Elle possède un bon vieux moteur gorgé de puissance à bas régime, mais ce n’est pas seulement l’accélération de la K dénudée qui vous arrachera la tête.
Nous nous couvrons un œil de la main pour observer la BMW tout en plissant l’autre. C’est alors que nous saisissons ce qui a servi d’inspiration pour la K1300R : c’est une version mécanique à deux roues de l’amante la plus impitoyable de tout le règne animal : la mante religieuse. (La femelle arrache la tête du mâle avec ses mandibules pendant la copulation. Le mâle fraîchement décapité célèbre son mauvais sort en continuant de copuler à un rythme effréné, faisant preuve d’une incroyable abnégation.) Ébranlés par cette image nous trottant dans la tête, nous enfourchons avec précaution l’exosquelette de la K et nous nous installons très lentement sur la selle, en ne lâchant pas des yeux le carénage au cas où il s’élancerait subitement sur nous pour nous dévorer. Et nous souhaitons désespérément ne ressentir aucune excitation monter en nous, car cela signerait à coup sûr notre arrêt de mort.
Si le mélange hétéroclite de pièces en plastique aux formes étranges et de phares asymétriques de la K terrifie nos essayeurs timorés, BMW prétend que c’est juste une moto qui se pilote comme n’importe quelle autre. Cette déclaration nous paraît quelque peu effrontée, mais prenant BMW au mot, nous appuyons sur le démarreur puis décollons.
Aux yeux de l’observateur effrayé, la carrosserie de la K1300R semble être reprise de la K1200R. Le thème de l’insecte sauvage a été conservé, mais après une minutieuse inspection, on s’aperçoit que le concepteur a laissé libre cours à ses traits de crayon. Le carénage de bas de fourche, la garniture du radiateur, les orifices d’admission d’air et les panneaux des phares ont été changés, tandis que les panneaux latéraux du réservoir de carburant sont beaucoup plus profilés afin d’offrir une protection accrue contre le vent pour les jambes du pilote. Pour mieux permettre à la K de se fondre dans les sous-bois, les réservoirs de liquide des maîtres-cylindres des freins et de l’embrayage sont maintenant composés de plastique fumé. Subtil changement s’il en est, mais qui pourrait bien vous sauver la vie. La seule touche de frivolité qui émane de l’extérieur tout de gris vêtu de la K est le logo bleu et blanc de BMW.
Assis dans les confins hasardeux de la selle, la K ne ressemble à aucune autre moto dénudée moderne d’un litre. Tournant le dos à l’empattement compact de ses adversaires, la K affiche un impressionnant empattement de 1 585 mm (plus de 62 pouces) entre les essieux. Situé dans la partie inférieure de la suspension Duolever, le bras longitudinal redessiné (la patte antérieure en jargon d’insecte, et ce que les lecteurs de la revue appellent communément une fourche) permet d’étirer l’empattement par rapport à celui de l’ancienne K1200R, ce qui lui confère davantage l’allure d’une moto d’accélération que d’une sportive.
Le Duolever est désormais fabriqué en aluminium forgé et non plus en acier comme sur la K1200R. BMW mentionne que la géométrie de suspension révisée permet d’accroître l’agilité de la K, tout en conservant la stabilité de son prédécesseur. Et bien que nous appréciions la stabilité dans un monde instable, une plus grande légèreté pourrait nous permettre d’éviter le pire de ce qui nous attend : en bref, s’en tenir aux grands virages rapides et non aux routes en lacet.
Étonnamment, malgré sa taille, la K est chaussée d’un pneu arrière 180/55-17 de série. BMW prétend que ce pneu plus petit que la norme permet d’améliorer la capacité de la moto à s’incliner en virage. Le constructeur allemand a sans doute raison, mais puisque notre moto d’essai est pourvue du pneu 190 offert avec la trousse d’accessoires 1 à 600 $ (qui comprend aussi le pare-brise teinté), nous ne le saurons jamais.
BMW décrit sa K dopée (sa cylindrée étant passée de 1 157 cm3 à 1 293 cm3) comme étant sa moto dénudée la plus puissante à ce jour. Outre le fait de faire le bonheur des compagnies d’assurance, ce gros moulin produit un surcroît de puissance à bas et à mi-régimes, là où ça compte le plus. La puissance attribuée est de 173 ch, en hausse de 10 ch par rapport à la K1200R, et le couple, à 103 lb-pi, gagne également 10 lb-pi. Mais encore plus impressionnant, la puissance maxi est atteinte à 8 250 tr/min, soit 1 000 tr/min plus tôt. Cette augmentation de couple est imputable au nouveau silencieux hexagonal muni d’un volet d’échappement à commande électronique. Le son produit par le pot luisant est plaisant sans offusquer les oreilles. Le seul bémol en ce qui concerne la performance du moteur est une coupure de l’alimentation en carburant qui survient entre 2 000 et 4 000 tr/min et qui entraîne une légère hésitation lorsque les gaz sont ouverts partiellement de façon soutenue, mais le reste du temps, la prodigieuse puissance éclipse ces défauts mineurs. La K permet des accélérations à vous faire sortir les yeux des orbites, lesquelles sont encore plus intenses grâce à sa démultiplication finale de 2,91 (la K1300 S présente une démultiplication finale plus élevée de 2,82). Sans surprise, le fait d’exploiter la poussée impressionnante de la moto produit une consommation peu impressionnante de 6,4 L/100 km.
Fidèle à ses habitudes, BMW a bourré sa K de toute une panoplie de gadgets électroniques. Il fut un temps où les poignées chauffantes démarquaient BMW de la compétition, mais plus maintenant. Offert en option et installé sur notre moto d’essai, le réglage électronique de la suspension (ESA) de deuxième génération de BMW permet l’ajustement de la constante de rappel du ressort de la suspension arrière à la volée, alors que l’ancienne version ne permettait que les réglages en compression et en précontrainte. Sur des routes capables de réduire en miettes les os d’un pilote de sportive, une simple pression du doigt sur un bouton transforme la qualité de roulement de rigide à souple, puis de nouveau à rigide lorsque la surface du bitume redevient plus régulière. C’est un dispositif impressionnant et, à 850 $, qui en vaut vraiment la peine. Un jour, toutes les motos de grande cylindrée seront dotées de ce dispositif en option.
Choisir l’ABS parmi plein d’options constitue toujours une sage décision, et même si l’on ne peut nier son efficacité, le système installé sur la K n’est pas aussi évolué techniquement que l’ABS de course qui équipe la supersportive S1000RR. Nous soupçonnons qu’éventuellement, la technologie dont bénéficie la supersportive sera transmise à l’ensemble de la gamme.
L’ABS n’est pas la seule « caractéristique alphabétique » dans la remarquable trousse de sécurité à 1 900 $ de notre modèle d’essai. Les systèmes de contrôle de la pression des pneus (tire pressure control ou TPC) et de frein antipatinage (anti-slip control ou ASC) se joignent à l’ABS pour produire une moto dont la seule façon de la rendre plus sécuritaire serait de ne jamais la sortir du garage. Le système TPC est une fausse appellation puisqu’il ne fait que contrôler la pression des pneus sans permettre de la modifier. Quand le système ASC est activé (il peut être désactivé), non seulement prévient-il le patinage de la roue arrière, mais aussi le cabrage de la moto. Il ne faut pas le confondre avec le système d’antipatinage à l’accélération destiné à une utilisation sur piste qui permet différents degrés de patinage du pneu.
À l’instar du système KTRC de Kawasaki (MJ février), le système ASC restreint la puissance du moteur lorsque les capteurs décèlent une différence entre les taux de rotation de la roue avant et de la roue arrière. Initialement, le système ASC ne modifie que la séquence d’allumage mais, au besoin, il restreint aussi le débit d’essence au moyen du système d’injection. Dans la pratique, l’entrée en action de l’ASC est davantage ressentie par le pilote que celle du système KTRC de Kawasaki. L’ASC met fin immédiatement à toute bévue résultant d’une utilisation à plein régime, mais dans des scénarios plus réalistes, comme le dérapage de la roue lors d’une ouverture partielle des gaz, son fonctionnement est subtil et ne perturbe pas les forces dynamiques de la moto.
L’instrumentation, qui reprend le thème des phares asymétriques, intègre un large compteur de vitesse, un petit compte-tours et un panneau ACL (qui transmet les informations provenant de l’ordinateur de bord vendu en option pour 215 $). Les jauges analogiques sont beaucoup plus lisibles que les écrans numériques et offrent une touche traditionnelle fort appréciée sur une monture aussi éclatée.
Notre machine était également dotée d’un autre dispositif optionnel : un sélecteur rapide à assistance électrique offert pour 350 $, qui permet de monter les rapports sans débrayer. Ce dispositif est fixé à un système de tringlerie redessiné dont la portée est plus courte que sur l’ancien modèle. Comme nous l’avons découvert dans le cadre de l’essai de la HP2 Sport (MJ mars), ce dispositif est une véritable bénédiction sur la piste, mais à moins de rouler à tombeau ouvert comme sur un circuit, son fonctionnement est quelque peu boiteux. Nous préférons utiliser l’embrayage traditionnel plus léger et progressif et effectuer les changements de rapport nous-mêmes.
La position de conduite de la K est modérément sportive, les repose-pieds étant légèrement plus élevés et les guidons un peu plus abaissés que sur une moto standard traditionnelle. Après quelques heures, la selle devient inconfortable. La moto n’est pas conçue pour favoriser les déplacements longitudinaux. Comme c’est le cas pour la plupart de ses modèles, le constructeur bavarois propose également une selle abaissée, sans frais. Pour la K, la hauteur de la selle en option est abaissée de 30 mm par rapport à la selle standard de 820 mm.
Selon votre point de vue, en abandonnant son système à trois leviers pour des clignotants actionnés avec le pouce gauche unanimement reconnus, BMW a soit (A) capitulé devant les jérémiades des misanthropes, soit (B) enfin arrêté de perpétuer une conception absurde. Curieusement, nous n’avons aucune opinion sur le sujet pour le moment.
La liste des options pour la K1300R est stupéfiante. N’importe quel accessoire, allant des pièces de carrosserie en fibre de carbone à une trousse de premiers soins, peu être ajouté. Désireux de porter aux nues les vertus d’une machine entièrement équipée, BMW a accablé notre modèle d’essai de 4 140 $ d’accessoires en option, ce qui représente suffisamment d’argent pour s’acheter une moto d’occasion décente! Si notre moto d’essai n’avait coûté que les 16 850 $ du modèle de base, nous vous aurions dit qu’il s’agissait d’un prix raisonnable pour ce que vous obtenez en retour. Le problème, c’est que c’est une moto de 20 990 $. Mais c’est toute une moto pour une telle somme d’argent, et son prix ne vaut certainement pas la peine que vous en perdiez la tête, à moins, bien entendu, que vous n’aimiez vos motos un petit peu trop…