Un retour en arrière à un temps plus simple, où les motos british dominaient les routes, ça vous intéresse ? Si oui, vous n’êtes pas le seul.
Les motos anglaises, vous connaissez ? Bien sûr que je parle de Triumph, la seule marque offerte au Canada, mais ma question devrait plutôt se lire : les vieilles motos anglaises… comme les BSA, Norton, Royal Enfield, Vincent, Velocette et autres. Si, comme moi, vous êtes né après l’âge d’or de ces glorieuses marques, vous en avez sûrement entendu parler, mais n’en avez croisé que quelques exemplaires au salon de la moto et vu quelques photos dans les magazines. Les plus chanceux ont eu la chance d’en croiser une sur la route un jour…
Autrefois (avant l’apparition du quatre cylindres transversal japonais en général et de la Honda CB750 Four en particulier en 1969), les motos provenant d’Angleterre représentaient l’archétype de la moto de performance. Monocylindres ou bicylindres parallèles, elles faisaient la pluie et le beau temps sur les pistes et au café du coin. À cette époque, il n’était pas rare d’assister à des « courses improvisées » entre deux lieux de rendez-vous, le plus célèbre étant le Ace Café de Londres d’où l’expression café racer.
Voilà pour le volet historique. Maintenant, que sont devenues ces motos cultes ? Partout dans le monde, elles sont de plus en plus recherchées et restaurées. Le Québec ne fait pas exception. Une joyeuse bande de nostalgiques s’est regroupée en 1994 sous le nom de Club de Vieilles Motos Anglaises du Québec (CVMAQ, www.cvmaq.com). Après des débuts modestes, ce club compte plus de 150 membres cette année. Ma mission consistait donc à infiltrer ce groupe sélect pour voir comment se déroule une randonnée type de motos plus vieilles que moi ! L’infiltration fut facilitée par Michel Carrier, rencontré lors d’une exposition au centre commercial Laurier à Québec en avril dernier. Ne voulant pas me faire sortir à coups de botte au derrière en arrivant avec une quatre cylindres (ma Bandit 1200), j’empruntai la vaillante GS500 de ma blonde.
En y repensant bien, son moteur bicylindre vertical à deux soupapes refroidi à l’air qui fit son apparition à la fin des années 70 représente la motorisation encore en production qui se rapproche le plus des british que j’accompagnerai. Mes appréhensions furent de courte durée : les membres du club sont loin de ressembler aux « rockers » des films de ma jeunesse, ou plutôt ils ont vieilli eux aussi… et possèdent pour la plupart au moins une autre moto moderne pour rouler au quotidien. Mais que ce soient des Buell, BMW, Honda ou Ducati, leur passion première demeure la British Iron.
Vers 9 h 30 dimanche matin, plusieurs motos sont au point de rendez-vous situé au coin de l’autoroute Duplessis et du boulevard Hamel à Québec. Elles arrivent une à une, on ne peut les rater. Le son et la silhouette ne peuvent pas mentir. Les poignées de main sont chaleureuses et les anecdotes concernant les malheurs de l’un ou l’autre nous font rire en attendant que tout le monde soit arrivé. Pour avoir fait partie de clubs de motos auparavant, je peux vous garantir que les membres du CVMAQ répondent au signal du départ comme des coureurs face au drapeau vert. Je n’ai pas le temps de mettre mon casque que déjà les premiers sont alignés, échappements pétaradant (parenthèse ici concernant le bruit : beaucoup de customs dites modernes dégagent un niveau de décibels beaucoup plus élevé que ces rescapées de l’époque Austin Powers). Elles démarrent également beaucoup plus facilement au pied que ma XT250… Autre détail concernant la mise en marche de ces belles d’une autre époque : le sélecteur de vitesse est à droite… Seules les dernières motos produites depuis le milieu des années 70 jusqu’à aujourd’hui se conforment au standard moderne.
N’ayant pas voulu gâcher la vidéo dont les prises de vue sont captées à même le laboratoire roulant de Pierre Gariépy (Triumph Bonneville 1967 montée pour faire du « pit de sable » et quelques sauts !), je me réfugie en fond de peloton juste à côté d’une étincelante Norton Commando 850 jaune… Norton… Même moi, le néophyte en la matière, je ne peux m’empêcher de tomber sous le charme de la belle anglaise. Certainement mon choix parmi le lot pourtant impressionnant de machines impeccablement restaurées. Je peux même apercevoir mon reflet plus clairement que sur les rétroviseurs de ma GS ! On parle ici de motos capables de rouler et de soutenir une vitesse de croisière qui n’accumule pas la circulation derrière nous. Fait à noter, aucune fourgonnette d’accompagnement n’est prévue; si problème mécanique il y a, on répare sur place ! Les pilotes ont confiance en leurs machines et elles le leur rendent bien. Les modifications souvent subtiles ont rendu ces motos plus fiables qu’à leur sortie de l’usine…
Les quelque 60 km nous séparant de Deschambault me donnent une idée de ce que ça pouvait être « dans le temps ». Seuls les cyclistes accoutrés comme pour faire le Tour de France, assez nombreux sur la 138 en ce beau dimanche matin, me font prendre conscience que nous ne sommes pas en 1969 ! En effet, par moments, je me sens transporté à une époque moins aseptisée. L’odeur des échappements sans catalyseurs et peut-être aussi les quelques millilitres d’huile brûlée aident à parfumer l’air sous notre passage. Le fait d’être entouré de motos ayant un look autre que custom ou bien enrobées de plastique consiste presque en un tour de force en 2008. Nous sommes en vue du restaurant où se déroulera l’assemblée d’ouverture de saison. Mon voyage dans le temps serait-il déjà terminé ? Au contraire, une vingtaine de membres dont le président, Gilles Lachance, sont déjà sur place. Une BSA Gold Star, d’autres Norton Commando et Triumph Bonneville de différentes variantes et coloris, de même que la doyenne, une BSA C11 1948 appartenant à Martin Jacques de Québec (la seule ayant fait le trajet dans une remorque) arrivent. L’assemblée se déroule comme le reste, sans trop de cérémonial, et après avoir bien mangé et échangé, chacun repart en solitaire ou en petits groupes.
La seule ombre au tableau lors de cette journée ? La rareté des machines encore disponibles pour restauration. Le regain de popularité pour ces motos a fait en sorte que les découvertes de fond de grange se font de plus en plus rares. Les tentatives de ressusciter Norton (qui ont toutes floppées) et les nouvelles Bonneville sont des initiatives louables, mais rien ne vaut les originales. Donc, si ça vous tente de vous lancer dans l’aventure, n’hésitez pas, les années 1960 méritent d’être revisitées !