Kawasaki Concours 14 ABS: Midnight Blue Express

Par Uwe WachtendorfPublié le

Dans bien des cas, l’écart de prix entre les motos nipponnes et européennes est désormais comblé. Mais est-ce que le nec plus ultra des motos japonaises, comme la Kawasaki Concours 14 ABS, est à la hauteur des montures européennes les plus raffinées?

Si vous êtes trop jeunes pour vous souvenir de la prédominance des horloges clignotantes sur les magnétoscopes des années 1980, tout indique que vous ne serez pas intimidés par la Kawasaki Concours 14 2010. Mais les technophobes ont le choix : soit prendre leurs jambes à leur cou, soit faire comme moi : assumer leur côté technophile.

Un simple coup d’œil à la fiche technique de la Concours 14 suffit pour comprendre que les ingénieurs de Kawasaki sont devenus complètement cinglés. KTRC, K-ACT ABS, KIPASS, ECO, TCBI et VVT ne sont-là que quelques-uns des acronymes qui figurent sur la fiche technique et qui peuvent constituer un véritable cauchemar pour les motocyclistes qui sont plus familiers avec les vis de purge et les manettes d’étranglement. Mais, heureusement, pour ceux qui préfèrent piloter plutôt que programmer, ces paramètres conviviaux signifient qu’ils peuvent démarrer et piloter la Concours aussi facilement que n’importe quelle autre moto. Mais je parle peut-être un peu trop vite.

Quand il a eu vent que les pilotes de la Concours 14 2008 se plaignaient de la chaleur, le constructeur d’Hamamatsu a pris le temps de s’asseoir avec eux et de les écouter. Le problème était causé par la chaleur dégagée par le moteur qui suffoquait les pilotes. C’était à ce point sérieux que Karl Edmondson, de Kawasaki, a admis que si ce problème n’était pas survenu, Kawasaki n’aurait pas eu à réviser son modèle pour 2010, car, autrement, la moto était parfaite telle quelle. Le constructeur japonais a donc entrepris de mettre au point une version améliorée qui, fait inhabituel pour un modèle de tourisme sport, serait lancée deux ans à peine après l’introduction du modèle original.

Me tenant devant le nouveau modèle à Palm Springs, en Californie, je trouve que c’est son apparence qui a subi le changement le plus manifeste. Les renfoncements prononcés du carénage présentent un alignement diagonal fortement marqué, tandis que les orifices élargis sur les côtés témoignent des améliorations d’ordre pratique requises pour dissiper la chaleur du moteur.

Une fois en selle, je suis étonné de constater que la Concours n’est pas aussi imposante que ce à quoi je m’attendais avant de l’enfourcher. Ce qui saute également aux yeux est la façon dont ses 308 kilos ont été dissimulés; elle ne donne pas l’impression d’être une moto pesante. À l’exception des nouveaux pneus et des réglages de suspension révisés, conçus afin d’accroître la stabilité et la tenue de route, le châssis et le moteur à quatre cylindres de 1 352 cm3 du modèle original ont été conservés. La position de conduite est idéale; les repose-pieds et le guidon sont positionnés à la hauteur naturelle des bras et des jambes du pilote, tandis que la selle ferme permet des déplacements longitudinaux. Les changements apportés aux rétroviseurs sont plus subtils, ceux-ci étant relevés de 40 mm afin de procurer une meilleure vue à l’arrière tout en protégeant les mains contre le vent.

Les sacoches latérales rigides, qui sont également reprises de l’ancien modèle, sont faciles à ouvrir et à enlever de la moto, une fois maîtrisée l’utilisation du double verrou. La combinaison du porte-bagages intégrant une poignée pour le passager constitue une autre caractéristique de tourisme pratique, mais le coffret de rangement anciennement situé au milieu du réservoir a disparu. En raison des plaintes formulées par les utilisateurs de sacs pour réservoir, son emplacement a été déplacé sur le côté gauche du carénage.

Parfois, l’ajout de quelques détails peut faire toute la différence. Pour 2010, Kawasaki a ajouté un capteur de température de l’air ambiant à la conduite d’admission d’air du moteur. Au démarrage, l’écran d’affichage initial du capteur est astucieusement bloqué afin que la chaleur émanant du moteur au ralenti ne cause pas de lectures inexactes. Ce n’est que si la moto roule à plus de 20 km/h que l’écran d’affichage se rafraîchit. Lorsque la température sort de la zone de confort, je deviens obsédé quand je conduis des motos pourvues d’un écran d’affichage de la température ambiante, comme c’est le cas aujourd’hui. La chaleur excessive de l’ancien modèle aurait été la bienvenue puisque la température a baissé pour atteindre à peine 5 degrés Celsius. Hélas, en raison du froid, il est impossible d’évaluer si les révisions apportées au système de gestion de la chaleur de la Concours sont efficaces.

Le pare-brise à réglage électrique est une véritable révélation. Généralement, les pare-brise ajustables sont ajustés afin de créer le moins de turbulences possible tout en offrant la meilleure protection qui soit. Mais l’air autour du pare-brise de la Concours s’écoule librement et ne génère aucun bruit, peu importe la position sélectionnée, que j’ajuste fréquemment à la volée selon ce qui convient le mieux à mes besoins du moment. À cinq degrés, je maintiens le pare-brise à la position la plus élevée pour me réchauffer. En conduite à un rythme plus soutenu, j’abaisse le pare-brise pour accroître la visibilité. Quand le moteur est coupé, le pare-brise s’abaisse entièrement et peut être de nouveau réglé à l’une des quatre positions préréglées au moment du redémarrage.

L’impression prédominante transmise par la Concours en est une de puissance raffinée. En aucun temps ne donne-t-elle l’impression d’être trop intimidante. Au contraire, sa livrée de puissance est tellement douce et linéaire qu’elle porte à croire qu’elle n’est pas aussi puissante que ça, quoiqu’un bref coup d’œil à l’aiguille du compteur de vitesse qui se déplace rapidement indique tout le contraire. Le système de distribution à programme variable du moteur, qui ajuste la distribution commandée par arbres à cames en fonction du régime du moteur, contribue à produire une puissance linéaire. Le fonctionnement irréprochable du système d’injection d’essence, combiné à l’absence de vibrations grâce aux doubles contrebalanciers secondaires du moteur, procure un sentiment de contentement encore plus grand au pilote. Enfin, le levier d’embrayage requiert peu d’efforts et les changements de vitesse s’effectuent impeccablement.

L’itinéraire parcouru durant cet essai emprunte des routes de montagne typiquement californiennes au revêtement impeccable, qui montent et qui descendent telles des coulées de lave polies. Les suspensions font montre de souplesse et ne produisent aucun ballotement, et la fourche ne s’est enfoncée qu’une seule fois au passage d’une petite bordure sur le bord de la route. Bien que l’entraînement par arbre Tetra-Lever à quatre leviers de Kawasaki diminue l’effet de soulèvement de l’arrière, le couple abondant du moteur provoque une violente secousse pendant les fortes accélérations et les rétrogradations agressives.

Palm Springs est située dans une vallée renommée pour ses vents. Lorsque les habitants du coin discutent de la météo, ils ne se préoccupent que de la vitesse du vent et non de la température ou de la possibilité de précipitations. Mon arrivée par la voie des airs m’avait donné un aperçu de ce que j’allais expérimenter au sol. Alors que les amortisseurs de lacet tentaient d’atténuer les violentes oscillations de l’avion, la scène au sol semblait tirée tout droit du film Laurence d’Arabie : un jet de sable jaunâtre réduisait la visibilité tandis que les panneaux routiers étaient secoués par le vent. En pilotant la Concours, j’ai dû composer avec des vents similaires, mais celle-ci a maintenu sa trajectoire sans broncher, et ce, même à des vitesses supérieures à 140 km/h. J’aurais simplement souhaité que mon cou soit plus fort, car les bourrasques menaçaient d’arracher ma tête casquée et de l’envoyer dans le fossé comme s’il s’agissait d’un simple ballon.

En réponse aux critiques formulées à l’égard du comportement un peu trop sportif de la Concours originale, le nouveau modèle a été pourvu du système de freinage ABS couplé de deuxième génération de Kawasaki. Bien que l’ABS K-ACT ne puisse être désactivé, il comporte un mode élevé et un mode faible. En mode faible, la force de freinage exercée par le levier de frein avant sur le frein arrière est réduite, procurant une sensation de freinage comparable à celle d’une moto sport. En mode élevé, une plus grande force de freinage est appliquée par la pédale de frein arrière sur le frein avant, ce qui convient pour les pilotes au pied pesant. En passant d’un mode à l’autre, je n’ai observé qu’une légère différence; en mode faible, l’enfoncement du train avant lors de freinages intenses est plus prononcé, tandis qu’en mode élevé, le freinage s’apparente davantage à celui d’une auto où les forces sont réparties également entre chaque roue.

Le fonctionnement du système d’antipatinage à l’accélération KTRC dont est dotée la Concours pourvue de l’ABS est tout aussi efficace. Kawasaki prévient toutefois que le KTRC ne vise pas à procurer des temps de piste plus rapides, mais plutôt à rehausser la sécurité sur chaussée glissante. De façon plutôt ingénieuse, le KTRC n’ajoute aucun poids à la moto puisqu’il utilise les capteurs des freins ABS. Il peut être désactivé au besoin. En me servant du sable profond sur l’accotement, j’ai essayé d’ensevelir la roue arrière jusqu’à l’essieu mais, même en ouvrant les gaz à fond, cela n’a eu pour seul résultat que d’entraîner le clignotement frénétique du témoin du KTRC et le ralentissement de la roue arrière en tentant d’utiliser toute la traction disponible pour faire avancer la moto sans aucun incident. En activant le système par inadvertance, la légère sensation de raté du moteur que j’ai ressentie m’indique que le KTRC empêche le patinage de la roue arrière alors que je suis en pleine inclinaison dans un virage en épingle recouvert de poussière et de sable. Mais la caractéristique la plus remarquable du KTRC est sa douceur de fonctionnement. Contrairement aux vacillements et aux secousses que j’ai expérimentés sur des modèles concurrents, ce système d’antipatinage est progressif, ajustant l’écoulement d’air du moteur, la séquence d’allumage et l’alimentation en carburant en fonction d’une puissance moindre jusqu’à ce que la vitesse de la roue arrière atteigne celle de la roue avant.

Poursuivant son tour de force électronique, la Concours est munie d’un mode écologique qui permet au moteur de rouler en utilisant un mélange d’essence plus pauvre. Les demandes formulées à l’égard d’une plus grande autonomie ont amené les ingénieurs à trouver une façon d’accroître la distance franchissable sans accroître la capacité du réservoir. Mais même Kawasaki ne semble pas convaincu de l’efficacité de son système : un de ses représentants cite une augmentation de l’autonomie de 10 %, tandis que le dossier de presse de Kawasaki indique une amélioration attribuée de 25 %.

Le caractère fonctionnel de la Kawasaki est sans reproche. Ma seule réserve étant son prix de base élevé. En effet, le modèle Concours de base se détaille 18 899 $, mais il n’est pas offert avec le système de freinage couplé, l’ABS ou le système d’antipatinage à l’accélération. Bien que son raffinement, sa qualité de roulement et ses performances en fassent une monture directement comparable à la K1300GT de BMW, c’est quand même tout un choc de constater que le modèle entièrement équipé de 20 199 $ coûte à peine 1 626 $ de moins que la BMW. Et cette dernière est assortie d’une garantie de trois ans comparativement à une garantie d’un an pour la Kawasaki. Mais peut-être que le rétrécissement de l’écart de prix entre les motos japonaises et allemandes ne s’inscrit pas nécessairement dans le cadre d’une pratique d’établissement des prix à la hausse de la part de BMW. C’est probablement le signe que des motos comme la Concours 14 sont maintenant tellement compétentes qu’elles n’ont plus besoin de fonder leur succès sur un avantage en matière de prix.

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Dérapage contrôlé

Uwe a la chance de piloter un rêve devenu réalité : une moto avec laquelle il est impossible de tomber!

Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance de piloter une moto qui ne peut pas tomber. Tout comme d’avoir l’occasion d’en piloter une sur une feuille en plastique lisse recouverte d’une couche d’eau. Afin d’exagérer les conditions dans lesquelles les diverses caractéristiques de sécurité de la Concours 14 entrent en action, Kawasaki lui a posé des roues de stabilisation et nous fait signe de nous diriger vers une aire de dérapage improvisée.

En observant les timides tentatives des autres journalistes visant à provoquer un patinage de la roue sur la surface glissante, j’ai décidé de m’amuser un peu. Je m’élance donc à pleins gaz vers l’aire de dérapage pour voir jusqu’où je peux aller sans avoir à modérer ma lancée. Toutefois, sans l’aide du système KTRC la réponse est, bien entendu, pas très loin. De façon prévisible, dès que la roue arrière entre en contact avec le plastique recouvert d’eau, elle se met à patiner comme un pneu d’auto sur une couche de glace, et la moto oscille violemment vers la droite.

Je maintiens les gaz ouverts en braquant le guidon du côté du dérapage et le spectacle est terminé en l’espace de quelques secondes. J’ai fait une rotation de 180 degrés sur une distance de 4,5 m et je dois couper les gaz pour éviter de faucher les jambes des observateurs avec mes roues de stabilisation. En reprenant la position de départ, je fonce de nouveau à pleins gaz vers l’aire de dérapage, mais cette fois, en prenant soin d’activer le KTRC. Incroyablement, même en pleine accélération, la moto observe une trajectoire parfaitement rectiligne et parvient même à gagner de la vitesse sur la surface ultraglissante.

Se doutant bien que le système KTRC peut créer un sentiment de fausse confiance, les représentants de Kawasaki insistent sur le fait que le système d’antipatinage à l’accélération ne prévient pas les dérapages latéraux. Toutefois, cette expérience démontre clairement que cette technologie permet grandement de diminuer la force critique nécessaire pour provoquer un dérapage latéral.

Un dernier essai sur la feuille en plastique est prévu pour tester les mérites du système de freinage ABS couplé. En passant sur la feuille à toute vitesse, je freine à l’aide du levier et de la pédale de frein aussi fort que possible. Comme je l’avais observé sur la route, les pulsations transmises par le levier et la pédale de frein sont moindres que celles produites par les autres systèmes de freinage ABS, mais il est évident que l’adhérence est nettement réduite. À mesure que la moto ralentit, le train avant se met à décrire un mouvement de va-et-vient, mais pas avant qu’elle n’ait suffisamment ralenti pour que tout danger imminent soit écarté.

À mesure que la technologie électronique deviendra un élément de base de la conception des motos, certains se lamenteront de ne plus retrouver la même simplicité qu’avant. L’attrait envers des motos faciles à comprendre et à réparer est compréhensible, mais à quel prix devons-nous nous accrocher à des composantes dépassées? Le scénario testé dans l’aire de dérapage de Kawasaki démontre qu’un motocycliste assisté de la technologie électronique est davantage en mesure de maintenir sa moto sur deux roues qu’un motocycliste qui ne bénéficie pas de cette technologie. Bien que je sois réticent face au changement, je trouve qu’il devient de plus en plus difficile de défendre mon point de vue. Et après avoir fait quelques vrilles sur une feuille en plastique, je crois que la plupart d’entre vous seraient du même avis que moi.

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