, offrant plein de détails qui ajoutent à l’agrément de conduite. Elle est dotée de protège-mains pleine grandeur servant à détourner le vent et les débris de toutes sortes (très appréciés lors des matins avoisinant le point de congélation!), les rétroviseurs renvoient une image nette et vaste de ce qui se passe derrière, même si le moteur frôle la zone rouge. Parlant de température, un choix d’affichage sur le tableau de bord permet de vérifier s’il fait vraiment aussi froid qu’on se l’imagine! Dépourvue de jauge à essence, la SMT nous avertit par un voyant lumineux sur le tableau de bord facilement lisible lorsque la réserve entre en jeu. Pour les distraits, un totalisateur identifié à la réserve indique combien de kilomètres ont été parcourus depuis son entrée en fonction (la réserve contient 3,7 litres). Les sacoches semi-souples de série surprennent par leur contenance, bien que de petites dimensions, elles contiendront tout ce qu’il faut pour un week-end estival et comportent une housse pour les rendre plus étanches au besoin.
Le porte-bagage monté lui aussi de série peut accueillir un coffre ou un sac supplémentaire. Fait à noter, bien que faciles à monter/démonter, les sacoches ne sont pas verrouillables en place. Pour une machine ayant une version quelque peu remise à jour du sport tourisme, un peu plus d’espace de rangement serait souhaitable, l’espace sous la selle ne pouvant accommoder qu’une minicanette d’huile pour lubrifier la chaine. L’éclairage du phare, que ce soit en position route ou code, est très satisfaisant, offrant un faisceau large et clair. La béquille de type hors route demande une certaine adaptation pour les pilotes de motos de route comme moi. Il faut se remémorer que celle-ci se trouve sous le bras oscillant et ne comporte pas de rallonge pour aider à son déploiement, mais après une journée tout rentre dans l’ordre…
La procédure de démarrage peut sembler longue comparée à d’autres motos. Bien que la clé de contact soit tournée, une procédure de vérification s’effectue avant de pouvoir appuyer sur le bouton du démarreur, parfois ces quelques secondes paraissent une éternité quand on veut démarrer à la Poncherello de “CHIPS”. De plus, une quantité de fils vient obstruer l’accès à la clé de contact lorsqu’on veut verrouiller le guidon, cela laisse à désirer de ce côté. Par contre, même avec un minimum de temps pour se réchauffer, le moteur ne demande qu’à prendre la route, sans protestation. Sur de courtes distances, l’espace réservé au passager a semblé convenir, aucun ne se disant inconfortable ou ressentant un trop grand dégagement de chaleur provenant des échappements situés juste sous la selle. La qualité des suspensions WP aide aussi au confort. Celles-ci étant réglées aux ajustements de série, je n’ai pas senti le besoin de les modifier, il faut dire que les passagers étaient relativement légers.
Des bosses qui nous font décoller de la selle sur ma Kawasaki Z750 furent avalées sans à-coups. Du côté des freins, les Brembo sont à la hauteur de leur réputation : puissants et modulables, avec un levier ajustable selon la taille des mains du pilote. J’ai souvent lu dans des essais combien les séances de photos pouvaient être une torture pour les pilotes, devant passer et repasser devant l’objectif des dizaines de fois pour obtenir le cliché recherché. Le rayon de braquage étant généralement le facteur irritant lors de ces manœuvres. Ma tâche fut agréablement facilitée par un rayon semblable à celui d’un vélo de montagne. Pour demeurer dans le domaine du hors route, plusieurs pièces semblent provenir directement des motos à pneus à crampons de la marque. Que ce soit le sélecteur de vitesse repliable, la pédale de frein è profil étroit, les repose-pieds au caoutchouc amovible ou encore les leviers de frein et d’embrayage avec portion perforée pour se casser à cet endroit précis en cas de chute (mieux vaut avoir un petit bout de levier que plus de levier du tout!), ces éléments nous rappellent l’héritage supermoto de la SMT. Les pneus Continental ContisportAttack nous soulignent que nous avons affaire à une moto destinée à un usage sur route, leur niveau de traction étant irréprochable sur pavé, mais le sol meuble ne semble pas être leur élément…
Lorsque je redonnai la clé de la SMT à la fin de cet essai qui dura seize jours (moins les jours impossibles à rouler en raison de la neige), je me suis dit que je venais de rouler une pionnière, la première d’une nouvelle race de motos qui ne sont pas juste belles à regarder ou pratiques, une race qui vous accroche un sourire même si vous n’êtes pas de la génération Y. Restera-t-elle la seule dans cette niche ou bien d’autres manufacturiers seront tentés de suivre l’exemple? Contrairement à d’autres incarnations de tourisme d’aventure et supermotard qui ne font que proposer et ne livrent pas toujours la marchandise, la SMT remplit bien sa mission : se faire plaisir au long cours sans souffrir du postérieur!