Moto Guzzi surfe sur le thème des motos rétro avec la V7 Classic, dérivée de la V7 Sport des années 1970.
Le monde est parfois bizarre. Comment se fait-il qu’en devenant plus grosses, les motos soient devenues moins confortables pour les pilotes ? Il est vrai que les selles sont généralement meilleures aujourd’hui, mais l’espace pour les jambes s’est réduit, du moins il nous semble. De temps à autre, la mémoire est peu fidèle, mais en pilotant la confortable V7 Classic de Moto Guzzi, nous avons constaté que certaines anciennes idées mériteraient d’être reprises.
Les stylistes de motos rétro ont une tâche délicate, car il n’est pas si simple de créer une moto qui a l’air d’avoir 30 ans. Les possibilités de l’ingénierie moderne font en sorte qu’il est tentant de monter des moteurs puissants qui ensuite requièrent des châssis robustes et des pneus collants. Mais les motos anciennes ont typiquement des châssis très minces et de petites proportions, donc les gros pneus et les moteurs trop puissants peuvent être incompatibles avec le thème. La gamme Sportclassic de Ducati fonctionne bien sur la route, mais il s’agit essentiellement de motos modernes avec un style ancien. La Triumph Bonneville est plus une véritable moto ancienne, mais sa corpulence nuit à sa maniabilité comparativement à son ancêtre. La Sportster de Harley est peut-être la plus authentique des motos dites rétro, ce qui lui donne des qualités (ses proportions et son allure superbes), mais aussi des défauts (elle est un peu trop ancienne, avec des freins sous-performants et une suspension peu raffinée). Comme le prouvent ces exemples, il est presque impossible d’obtenir le juste équilibre de modernité et d’archaïsme — mais la moto qui le montre sans doute le mieux dans ce groupe est celle de la V7.
En la regardant pour la première fois, il est presque impossible de croire que c’est une moto de 744 cm3. Si quelqu’un nous avait dit que c’était une 350 cm3, nous l’aurions cru : alors que d’autres motos rétro ont gonflé, la V7 a rapetissé. Son poids à sec est annoncé à 182 kg (401 lb) mais elle semble plus légère quand on la sort du garage.
En appuyant sur le bouton du démarreur, le moteur bicylindre à culbuteurs de 90 degrés (monté transversalement bien sûr, il s’agit d’une Guzzi d’après tout) démarre avec un faible enthousiasme typiquement italien : il faut que le levier du démarreur soit complètement tiré vers le pilote pour qu’elle démarre. (Les démarrages à chaud ne sont pas difficiles, mais en général, une moto dont le moteur est chaud démarre toujours bien.) Moto Guzzi, parce qu’elle est italienne et offre des moteurs V-twin à 90 degrés, est souvent comparée avec Ducati, mais à tort. Il suffit d’écouter la V7 au ralenti pour réaliser qu’elle émet plus le son d’un moteur à plat BMW que celui plus rauque d’une Ducati. Un essayeur trouvait qu’elle produisait le son d’une Ducati immergée dans une baignoire, une hypothèse que nous avons choisi de ne pas développer… Les bicylindres Guzzi sont silencieux et semblent provenir d’un ancien monde.
En engageant l’embrayage, il est possible d’entendre un faible cliquetis mais ce n’est pas comme la cacophonie rendue par un embrayage à sec Ducati… Le moteur est doux, mais la transmission est incisive. En passant la première à partir du point mort, ce qui fait un « clonk » sur la plupart des transmissions, rien ne se passe de particulier sur la Guzzi. Oui, la première est bien engagée, mais il n’y a pas de confirmation auditive et même si le voyant du point mort a disparu, cela prend du temps pour réaliser que le rapport est engagé. De plus, l’embrayage est très dur. Un peu comme sur les exerciseurs que l’on écrase avec la main, qui étaient utilisés dans les salles de gym de sous-sol dans les années 70, il faut tirer fort sur le levier, chose surprenante car selon notre expérience, les embrayages de la marque sont habituellement doux.
Nous pensons que cela ne vient pas de l’embrayage lui-même, mais peut-être d’un manque de lubrification ou d’un mauvais positionnement du câble, ou des deux : le câble semble en effet un peu coincé. Pendant cinq ans, le nouveau casque rétro Hustler 100 de style un peu militaire est resté perché dans notre garde-robe. Cet achat de 50 $ sur eBay attendait la moto idéale pour faire ses débuts, et dès que la V7 a franchi les portes du garage, nous savions que nous avions la moto idéale pour baptiser ce casque de 40 ans. Quelques instants plus tard, quand une autre « affaire » d’environ 40 ans est passée par là — le rédacteur associé Uwe Watchendorf —, nous savions que nous avions la tête à 50 $ parfaite !
Bien que nous soyons habituellement contre les casques ouverts (tomber sur la route le visage en avant est la première raison, mais se faire sabler les dents par les résidus de la route n’est pas agréable non plus), en adoptant le Hustler 100, nous essayions de recréer le style des années 70, mais nous ne nous attendions pas à ce que Uwe nous donne une version de cette époque. Impressionné par le casque rétro posé sur le rétroviseur de la V7 qui était stationnée dans un pré, Uwe a décidé qu’il ne manquait plus au tableau qu’un homme courant nu dans les hautes herbes. L’homme qui tenait l’appareil photo, le puritain Neil Graham, fut si choqué quand il vit Uwe enlever ses vêtements, qu’il en oublia presque de prendre la photo ! Plus tard, lors du dîner et des différentes conversations, il ne fut jamais fait mention de cet épisode.
La V7 Classic reprend la cylindrée et le style de la V7 Sport, mais si la moto originale, comme son nom le laisse entendre, était une véritable monture sportive pour l’époque, la V7 Classic n’a pas cette prétention. Avec une puissance annoncée de 48 chevaux, la puissance est moindre que sur l’originale, mais l’accélération est tout de même franche et, contrairement à beaucoup d’autres motos plus puissantes, vous pouvez monter les cinq rapports vigoureusement sans tripler les limites de vitesse. Nous avons vu 160 km/h sur le compteur, mais à cette vitesse, le vent gâche beaucoup le plaisir. D’ailleurs, bien que certains estiment qu’il faudrait un sixième rapport, si vous êtes toujours rendu à fond à 160 km/h, vous n’avez probablement pas acheté la bonne moto.
Une puissance et un poids modestes en font une machine idéale pour se rendre au travail et — exception faite de l’embrayage difficile — pour une utilisation urbaine. Cependant, il est surprenant de constater que la V7 est aussi agréable sur les petites routes sinueuses. En plongeant dans les virages, les pneus Metzeler Lastertec de 18 pouces à l’avant et 17 pouces à l’arrière n’offrent pas l’adhérence des gommes modernes, mais vous avez l’impression de piloter une machine à ses limites. En d’autres mots, la V7 transforme une route secondaire en une version locale de l’île de Man.
Au niveau des suspensions, la V7 adhère pleinement au thème vintage. Les deux amortisseurs arrière (ajustables en précontrainte) font un bon travail, mais la fourche est vite dépassée par le mauvais revêtement et le disque avant de 320 mm avec son étrier à quatre pistons. Un freinage puissant porte la fourche en butée et la fait rebondir « comme un marteau-piqueur » selon un essayeur. Le frein arrière est un peu trop puissant et bloque la roue, ce qui a fait déraper ladite roue de travers, mais il suffit d’avoir le pied plus léger. Le système d’injection de carburant Weber Marelli fonctionne sans faute.
La V7 est une meilleure moto que la somme de ces pièces ne le laisserait penser. Elle est bien finie, avec des compteurs élégants et faciles à lire, peu d’accessoires, et n’a pas de radiateur ou de gros pneus qui la dénatureraient. Que son coût soit aussi raisonnable à 9 995 $ pourrait en faire une alternative idéale aux cruisers qui dominent dans cette gamme de prix. Il est dommage que les acheteurs de cruisers soient peu enclins à considérer ce type de moto, car elle est plus confortable, plus agile et plus belle (du moins selon nous, mais c’est une question de goût). Et avec un cardan, elle est aussi facile d’entretien qu’avec la courroie de n’importe quel cruiser.
Mais avant tout, la V7 nous a fait redécouvrir une moto plus polyvalente que la plupart des motos modernes très spécialisées. Elle est agréable à pousser tant sur les petites routes de campagne, qu’à conduire tranquillement à 80 km/h, ou à se faufiler dans le trafic.
L’originale
La V7 Classic est inspirée de la V7 Sport produite de 1972 à 1974, qui est maintenant un objet de collection recherché. Connue comme étant la première sportive de Guzzi à moteur bicylindre en V, la V7 Sport était une bonne évolution de la pataude V7 de tourisme. La transformation principale venait du remplacement du générateur entrainé par courroie entre les cylindres par un alternateur monté à l’avant du moteur, permettant ainsi au réservoir à essence d’être installé entre les cylindres.
L’ancien rédacteur en chef de Cycle Canada, John Cooper a possédé un modèle de 1973 noir pendant plus de 15 ans et s’en souvient comme d’un « rhinocéros qui charge ». « Elle était très compacte mais très lourde, dit Cooper, la suspension était dure et il y avait beaucoup de poids non suspendu. » Néanmoins, les avantages dépassaient les inconvénients. « Le son était absolument superbe, avec un grognement sourd de l’admission. » Mais les motos italiennes, surtout les anciennes, sont plus que seulement des statistiques. « Quand je pilotais, mes genoux étaient appuyés sur les cylindres, et j’avais l’impression qu’elle était vivante. » Alors que beaucoup de motos italiennes ont la réputation d’être fragiles (particulièrement avec un système électrique qui semble dater du moyen âge) Moto Guzzi a une réputation très différente. « C’était le bicylindre en V italien de l’homme réfléchi, affirme Cooper sans modestie, et elle pouvait être très confortable avec ses guidons bracelets ajustables. »
Il fait référence aux ingénieux bracelets de Guzzi, en cou de cygne, qui pouvaient être montés ou descendus, et dont l’angle s’ajustait selon les préférences du pilote.
Malgré ses mérites, Cooper avait finalement décidé de vendre la Sport. « Sa faiblesse majeure provenait du frein avant à tambour, et bien que je fus tenté de la modifier avec des pièces plus modernes de la Moto Guzzi Le Mans, j’ai pensé que j’allais lui faire perdre sa valeur et j’ai décidé de la vendre aux enchères en Floride. » Vers la fin de sa période de production, la V7 Sport était équipée de freins à disque, mais après trois années elle a disparu du catalogue pour être remplacée par la Le Mans en 1976, qui était plus spécialisée. Ainsi, la Le Mans allait devenir le véritable modèle de Guzzi, toutefois, ses lignes angulaires des années 1970 lui donnent un style qui ne plait pas à tous, tandis que les lignes sensuelles de la V7 Sport sont indémodables.
En selle
Conduire la V7 sous un orage depuis le distributeur Moto Guzzi jusqu’à notre bureau n’était pas un trajet idéal pour une première impression. Cela prend du temps pour bien apprécier la V7 — du temps et une belle petite route de campagne, une météo clémente et le Hustler 100. La vue du casque doré et des lunettes roses sur la Guzzi qui négociait les courbes avec le son de son bicylindre était parfaite. Libérée des contraintes urbaines, la moto que je pensais au départ sans intérêt devenait désirable. Bien entendu, la V7 peut se conduire dans différents environnements, mais malgré son apparence, c’est plus un cruiser pour les petites routes. Sur route ouverte, le moteur va bien et la propulse rapidement vers les limites de sa suspension et des Metzeler minimalistes. Une partie de son intérêt vient du fait que ces limites sont rapidement atteintes; si elle était plus performante, ce serait une moto sport et il ne serait plus possible de la conduire à ses limites en respectant les vitesses autorisées.
– Uwe Watchendorf
Je devrais le savoir. Avant de piloter la V7 je pensais que c’était une machine plate sans technologie. Elle avait à peine l’air d’une moto pleine grandeur avec ses pneus minces et ses petites dimensions. (Comment en sommes-nous arrivés à des 750 cm3 si grosses ? En regardant en arrière, cela semblait impossible.) Je ne suis toujours pas convaincu du bien-fondé du style rétro en moto, mais la V7 m’a procuré une agréable surprise. Une position de pilotage bien équilibrée avec des dimensions idéales entre le siège, le guidon et les repose-pieds m’a permis de me promener ou de la pousser, selon mon humeur. Le style de la Guzzi est aussi sans faute, bien qu’elle perde un peu de son lustre une fois à côté de l’originale — pour établir une analogie avec la musique, les motos rétro sont des imitations des classiques; clairement une position difficile. Bien qu’ils ne seront peut-être jamais tentés d’en essayer une, je pense que cette moto serait idéale pour les pilotes de motos aussi diverses que les cruisers de petite cylindrée et les 600 standard; ne soyez pas timides, essayez-là !
– Neil Graham