Un scooter français? Ça ne peut pas être plus exotique qu’une moto italienne, n’est-ce pas?
« Peugot, n’est-ce pas l’équivalent français d’une Fiat? », mentionne avec dédain l’ami d’un journaliste attitré de la revue, après avoir observé une berline présentant un problème de consommation excessive d’essence s’éloigner dans un nuage de fumée noire. Ouch! Peugeot et Fiat (et pourquoi pas Renault tant qu’à y être) sont des marques européennes dont la tentative de pénétration du marché nord-américain dans les années 60 et 70 avait été vouée à l’échec.
Leurs modèles étaient tristement réputés pour leur manque de fiabilité mécanique et leur allure excentrique, et ceux qui les achetaient semblaient être des manifestants anti-automobiles désireux de s’autotorturer afin d’appuyer leur théorie voulant que les autos soient l’œuvre du diable. Mais c’était à une autre époque, tout ça. Aujourd’hui, General Motors et Chrysler courent à leur propre perte tout aussi spectaculairement que la Renault Gordini de mon frère jadis. Fiat et Renault sont des marques bien établies, et le retour de Peugot au Canada avec une gamme de scooters ne prête pas à rire comme autrefois, en fait, c’est tout sauf une farce.
La gamme de scooters Satelis se compose des modèles 125, 125 à moteur suralimenté, 250 et 500, ce dernier faisant l’objet du présent essai. Le scooter de grosse cylindrée se décline en deux versions, et notre modèle d’essai, le Peugot 500 version Executive, répondant à des normes élevées, est pourvu d’un système de freinage antiblocage ainsi que de la caractéristique la plus bizarre que nous ayons observée sur un deux-roues depuis un certain temps : une chaîne de verrouillage intégrale.
Nous avons trouvé cette chaîne tellement étrange (tellement typique de la France!) que nous avons décidé de tester sa résistance à la traction en tirant notre cobaye attitré, notre collègue Uwe Wachtendorf chaussé de ses patins à roues alignées. (Avis aux membres du Conseil canadien de la sécurité et aux admirateurs d’Elmer l’éléphant prudent : il ne s’agit pas du genre d’essai frivole qui vous a mis hors de vous par le passé. Nous avions mis en scène une situation où le pilote retournerait au Satelis portant tout son attirail de conduite et ses patins à roues alignées au moment même où un voleur aurait réussi à retirer le verrou de sa fixation. Le propriétaire courroucé tente alors uniquement de récupérer ce qui lui appartient. C’est le genre d’essai « en situation réelle » que vous ne cessez de nous réclamer.)
La seule faille dans notre raisonnement a été de supposer qu’un petit malfaiteur serait assez ingénieux pour briser la chaîne à l’aide d’une scie à métaux. La chaîne elle-même est plus lourde que l’essayeur Martin Wingate aux jambes minces comme des brindilles. Recouverte d’une gaine protectrice en nylon, elle offre une prise directe sur le hayon et son extrémité de type lasso permet de la passer autour d’un objet de grande taille. Elle est ensuite fixée au scooter grâce à un cylindre accessible sous la selle. L’emplacement du verrou sous la selle peut être difficile à trouver, mais au moins le voyant DEL bleu permet de la localiser. La robustesse de la chaîne est incontestable, mais le Satelis est-il précieux au point de mettre en place de telles mesures de sécurité?
Les renforts prononcés du cadre, ses lignes anguleuses acérées et son fini blanc perle luminescent donnent au Satelis l’allure d’une embarcation pour le ski nautique des années 70. Nous croyons que c’est une bonne chose. Son long empattement procure une tenue de route stable et prévisible en ligne droite ainsi qu’en virage. Le seul bémol concerne une certaine lourdeur ressentie lors des virages en U et des manœuvres à basse vitesse.
Les changements de direction exigent un effort délibéré sur le guidon, selon les normes propres aux scooters, ce qui est un changement apprécié par rapport à la direction vive comme l’éclair de la plupart des scooters et à leur tendance à vouloir « tomber » trop facilement vers l’intérieur des virages. La qualité de roulement du Satelis est généralement adéquate et presque entièrement dépourvue de l’effet de cheval à bascule dont sont souvent affligés la plupart des scooters.
L’espace de rangement sous la selle a une contenance généreuse, c’est le moins qu’on puisse dire. Peugeot prétend qu’il peut contenir deux casques intégraux, ce qui est effectivement le cas. Le Satelis aurait de quoi faire jubiler les passeurs de drogue : il est flanqué de coffres en forme de cube, de boîtes à gants et de compartiments secrets. Il y a même un petit espace de rangement au centre du guidon qui est parfait pour loger une mince feuille de laitue pour la collation du matin!
La démarcation prononcée qui sépare la selle du pilote et celle du passager offre à ce dernier une vue non obstruée au-dessus du casque du pilote. Mais pour la conduite en duo, le Satelis semble mal équilibré. C’est une machine qui se veut accueillante pour le passager car elle est munie de poignées et de repose-pieds qui, sans être des marchepieds, sont plus larges que de simples appuie-pieds.
Le Satelis procure une position de conduite au confort contrasté. La généreuse plate-forme permet de poser les pieds solidement à plat ou de les délier vers l’avant et vers le haut en les inclinant. La selle, qui est recouverte d’un matériel haut de gamme appelé Alcantara, soutient fermement le postérieur et prévient les glissements. Notre principal reproche concerne l’emplacement du guidon. La prise sur le guidon, qui est visiblement abaissé et exceptionnellement large, cause une légère douleur dans le haut du dos. Mais ce n’est pas tout. La faible élévation du guidon fait qu’il entre en contact avec les rotules et restreint l’angle de braquage.
Le Satelis est propulsé par un monocylindre de 497 cm3 à quatre soupapes refroidi au liquide générant une puissance annoncée de 37 ch, et ses échappements produisent le même son qu’un réfrigérateur. Remarquez qu’il vibre plus qu’un frigo mais, sans doute en raison de l’emplacement du moteur situé sous la selle, les vibrations n’envahissent ni les rétroviseurs ni le guidon, seulement la selle. Compte tenu du temps limité passé sur l’autoroute, nous n’avons pu confirmer ou infirmer la vitesse de pointe annoncée par Peugeot de 160 km/h, mais elle se rapproche probablement de cette marque. Nous avons toutefois été enchantés par le pare-brise qui réduit les bourrasques au minimum et permet de regarder au-dessus de la bordure supérieure, notre agencement préféré.
Dire que les freins bénéficient d’un mordant redoutable est un faible mot et un fait irréfutable. Le levier de frein situé sur le guidon droit commande le frein avant seulement lorsque le levier du guidon gauche actionne les étriers aux deux extrémités. La puissance de freinage est aussi brutale que sur une sportive. Une légère pression sur le levier gauche permet d’immobiliser le Satelis 500 avec une telle rapidité qu’on a l’impression de rouler sur du sable. Mais, malheureusement, le système manque de rétroaction. Le levier n’agit pas directement sur les freins; le levier à pression hydraulique agit sur un dispositif de freinage qui, à son tour, actionne les freins au moyen d’un servomoteur.
Le son émis par le servomoteur est le meilleur indicateur de la force de freinage. Le son s’accentue en crescendo à mesure que la pression exercée sur le levier s’accroît. Après quelques essais, nous avons réussi à moduler les freins pour qu’ils produisent le même son qu’une sirène, un exercice tout à fait inutile mais très amusant.
En tant que maxiscooter, le Satelis répond à toutes les attentes. Il est composé de pièces de qualité, propose des solutions de rangement pratiques, livre de bonnes performances, procure un excellent freinage et est doté d’une chaîne d’arrimage suffisamment robuste pour amarrer un navire de ligne. À 10 995 $, s’est un nouveau venu fort intéressant dans le créneau des maxiscooters, particulièrement si vous désirez pimenter votre quotidien d’une légère touche d’excentricité.