Quarante ans après la DT-1, Yamaha se relance avec vigueur dans la catégorie double usage.
En cette époque de surspécialisation des motos, les double usage se distinguent justement par leur non-spécialisation. L’utilisation des motocyclettes sur route et hors route remonte aux tout débuts des deux-roues motorisés, mais on peut situer la création de la catégorie double usage comme telle avec l’arrivée de la Yamaha DT-1 en 1968. Cette deux-temps légère et passe-partout fit un tabac et inaugura une véritable révolution dans l’industrie motocycliste. Les autres fabricants ne tardèrent pas à emboîter le pas.
Quarante ans plus tard, Yamaha lance sa toute nouvelle WR250R (et sa jumelle supermotard, la WR250X). Comme la première fois, Yamaha espère recréer le succès de la DT-1 et attirer une nouvelle génération de conducteurs en offrant une monture polyvalente et sportive. Bien que moins révolutionnaire que la DT-1 en son temps, la nouvelle WR est pourvue d’une liste impressionnante de caractéristiques, dont un performant moulin à quatre temps de 250 cm3, refroidi au liquide, à carter humide. Fortement inspiré de la génération précédente de R1 (2007-2008), ce monocylindre sportif adopte les mêmes proportions surpercarrées d’alésage et de course (77 x 53,6 mm) et une culasse à quatre soupapes et DACT, ainsi qu’un vilebrequin à roulement à rouleaux et des cylindres coupés réduisant les pertes dûes au pompage. Ses soupapes d’admission en titane et son piston forgé permettent un maximum de 11 500 tr/min, tandis que son arbre à contre-balancier limite les vibrations.
Son circuit d’injection de carburant en boucle fermée (avec un corps de papillon de 38 mm sur la WR, contre 45 mm pour la R1) améliore les réactions du moteur tout en favorisant une émission propre. De même, le système d’échappement EXUP élargit la plage de puissance et nettoie les gaz de sortie; dans le même sens travaillent le convertisseur catalytique et le système d’induction d’air à solénoïde. Sous un rapport volumétrique de 11,8:1 (impliquant l’emploi de carburant à indice d’octane 92), cet ensemble développe un couple de 17,7 lb-pi à 9 500 tr/min et 30 ch à 10 000 tr/min, en faisant le chef de file incontesté da la catégorie des motos double usage de petite cylindrée. Cette puissance est acheminée par un embrayage actionné par câble et une boîte de vitesses à six rapports distancés. Le démarreur électrique évite les soucis quotidiens.
Un tel moteur d’avant-garde mérite un châssis perfectionné, et c’est pourquoi les ingénieurs de Yamaha ont dessiné à neuf un cadre à berceau semi-double en aluminium. Conçu en fonction d’une « flexibilité contrôlée » pour favoriser la maniabilité et la performance des suspensions, ce cadre est constitué de pièces coulées et forgées, avec certaines parois amincies en acier. Le bras oscillant en aluminium suit le même exemple avec ses composantes extrudées, coulées et forgées. La suspension arrière Monocross à tringle repose sur un amortisseur SOQI à réservoir externe (réglable en précharge, détente et compression) au débattement de 270 mm (10,6 po). La colonne de direction et les té des fourche sont faits d’aluminium. Le freinage est assuré à l’avant par un disque ondulé de 250 mm et un étrier à double piston, et à l’arrière par un rotor de 230 mm et étrier à monopiston.
Il semble que les ingénieurs de Yamaha aient pensé à tout, mais comme on le sait, les apparences peuvent être trompeuses. Alors, la WR n’est-elle qu’un tigre de papier ? Pas du tout.
Le démarreur réveille instantanément le vaillant monocylindre, qui trouve automatiquement un ralenti rapide, évitant le recours à un enrichisseur. Le son émis par son discret pot d’échappement surélevé, ajoute à l’esprit sportif de cette monture. Le réchauffement est un peu compromis par le mélange pauvre requis par l’antipollution, et si on prend trop vite le départ, la WR peut hoqueter sous l’accélérateur ou peut-être même étouffer. Mais une fois bien réchauffé, le moteur redescend à un ralenti modéré et stable. Les réactions sont propres et vives à toutes les vitesses, le volant moteur pas trop lourd permettant au moulin de prendre l’allure rapidement.
L’embrayage et la boîte de vitesses réagissent promptement à une légère poussée sur la manette. Son large rayon d’engagement et sa belle puissance à bas régime le rendent très convivial. Le moteur se montre assez souple, son contre-balancier y contribuant efficacement. Sa gamme de puissance est large, bien que ses accélérations soient sensiblement plus vives dans les régimes supérieurs. Les réactions de l’accélérateur sont généralement de premier ordre, bien que si on le sollicite prestement à bas régime (surtout dans les rapports supérieurs) on sent un instant d´hésitation, comme si le papillon qui s’ouvre très vite sembla surpasser le moteur.
La WR est un charme en ville, sa légèreté et son vaillant moteur lui permettant de vite s’enfuir au feu vert et de distancer les voitures. Sur l’autoroute, une vitesse de croisière de 90 à 120 km/h se maintient bien, avec un pouvoir d’accélération suffisant pour permettre les dépassements. Nous avons atteint les 145 km/h dans une zone droite et le compteur pouvait encore monter, la vitesse maximale est donc très respectable pour une double usage d’un quart de litre.
Heureusement, le moteur n’est pas le seul point fort de la WR, car son châssis et ses suspensions jouent un rôle important. Comme prévu, sa position de conduite est très « tout terrain ». Cependant, comparée à une KTM 690 Enduro, par exemple, on a l’impression d’être assis dans la WR plutôt que dessus. Sa minceur centrale et sa longue selle plate favorisent les déplacements rapides, ce que l’on apprécie beaucoup en sentier. Cette selle, bien qu’étroite, est assez confortable grâce à sa mousse de densité moyenne (un certain contraste avec la selle ferme de la KTM). De fait, elle a permis à l’un de nos essayeurs de survivre à une randonnée de plus de 300 km sans recourir ensuite à une thérapie en jacuzzi !
La hauteur de la selle, plutôt élevée à 930 mm (36,6 po) convient mieux aux pilotes d’au moins 1 m 72 (5 pi 8 po). La suspension arrière moelleuse amenuise l’effet de hauteur de la selle. Bien que la WR partage des pièces avec sa sœur enduro et qu’elle ressemble au premier coup d’œil à une monture de compétition, sa suspension relativement souple rappelle qu’il s’agit d’une double usage et non pas d’une arme de pointe comme la WR250F ou même la KTM sus-mentionnée). Mais ce n’est pas plus mal, car les suspensions de la WR, amplement réglables (selon les standards japonais des double usage) conviennent à la plupart des conditions, routes par mauvais temps, carrières de sable et traversées de rivières. Nous avons bien ressenti un certain flottement de la direction sur un chemin de terre très raboteux, mais en s’avançant un peu sur la selle, tout est redevenu correct.
Les conducteurs de plus de 200 lb ou qui désirent se lancer dans une conduite très énergique devront toutefois investir dans des ressorts plus rigides. Mais si on garde un rythme plus raisonnable, on est gratifié d’un comportement souple et prévisible qui inspire confiance, absorbant convenablement les trous et bosses. Ceux qui veulent utiliser la WR surtout en sentier seront charmés par ses suspensions agréables (qui gardent les roues bien au sol) et son moteur énergique qui permet de se sortir joyeusement des situations délicates.
L’expérience de conduite est avantagée par la sensation de solidité de la WR. Son cadre en aluminium haute technologie et sa fourche rigide renvoient une impression d’intégrité mécanique, sans flexibilité indue pour gâcher la fête. Sur la route ou en sentier, la WR répond vite à son pilote grâce à son empattement de seulement 1 420 mm (55,9 po, soit 60 mm de moins que la WR250F). Avec un poids de 134 kg (295 lb, soit 17 kg de plus que la version F) avec liquides, la WR ne peut être confondue avec une motocross 125 cm3, mais son poids est bien équilibré et on peut la manœuvrer avec confiance de tout bord, tout côté.
La WR fait aussi bonne figure au chapitre du freinage. Son frein avant atteint un parfait équilibre de puissance sur route aussi bien que hors route. L’effort requis sur la manette avant est minime et sa réaction est merveilleusement linéaire. Le frein arrière, bien qu’acceptable, n’est pas aussi efficace, donnant une impression incertaine et une tendance au blocage, surtout hors route.
Les pneus Bridgestone Trail Wing font un bon travail, gardant un bon mordant sous toutes les conditions. Une excursion énergique sur route nous a permis de constater l’étonnante assurance de ces gommes double usage, négociant les virages prononcés à un rythme enlevant sans atténuer l’afflux d’adrénaline. Leur point faible est peut-être justement l’environnement hors route en raison de leur profil arrondi et de leurs saillies rapprochées qui montrent leurs limites quand on accélère le rythme. Les mordus du hors-route préféreront investir dans des pneus plus agressifs.
Au quotidien, la WR s’avère pratique et utile. Utilisée dans des conditions variées, la nôtre n’a consommé que 3,9 L/100 km (72 mi/gal) pour une autonomie de presque 200 km (le voyant de bas niveau s’est allumé environ 60 km plus tôt). Bien que Yamaha recommande un indice d’octane de 92, nous n’avons pas eu le choix de faire le plein avec du 87 lors d’une sortie, ce que la WR a accepté sans rechigner. Sur la route, son moteur est remarquablement doux, mais ses rétroviseurs, curieusement, se mettent à vibrer entre 95 et 105 km/h. Le moteur ne chauffe pas trop, bien qu’on ressente un peu de chaleur à la cuisse droite sous certaines conditions.
Comme toujours, Yamaha fait attention aux détails. Tout d’abord, la WR attire les regards. Son pignon arrière est pourvue d’un anneau externe en caoutchouc pour atténuer le bruit de la chaîne, ce qui est une bonne idée. Les clignotants avant font aussi office de feux de position, un atout à la sécurité. La trousse à outils, située sous le faux cadre arrière, est facilement accessible (mais par le fait même facile à voler). Le compteur de vitesse numérique se lit aisément, mais nous aimerions qu’il soit accompagné d’un tachymètre. Ajoutons à nos souhaits un bout pivotant au levier du frein arrière (un point essentiel sur une moto hors route).
Tout compte fait, nous avons vraiment apprécié nos moments sur la WR. Sans révolutionner l’industrie comme sa parente il y a 40 ans, voilà une double usage polyvalente et fonctionnelle, et certainement la moto « quart de litre » la plus compétente de sa catégorie (bien qu’aussi la plus chère (7 899 $), soit 2 100 $ de plus que sa plus proche rivale la KLX250S, et 500 $ au-dessus de la Suzuki DR400). Mais surtout, elle est amusante à chevaucher, tellement qu’on en veut encore. N’est-ce pas le plus important ?
En selle
J’ai appris à faire de la moto sur des double usage, passant de longues journées à parcourir les plus beaux sentiers du nord-est de l’Ontario. Inutile de mentionner que la WR m’a intéressé dès que je l’ai vue. En fait, cette petite quatre temps me remémore ma chère DT200R 1990, ce qui n’est pas peu dire. Et la WR ne déçoit pas. Bien que moins à l’aise dans le hors piste qu’une enduro de compétition ou que certaines collègues de sa catégorie (un petit tour sur la KTM 690 Enduro nous le rappelle clairement), la WR est une excellente moto tout usage qui excelle autant pour se rendre au travail que pour aller s’amuser dans le bois la fin de semaine. La puissance de son quart de litre est très convenable, et son châssis et ses suspensions peuvent tout encaisser. Bien sûr, malgré ses qualités de base, je me demande comment elle réagirait à quelques petites modifications… Est-ce que je la recommanderais à un ami ? Oui. Est-ce que je l’achèterais ? Voyez-vous, je viens juste d’acquérir une autre DT (au cours de notre essai). Naturellement, si Yamaha décidait d’offrir une WR450R, je pourrais toujours rappeler cet ami qui a proposé de racheter ma DT…
— Michel Garneau
Au sommet de leur popularité dans les années 70, on pouvait trouver des motos double usage dans le garage de chaque débutant. Graduellement, des motos plus grosses et plus ciblées ont remplacé ces montures passe-partout à prix modique. L’intérêt pour l’exploration campagnarde augmentant, l’on constate un retour de ces motos pratiques et abordables. J’ai beaucoup apprécié la WR250R, son châssis et ses suspensions perfectionnés formant un ensemble maniable, surtout hors des sentiers battus. Ses suspensions moelleuses conviennent bien au débutant, tout en s’ajustant davantage que celles de la Kawasaki KLX250S afin que le conducteur expérimenté puisse aussi s’amuser ferme dans les sentiers. Elle est aussi plus puissante que la Kawasaki, avec de l’énergie en réserve pour les dépassements sur la route. Cependant, bien que la WR surpasse la KLX, particulièrement hors route, on comprend difficilement son étiquette supérieure de 2 100 $.
— Costa Mouzouris