Harley-Davidson 883 Iron: faire du neuf avec du vieux

Par Neil GrahamPublié le

Où que vous alliez, le temps avance toujours. Sauf chez Harley-Davidson. Mais quelle importance y a-t-il que la Sportster soit la Stonehenge des motos ?

Lorsque vous gagnez votre vie en baignant dans un environnement de motos comme moi, une moto n’a qu’à passer dans ma vision périphérique pour que j’en fasse une identification exacte. Il m’arrive rarement de tourner la tête pour obtenir une meilleure image d’une moto qui passe et il ne m’arrive presque jamais de regarder une nouvelle marque de moto. S’il m’arrive d’apercevoir un modèle classique, je pourrais faire une pause sur le trottoir comme il m’est arrivé de le faire la semaine dernière pour une superbe Bonneville des années 1960, ou, la semaine précédente, de jeter un regard ébahi sur une CB 350 de Honda conduite par un homme vêtu de bottes-pantalons. Au risque de surprendre quelques personnes, l’une des seules motos modernes que je prendrais le temps de regarder est une Sportster de Harley-Davidson.

Cet aveu rend mon secret public. Je pense que la Sportster est une des plus belles motos jamais fabriquées. De tout temps. Avant que vous ne voyiez chez moi un défenseur inconditionnel de tout ce qui est Harley-Davidson (et tenant compte du fait que nous avons récemment affirmé que la Harley V-Rod possédait le meilleur moteur dans le domaine de la moto), je dois confesser un certain degré d’antipathie vis-à-vis la marque et ses partisans. Parti à la rencontre d’un ami arrivant de Suisse la semaine dernière dans un bar, je suis arrivé en avance et me suis assis devant un homme obèse au visage de bébé joufflu vêtu entièrement d’une tenue Harley. Il avait le chapeau, le t-shirt et les bottes. (Il n’avait pas le casque, cependant, et je soupçonne qu’il est arrivé en auto.) Son attitude bourrue envers le serveur (hé, toi, amène-toi ici, j’ai soif !) a seulement attiré l’attention sur son manque de savoir-vivre. La gamme de bières importées l’a rendu perplexe et lorsque le serveur impatient a sauté les plombs et lui a dit « La Molson Export est une bière importée en Angleterre, relaxe Max », j’ai presque avalé ma langue tellement je riais. L’homme, défait, avachi sur son tabouret, buvait encore de la bière domestique légère à mon départ deux heures plus tard.

Évidemment, il n’est pas équitable d’exprimer des déclarations généralisées basées sur un ou même plusieurs milliers d’adeptes. Vous pourriez facilement vous moquer des conducteurs de Ducati, des inconditionnels de KTM et des conducteurs de Gold Wing (et nous le faisons, aussi). Mais on distingue une certaine tristesse chez certains conducteurs de Harley et dans leur dévotion, frisant d’ailleurs l’esclavage, pour cette marque — est-ce une tentative d’éliminer un vide à l’intérieur d’eux-mêmes ? Le fait d’écrire sur les motos est une forme de libération puisque vous cessez de songer aux prix des véhicules ou à qui les conduit ou à ce que vos amis pourraient penser. Parfois, une moto est simplement une moto — imaginez donc ça.

Quand j’étais jeune, l’allure de la Sportster me plaisait parce que c’était la seule Harley qui ne paraissait pas pourvue de pneus de voiture. Je n’ai jamais pu comprendre le lien entre les gros pneus et les motos américaines (et je ne le comprends toujours pas) — depuis quand un gros postérieur est-il désirable ? La Sportster ressemblait davantage à une moto anglaise, avec son moteur étincelant et ses roues bien proportionnées libres d’enjolivures superflues.

Il est difficile de se l’imaginer maintenant, mais la Sportster a déjà été une machine de performance. Depuis son introduction en 1957 jusqu’au milieu et la fin des années 60, c’était une véritable moto de performance. Les critiques de l’époque dénigraient son manque de perfectionnement, un peu de la même manière dont nous nous plaignons de l’ergonomie inconfortable sur les motos sport actuelles — le modernisme a apporté du perfectionnement aux motos, mais la performance a toujours un prix. Alors que les jours de la Sportster en tant que machine de performance sont passés depuis longtemps, elle possède cependant un petit quelque chose dont ne peut se vanter aucune moto actuelle : une continuité liant la toute première machine à chaque Sportster fabriquée au cours des 52 dernières années. Et c’est là la raison pour laquelle elle semble aussi parfaite.

Contrairement à la Bonneville de Triumph et à la Sportclassic de Ducati — une paire de motos souvent groupée sous la même appellation rétro que la Sportster — la Sportster n’est pas rétro. Bien qu’elle ait grandement changé pendant sa vie de production à l’usine, la relation visuelle primaire du moteur aux roues et au réservoir à essence s’est poursuivie sans changement. Pendant que la Bonneville héritait d’un ventre la rendant peu maniable et que la Sportclassic développait les muscles exagérés d’un culturiste d’âge mûr, la Sportster échappait à l’indignité du changement.

Dans la littérature publicitaire, Harley décrit la Sportster en ces termes : « le point de départ pour les choppers et pour la conduite acrobatique de casse-cou des années 1970 », puis on continue en disant que « l’effort d’embrayage doux de la 883 Iron, testée ici, maintient l’esprit rebelle en vie. » C’est une façon de voir les choses. De manière plus précise, ce que la 883 Iron démontre, c’est que Harley est le champion incontesté de la peinture, du revêtement métallique, du revêtement en poudre et des arts de polissage. Chaque année, Harley présente une « nouvelle » Sportster qui est mécaniquement identique à la « vieille » Sportster. Mais un couvercle de moteur qui avait été poli est maintenant noir et ce qui avait précédemment été du chrome est maintenant poli. C’est simple et pourtant, ça fonctionne à merveille !

De raviver le surnom « Iron » est un geste courageux qui donne une idée du niveau de confiance qui règne dans les corridors du siège social de Milwaukee. Le terme Iron fait référence, par association, au matériau déplorablement mal choisi que Harley a utilisé pour garnir les têtes de cylindres des Sportster du passé. Pesant et, au contraire de l’aluminium, résistant à la dissipation de la chaleur, le fer est un matériau que seul Harley aurait eu l’audace d’employer sur une moto fabriquée après la Seconde Guerre mondiale. Dites bien ce que vous voulez de la relation particulière de Harley-Davidson avec la technologie, mais on ne peut jamais l’accuser de succomber à la pression des pairs.

Comme j’empoigne le guidon étroit et soulève la Iron 883 de la béquille latérale, je suis surpris par le poids (256 kg/564 lb) d’une moto à l’allure aussi émaciée. Ensuite je suis étonné de la distance que mes fesses doivent parcourir pour parvenir au siège de 668 mm /26,3 po de hauteur. Harley-Davidson, en abaissant les sièges de plus en plus près de la route, offre à une génération entière d’humains aux jambes courtes le plaisir d’expérimenter la moto.

En effet, si vous êtes de taille normale, vous trouverez sûrement la position de conduite bizarre. J’ai déjà écrit que Harley semble faire d’abord le design de leurs motos et puis, à la toute dernière minute, on réalise que des humains devront les conduire. Il s’ensuit aussitôt la panique puisqu’il faut trouver des endroits où placer les régulateurs de vitesse, les appui-pieds et les leviers de frein. La position de conduite — les bras à l’extérieur, les genoux élevés, le postérieur en bas — au cours de mes premiers kilomètres me rappelle une image lointaine où je m’accrochais au pare-chocs de l’autobus et je me faisais traîner sur un demi-pâté de maisons dans des rues enneigées, jusqu’à ce que les vapeurs étouffantes du diesel me forcent à lâcher prise. Ça m’a aussi fait comprendre pourquoi tous les gens que j’avais vus assis sur une Sportster avaient de si longues coutures d’entrejambes.

Le poids, qui semblait excessif en position d’arrêt, comme s’il était fait de — laissez-moi penser; fer — disparaît dès qu’on atteint la vitesse de croisière. Un étroit pneu de 19 pouces permet une maniabilité légère et le moteur monté sur du caoutchouc se trimbale sur ses appuis mais rien n’atteint le conducteur avant de parvenir à la vitesse de la grand-route. Si vous choisissez de voir la Sportster comme une moto classique que Harley a continué à fabriquer avec des améliorations valables, il devient alors plus facile d’oublier ses défauts. Mais si vous ne la voyez pas avec les yeux de la nostalgie alors elle n’est qu’un anachronisme obèse et sous-puissant qui est plus jeune que le président John Kennedy. Mais vu qu’on est parvenu à blanchir les défauts de Kennedy, pourquoi être si dur avec la Sportster ?

Nous, au magazine, parlons constamment des segments fragmentés de la moto, des motos de randonnée de sport (sport touring), d’aventure, des motos dénudées et des cruisers de puissance. C’est assez pour vous faire croire que chaque machine est dans une catégorie à part. Mais plutôt que d’insister sur le ridicule, je vais faire le contraire et ajouter une autre catégorie qui sied à la Sportster plus que toute autre : c’est la meilleure machine à conduire avec un casque à visière ouverte et des espadrilles le samedi soir ! Je ne suis pas certain de la raison pour laquelle il faut porter des chaussures inappropriées, mais c’est une affirmation que je défends. Ce n’est pas une machine sur laquelle vous devriez avoir une tenue soignée, de la même façon que de porter des rebuts au dépotoir dans une vieille camionnette ne devrait pas nécessiter une tenue étudiée. Si je vivais dans une petite ville et que je me promenais tranquillement entre mon atelier et ma maison, pour un total de 80 kilomètres par semaine, moi aussi, je serais propriétaire d’une telle moto.

Les problèmes surgissent, cependant, si vous devez entreprendre un plus long voyage. Vous vous sentez rapidement à l’étroit et, au-delà de 100 km/h, le moteur dépasse son seuil de fonctionnement en douceur. Pour le reste, tout est adéquat, sans plus. Le frein avant vous évitera d’entrer dans le mur arrière du garage, mais il est vraiment « Harley » dans sa médiocrité (c’est-à-dire médiocrité dans le freinage – rappelez-vous ce fait). La fourche monte et s’abaisse correctement, mais la course de la suspension arrière – peu importe ce que le manufacturier prétend – donne l’impression d’être 5 mm.

Mais, il y a toujours un mais, l’injection d’essence est impeccable et la vibration, à basse révolution, m’a tellement calmé que je me suis presque endormi au guidon. Et il y a la finition. Le noir sur noir sur noir avec des écrous et des boulons brillants me plaît et la finition (appelée denim noir, aussi disponible en denim argenté) devrait durer plus longtemps que la finition noire que Ducati a pulvérisée sur plusieurs Monsters. Quoi qu’il en soit, les éraflures, les égratignures et les bosses semblent plus normales sur une Harley que sur une Ducati. Quelque chose à voir avec les tiges de poussée ?

De la même façon que critiquer une Ducati pour le coût de son entretien, faire une liste des points négatifs d’une Iron 883 telle quelle, à 9 999 $, semble un effort inutile — ce sont les caractéristiques de la machine. Si vous ne l’aimez pas, il existe une d’autres choix. Un après-midi, j’attendais chez le coiffeur et je suis tombé sur un numéro du Time vieux de cinq ans : je l’ai feuilleté avec la sensation excitante d’un homme qui peut prévoir l’avenir !

En levant les yeux, j’ai aperçu une 883 stationnée et j’ai été saisi par l’impression de puissance qu’elle dégageait. Quelque chose dans ce petit réservoir perché sur ces cylindres étroitement montés me donnait envie de conduire jusqu’à mon bar préféré et d’y rester jusqu’à la fermeture. N’ayez crainte, je tituberais jusqu’à la maison et je récupérerais ma moto le lendemain. Et si un autre soûlon gravait ses initiales sur le réservoir ? Pas de problème ! Tout pour avoir une bonne histoire à raconter ! Si vous espériez lire un compte rendu plus analytique sur cette moto, je vous conseille de chercher ailleurs. Parce que si je peux exprimer mon penchant pour un groupe punk féminin, Merle Haggard et les femmes qui emploient trop de jurons, je ne pense pas pouvoir exprimer mon appréciation de quelque chose qui me plaît autant de façon ordinaire.

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