Harley-Davidson Forty-Eight: À l’état brut

Par Moto JournalPublié le

Dès que nous avons aperçu le profil de la Sportster Forty Eight, elle nous a immédiatement fait penser aux courses de patins à roulettes. Pas vous?

Nous savons ce que vous pensez. Que le fait d’associer des courses féminines de patins à roulettes à une moto n’est ni plus ni moins qu’une astuce visant à présenter des combinaisons moulantes en nylon déchiré et à imprimé léopard dans Moto Journal. Eh bien, vous n’avez pas entièrement tort! Le malicieux sport des courses de patins à roulettes et la malicieuse moto surnommée Harley-Davidson Sporster partagent une histoire étonnamment similaire.

Quand la Sportster fut lancée en 1957, sa conception était issue du génie technique de Harley-Davidson du milieu du siècle dernier. Les soupapes n’étaient pas situées à côté des cylindres, mais, suivant plutôt la tendance moderne de l’époque, s’enfonçaient au cœur même de la chambre de combustion. C’était une moto effilée, bien pensée et performante. Les courses de patins à roulettes étaient, elles aussi, un sport légitime dans les années 50. Nous avons découvert des films d’époque d’une course (que nous avions à tort appelé une partie, mais avons été corrigés par nos sujets) ayant eu lieu à l’armurerie de la 14ième rue à New York. Son énorme piste inclinée avait été l’hôte d’une course où les prouesses de vitesse et d’athlétisme étaient telles, qu’il était difficile de suivre les changements de position. C’était comme assister à une course de NASCAR, mais sans la présence des Américains du Sud des États-Unis.

Les problèmes en course de patins à roulettes et pour la Sportster de Harley se manifestèrent plus tard. Les deux tirèrent leur épingle du jeu raisonnablement bien au début et au milieu des années 60, mais la Sportster ne tarda pas à connaître son lot de malheurs quand les roadsters britanniques, légers et agiles, réussirent à égaler ses performances, mais plus discrètement. La Sportster faisait figure de brute sans manières aux proportions gigantesques, munie d’un levier d’embrayage horriblement rigide, d’un entraînement primaire suintant continuellement et d’un moteur entièrement fait de fonte qui avait tendance à surchauffer. Mais quand l’ère de la Bonneville et de la Commando amorça son déclin, c’en était fait de la Sportster en tant que machine de performance. La CB750 de Honda finit de l’achever puis, au fil des années 70 et à mesure que la performance des machines japonaises devint de plus en plus dominante, la Sportster aboutit à une impasse. Une très longue impasse.

C’est à peu près à cette époque que la lutte professionnelle connut un nouveau regain de popularité. Et il ne s’agissait pas des épreuves de lutte gréco-romaine qui ont lieu tous les quatre ans aux Jeux olympiques. (Et qui, à notre avis, semble le « sport » le plus tortueux et le plus misérable qui soit. Dans le cadre de nos recherches pour cet article, nous avons visionné la vidéo d’un homme qui semblait se faire bâillonner par le poil des aisselles de son adversaire. Du moins, c’est l’impression que nous avons eue.)

Ce genre de lutte qui jouissait d’une popularité grandissante existait depuis toujours, bien entendu, mais maintenant, elle gagnait la faveur du grand public avec la même vigueur que le virus d’une grippe pandémique. On était loin des ébats homoérotiques des lutteurs gréco-romains entrelaçant leurs corps avec celui de leur adversaire, se débattant, les narines frémissantes, pour leur coller l’omoplate au tapis. Au contraire, la lutte qui avait captivé l’Amérique était digne d’une pièce de théâtre de vaudeville avec comme trame sonore des grognements, des hurlements et des cris wagnériens.

Et ce genre de lutte devint si populaire, qu’elle relégua aux oubliettes des sports moins marginaux. Afin d’éviter de sombrer dans l’oubli, les courses de patins à roulettes se devaient de se réinventer.

Afin de concurrencer les techniques de lutte professionnelle telles que les coups de tête, les smashes avec l’estomac, le tirage de cheveux et les tactiques d’humiliation (incluant se tenir debout sur la tête d’un adversaire en lançant des railleries à la foule), les participants aux courses de patins à roulettes adoptèrent avec succès (selon les cotes d’écoute) un comportement d’enragés. Délaissant la vitesse et la précision, les participants faussement outrés donnaient désormais des claques aux arbitres. Enfants, nous adorions ce genre de spectacle et nous imaginions les enseignants du primaire que nous détestions dans la peau de ces pauvres arbitres sans défense. Comme violence joyeuse, il ne se faisait rien de mieux et, contrairement au hockey, le jeu se prêtait bien à une bonne bataille.

La Sportster suivit son petit bonhomme de chemin jusque dans les années 70, comme un lutteur se relevant du tapis juste avant la fin du décompte jusqu’à 10. Ce qui est le plus triste, c’est que Harley-Davidson laissa tomber ce modèle comme machine de performance. C’était une moto qui n’aurait jamais réussi à être à la hauteur des machines japonaises (ou même italiennes) de l’époque, mais les enthousiastes ont sans doute espéré que Harley aurait pu au moins remplacer ses culasses en fonte par des culasses en aluminium. La Sportster connut plutôt sa période de « la chaîne en or sur une poitrine velue », affichant une bordure dorée sur sa livrée noire et une paire de disques de frein avant d’allure impressionnante, mais en grande partie inefficace.

Les tentatives désespérées entreprises afin d’insuffler un second souffle à la Sportster furent vouées à l’échec. Il y eut tout d’abord le café racer XLCR qui, aux yeux des adeptes de Harley, était tout aussi attrayant que le cruiser Indiana de Ducati pouvait l’être pour les « ducatistes ». Puis vint la XR-1000 à l’allure de moto hors route, qui coûtait une fortune et qui se cherchait désespérément preneur dans les salles d’exposition des concessionnaires (bien que nous désirions mettre la main sur un de ces modèles aujourd’hui). En dernier lieu, il y eut la XLH 883 1986 dotée d’un moteur Evolution. Les jours de la technologie de 1957 et de la fonte, désormais révolus, avaient cédé le pas à l’ère de la Sportster moderne. La nouvelle Sportster (il s’agissait littéralement d’un nouveau modèle) fut propulsée par une économie en plein essor et permit à Harley-Davidson de connaître du succès tant au niveau des ventes qu’en tant que phénomène culturel des 25 dernières années (ce qui ne tient pas compte des déboires que le constructeur américain connaît actuellement, bien entendu).

Mais la réhabilitation et l’assouplissement des manières de la Sportster lui firent perdre son caractère viril. Elle devint une moto de débutant, rien de plus qu’une machine d’entrée dans la gamme des modèles de plus grosse cylindrée de Harley-Davidson. La Sportster, cette supermoto de 1957, était désormais considérée comme une moto de femme. Comme la Miata de Mazda ou comme la nouvelle coccinelle de VW. Mais depuis quelques années, cette perception a commencé à changer.

Quelqu’un chez Harley doit avoir remarqué ce que les admirateurs de la moto savent déjà depuis des années : que la combinaison de pneus minces (selon les normes d’une Fat Bob) et d’un gros moteur confère à la moto une allure sensationnelle. Plus particulièrement, la vue de trois quarts arrière à droite est tout aussi bonne que sur n’importe quelle autre moto. Et avec des modèles comme la 883 Iron de l’an dernier (ne vous inquiétez pas, c’est juste un nom, et non un retour aux pièces en fonte), la Sportster en tant que moto virile et sexy est de retour.

Cette Forty-Eight (dont l’appellation, comme la Iron, n’est donnée qu’à titre d’évocation et non d’information; nous croyons qu’il fait allusion à l’âge moyen des acheteurs) rejette le chrome ainsi que les tons de rouge cerise, de bleu vif et de jaune éclatant de ses prédécesseures pour se parer d’une livrée amincissante et intemporelle.

Avant d’aller nous mesurer aux femmes du Toronto Roller Derby (torontorollerderby.com), nous sommes allés nous mesurer à la rue. En fait, c’est plutôt la rue qui a pris notre mesure. Le train arrière de la Forty-Eight est pourvu d’une paire d’amortisseurs, mais la suspension est tellement rigide que si vous roulez par-dessus un couvercle de trou d’homme (ou couvercle de maintenance pour ceux qui sont nés après 1985), vous pourrez y lire l’année de fabrication qui y est gravée de la même façon qu’un aveugle peut lire le Braille. La fourche est presque entièrement comprimée et n’a pratiquement plus rien à offrir. C’est sans doute le prix à payer pour son allure à faire tourner les têtes.

L’ajout le plus significatif sur la Forty-Eight est l’adoption d’une imposante roue avant à rayons de 16 pouces. Habituellement, les gros pneus entravent la tenue de route, mais soit que le pneu n’est pas assez large, soit que les suspensions dures comme de la roche se moquent du type de pneu utilisé, peu importe la raison, la tenue de route est légère et directe. Les Sportsters sont des motos à l’allure trompeuse : elles ont l’air d’être menues et légères, mais la première fois que vous en relèverez une de sa béquille latérale, vous jurerez que le réservoir d’essence et les tubes du cadre ont été remplis à ras bord de ciment. Un collant posé tout juste sous le jeu de direction sur le tube oblique du cadre donne un indice quant à la raison de sa masse imposante. On peut y lire United Steelworkers of America, et puis on comprend tout. La ferronnerie sur la Forty-Eight s’inscrit dans le cadre du plan de sauvetage du président Obama visant à redresser l’économie américaine qui bat de l’aile, et Harley-Davidson, contribuant avec patriotisme, a utilisé de l’acier d’outillage extra-épais dans le but « de donner du travail à tout le monde ».

Sur une autre moto, nous aurions pu nous plaindre des rétroviseurs inutiles (montés, si vous pouvez le croire, sous le guidon et sous les mains). Nous avons baissé la tête pour essayer de trouver l’angle optimal pour pouvoir nous servir des rétroviseurs, et avons conclu qu’un homme ou une femme de taille moyenne dont la tête se trouverait sous les aisselles approuverait leur emplacement… Mais la raison pour laquelle nous ne nous plaignons pas, c’est que la Forty-Eight est tellement inconfortable, qu’au bout de 50 kilomètres vous n’aurez plus rien à cirer des véhicules qui s’approchent derrière vous.

La selle dure comme la roche s’incline légèrement vers l’arrière de façon extrêmement agaçante, donnant continuellement l’impression qu’on est sur le point de tomber, et se veut le « complément parfait » de la suspension tout aussi rigide. Par un après-midi en début d’été, nous avons parcouru des routes campagnardes pendant près de cinq heures et avons accumulé 190 kilomètres. Et ça a failli nous achever. Nous nous sommes arrêtés trois fois pour avaler un café, quatre fois pour aller au petit coin, deux fois à des ventes-débarras et deux autres fois pour aucune raison en particulier. Toutes les excuses étant bonnes pour descendre de la moto. Les selles qui s’inclinent vers l’arrière sont excellentes pour renforcer les muscles abdominaux, mais exercent une pression excessive sur les muscles des bras et du cou. Autant nous avions hâte d’enfourcher la Forty-Eight, autant nous avions hâte d’en descendre après l’avoir essayée!

Même si nos critiques peuvent sembler dures, voire condescendantes, nous appuyons la décision de Harley de réinvestir dans sa gamme de modèles Sportster. La Forty-Eight, contrairement à la plupart des Sportsters construites au cours des 20 dernières années, est une moto honnête à l’état brut. C’est n’est pas une moto de débutant et ce n’est certainement pas une moto de fillette. En observant Uwe Wachtendorf malmener une Forty-Eight sur une piste aux côtés de pilotes féminins doués qui n’ont rien de fillettes, nous avons eu la preuve que la Sportster, tout comme le sport des courses en patins à roulettes, était bel et bien de retour.

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