Ducati Streetfighter 2009, sans les gants

Par Costa MouzourisPublié le

Retirez les sous-vêtements d’une superbike Ducati et vous y découvrirez bien plus qu’un monstre dénudé.

C’était probablement approprié que Ducati choisisse une chanson de System of a Down, Atwa, pour signaler le décompte de cinq minutes avant chaque période d’essais. La sonorisation crachait la chanson qui passe d’une belle mélodie de violons à du heavy métal frénétique, batterie, basse et guitare électrique, reflétant à la fois les alentours verts et sereins de l’Ascari Race Resort et les fronts météorologiques changeants et agités. Malgré un ciel dégagé, de forts vents venant du sud-est fouettaient les drapeaux Ducati le long du mur des puits, les faisant claquer violemment, courbant leurs pôles. Et à travers le bruit des drapeaux, le chanteur de System of a Down, Daron Malakian, chantait You don’t care about how I feel ! I don’t feel it any more ! Il était grand temps de se préparer à rouler.

Le développement de la Streetfighter de Ducati a débuté un an après qu’on ait commencé à travailler sur la 1098. Les concepteurs n’avaient pas en tête de créer une roadster haute performance comme la Monster S4R; ils voulaient créer un bolide offrant une authentique performance supersport. Et avec 155 chevaux (seulement cinq de moins que la 1098, ce qui est dû principalement à des changements apportés aux bouches d’air), ils ont réussi.

Les premières esquisses de la Streetfighter étaient basées sur des images de la 1098. Le directeur de projet Giulio Malagoli, qui a géré le développement de la gamme Monster depuis la Monster S4 en 2001, voulait conserver un air de famille avec la superbike. La ressemblance est perceptible, en premier lieu avec sa queue qui est très similaire à celle de la 1198, mais elle est fixée à un nouveau faux cadre qui la positionne plus vers l’avant, abrégeant l’arrière. Le réservoir aussi semble familier, mais il est 25 mm plus court et légèrement plus haut. Il contient 16,5 litres de carburant, soit un litre de plus que le réservoir de la 1198.

Mais c’est son nez qui imite le plus subtilement la 1198, une version plus petite du carénage de la superbike, avec de fausses entrées d’air sous des feux de gabarit qui imitent les feux de la 1198. Le tableau de bord numérique minuscule est placé bas, hors du champ de vision du motocycliste. Il est quasiment invisible lorsqu’on regarde la motocyclette à distance, mais demeure malheureusement invisible quand on enfourche la machine… Que le tachymètre soit analogique plutôt qu’à écran DEL presque inutile, ça ne changerait pas grand-chose.

Au sein des nouveautés sur la Streetfighter, notons un appareillage électrique repensé et plus compact. Un disjoncteur inhabituel glisse au-dessus du bouton de démarrage en position off et un nouvel interrupteur de feux de route agit également comme interrupteur de feux de dépassement. Il se situe là où l’interrupteur de feux de dépassement se trouve habituellement, soit sur le devant du bloc d’interrupteurs gauche; il s’agit de le tirer avec l’index pour dépasser et de le pousser vers le bas pour allumer les feux de route. À l’endroit où d’habitude il y a l’interrupteur de feux de route se trouve un interrupteur qui permet de passer à travers les différentes fonctions du menu du tableau de bord parmi lesquelles on a l’information habituelle, un chronométreur de tour de piste, un dispositif de rappel d’entretien et, sur les motocyclettes munies du système antipatinage Ducati (DTC), un indicateur de statut.

Les éléments de roadster qu’on trouve sur la Streetfighter comprennent un guidon d’aluminium biseauté à faible élévation, des repose-pieds abaissés et des silencieux doubles fixés sur le côté. La selle monobloc est installée 25 mm plus vers l’avant que sur la 1098, tandis que les poignées sont plus élevées et plus vers l’arrière. La jonction entre la selle et le réservoir est très étroite et s’insère confortablement entre les jambes; la hauteur de la selle se situe à 840 mm (33 po) et permet aux motocyclistes de six pieds et plus de poser les pieds à plat au sol. La Streetfighter possède toutefois une selle ajustable, ainsi, les motocyclistes moins grands peuvent abaisser la selle, mais cela modifie le maniement de la moto. L’un des aspects dérangeants de la position de conduite est le repose-pied droit. L’échappement latéral impose des tubes de tête de 58 mm (les plus gros jamais installés sur une Ducati de route) fixés juste après le repose-pied, où le protecteur thermique nuit au talon de votre botte. Il y a des motocyclistes qui se sont plaints que ça faisait glisser leur pied, donc je m’efforçais de bien tenir le mien sur le repose-pied. Un autre inconvénient, c’est que les silencieux doivent être ôtés pour retirer la roue arrière.

Ducati nous a offert le modèle plus haut de gamme S pour nous amuser sur le circuit sinueux d’Ascari, muni d’une suspension Ohlins, plutôt que les composantes Showa standard de la Streetfighter. L’option du modèle S, toutefois, est le système antipatinage de Ducati (DTC). Dès la sortie du garage vers la voie des puits, on remarque immédiatement une légère résistance dans la direction, ce qui indique la présence d’un amortisseur de direction non ajustable fermement fixé (un élément standard également présent sur le modèle de base). L’effet de levier du guidon permet d’annuler efficacement cette résistance en roulant et paraissait même plus fluide que prévu, considérant la géométrie de direction modifiée de la Streetfighter relativement à la 1198.

Bien que presque identique au cadre en treillis d’acier de la superbike, le cadre de la Streetfighter est incliné d’un degré de plus, à 25,6 degrés. Le cintre de fourche est de 114 mm (97 mm pour la 1098) et l’empattement est plus long de 35 mm, atteignant 1475 mm grâce à un bras pivotant plus long. Ces changements, qui améliorent la stabilité, se traduiraient normalement en une trajectoire très précise à vitesse élevée, mais dépendant de mon emplacement sur le circuit et de la direction des rafales, la Streetfighter ne roulait pas tout à fait en ligne droite, mais ne s’est jamais mise à vaciller. C’est mon corps, battant dans le vent, qui causait une grande part de l’instabilité. Il fallait que je choisisse judicieusement mon trajet dans les virages plus rapides, car les rafales poussaient la motocyclette vers l’apex , ou bien l’éloignait. Mais, malgré cet élément indésirable, les corrections à mi-virage se faisaient sans effort.

La fermeté de la suspension contribuait à garder les pneus radiaux Pirelli Diablo Corsa III bien ancrés au sol, même en freinant à la dernière seconde pour tester la traction. Le niveau de suspension est le même qu’avec la 1198, bien que le bras pivotant allongé altère la force appliquée sur l’amortisseur, rendant la suspension arrière légèrement plus douce. L’avant offrait initialement une impression vague en entrée de courbe, mais une légère augmentation de la précharge à l’avant, de la compression et de l’amortissement à l’avant et à l’arrière a grandement amélioré la réaction. Bien qu’elle ne soit pas aussi agile que la Monster 1100, récemment essayée, la Streetfighter a su négocier rapidement la chicane hyper serrée du circuit Ascari au terme d’une ligne droite très rapide. Cette agilité est sans doute due au désir de Ducati de faire de la Streetfighter un bolide vraiment léger, avec un poids à sec de 169 kg (373 lb), accotant la Monster 1100 avec refroidissement à l’air. Le modèle S, muni de roues d’aluminium forgé plus légères et d’éléments en carbone, pèse deux kilos de moins.

Mis à part son maniement de type supersport, c’est le DTC qui a vraiment permis à la Streetfighter S de maintenir une vitesse sur piste aussi rapide. Le système antipatinage du modèle S est le même qui est installé sur la nouvelle 1198S, qui est déjà une amélioration sur le système présenté sur la 1098R 2008. Ce système mis à niveau retarde l’allumage lorsqu’il perçoit un dérapage de la roue arrière et coupe l’allumage et l’entrée de carburant si une intervention plus importante est nécessaire. Cette nouveauté est bienvenue, car elle contrôle la puissance du moteur sans déranger la performance sur les trajets droits.

Les premières périodes d’essai ont été effectuées avec le système DTC réglé au sixième niveau (l’efficacité du système DTC est ajustable sur huit niveaux, avec le premier offrant le moins d’intervention électronique et le huitième le plus). Au niveau six, les indicateurs lumineux du système DTC sur le tableau de bord s’allumaient assez souvent et le système coupait le moteur régulièrement lors des sorties de virages lents. Tandis que je me sentais plus à l’aise et que ma vitesse augmentait, les périodes d’essai subséquentes ont été effectuées avec le système réglé au quatrième niveau. Ayant de plus en plus confiance dans le système, j’augmentais la vitesse avec laquelle je sortais des virages. Le moteur a été coupé seulement quelques fois à ce niveau, la roue arrière étant fermement enlignée avec la roue avant. Les indicateurs lumineux s’allumaient toujours dans les longs virages rapides, suggérant qu’il se passait tout de même quelque chose entre le bitume et le caoutchouc. Mais aucun effet de dérapage ne fut ressenti. En somme, c’est un système brillant qui devrait être installé sur n’importe quelle motocyclette ayant un potentiel de performance comme la Streetfigher.

Les rapports de transmission sont identiques à la 1198, comme l’est l’embrayage. Changer souvent de vitesse, comme c’était le cas sur le circuit d’Ascari, nécessite un peu plus d’effort qu’avec une supersport japonaise, mais la course du levier de vitesses est courte et le changement de vitesse efficace. Les freins avant extrêmement puissants sont également semblables à ceux dont est munie la 1198, avec d’immenses disques avant de 330 mm et des étriers à quatre pistons Brembo fixés de façon radiale. Les nouveaux propriétaires de Streetfighter voudront dès le début apprendre à freiner légèrement avec deux doigts.

La gamme Monster est la plus populaire de Ducati. Mais la Streetfighter n’est pas une Monster, et si vous roulez principalement sur la route, il serait difficile de justifier, à 16 995 $ (21 495 $ pour la S), les 3 500 $ qu’elle vous coûtera de plus que la Monster 1100. Toutefois, si votre saison typique comprend des journées sur piste, et que vous êtes incapable de supporter l’insupportable position de conduite d’une supersport, il n’existe pas d’autre motocyclette qui répondra aussi bien à vos besoins.

Encadré:

Contrairement à ceux qui obtiennent un style de motocyclette de type street fighter en ôtant les carénages de motos sport, Ducati a conçu la Streetfighter de haut en bas. Cela implique un tout nouveau moteur, avec un mélange de composantes tirées des modèles 1098 et 1198, ce qui en fait une motocyclette unique dans l’écurie Ducati.

Faisant usage de la technologie employée pour la 1198, les carters sont faits selon ce que Ducati nomme sa technologie Vacural. Il s’agit d’utiliser un vacuum pour attirer l’aluminium en fusion dans le moule, ce qui réduit grandement les porosités, créant un carter plus mince et plus solide, pesant trois kilogrammes de moins que le carter installé sur la 1098.

Les cylindres, les têtes et les pistons de la 1098 sont vissés sur ce carter. Le taux de compression demeure fixe à 12,5:1, tandis que les corps de papillon ovales Magnetti-Marelli massifs, avec un diamètre équivalent à un alésage de 60 mm, insufflent de l’air dans les soupapes contrôlées par les arbres à cames de la 1098. La puissance est affichée à 155 ch et le couple maximal est de 85 lb-pied, les deux atteignant 9 500 tr/min. Lorsque la ligne rouge de 10 700 tr/min est atteinte, le moteur est coupé par un régulateur de régime. On a réduit le poids de la motocyclette en lui installant un embrayage et des cache-soupapes en magnésium, tandis que l’embrayage à sec traditionnel de Ducati est utilisé. Le modèle S est muni du même moteur, mais les couvercles de courroies sont faits de carbone, remplaçant les couvercles en plastique présents sur le modèle standard. Pour obtenir un profil plus étroit, un radiateur double plus étroit remplace le radiateur simple de la 1198, alors qu’un échangeur thermique pour huile et eau optimise le refroidissement du moteur.
 

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