Les ingénieurs de Triumph savent reconnaître ce qui est valable, c’est pourquoi ils ont décidé que la Daytona 675 n’avait pas besoin de changements drastiques pour sa première évolution.
L’accueil public et médiatique au lancement de la Daytona 675 en 2006 a sans doute été une surprise pour le département de recherche et développement chez Triumph. Les ouvriers de l’usine de Hinckley avaient probablement les dents serrées lorsque la 675 fut livrée aux mains des journalistes spécialisés, après avoir déjà tenté de produite une supersport de moyenne cylindrée aussi terne que la TT600 à quatre cylindres, qui avait reçu un accueil assez tiède. Toutefois, dès sa première année de production, la Daytona 675 a remporté les comparaisons de supersports Masterbike et Supertest, puis encore l’année suivante, et enfin l’an dernier première au Supertest et deuxième au Masterbike. Dans ces tests, les journalistes moto de partout au monde attribuent des notes aux motos superbike européennes et japonaises pour leurs qualités propres et leurs chronomètres en piste.
L’appréciation des journalistes est une chose, mais l’épreuve réelle reste la réception du public. Et la Daytona 675 fut tout de suite plébiscitée, en faisant rapidement le modèle Triumph le plus populaire, mais surtout attirant des pilotes qui aurait autrement ignoré les motos britanniques. Triumph affirme que 78 % des acheteurs de la Daytona 675 sont de nouveaux clients de la marque. Reconnaissant le succès, les développeurs ont décidé que des changements importants n’étaient pas requis pour la première évolution de la 675. Pourquoi gâcher un design qui a fait ses preuves ?
La Daytona 675 affiche plus de 50 changements en 2009, pour la plupart assez subtils. Ces nouvelles pièces réduisent le poids de 3 kg au total, pour une masse résultante de 162 kg (357 lb). Ses transformations principales sont un nouveau nez, la mise à niveau des suspensions, et des révisions au moteur et au mappage EFI qui augmente la puissance à tous les régimes (à une pointe de 126 chevaux, contre 123 auparavant). La plupart des changements au moteur sont concentrés sur la culasse, dont les lumières d’échappement adoptent une nouvelle forme, ainsi que de nouvelles soupapes, pour élever la limite des révolutions de 400 tr/min à 13 900 tr/min.
Le lancement de presse de la nouvelle Daytona 675 a eu lieu au Circuito Cartagena en Espagne, un parcours difficile de 3,5 km comportant 14 virages allant de l’épingle serrée à un grand tournant aplati au rayon décroissant qui se négocie en quatrième. On dirait que ce parcours a été fait sur mesure pour la Dayton 675, ses virages serrés et ses courts segments droits mettant en relief la formidable puissance à bas régime de cette machine. On constate un lien très efficace entre l’accélérateur et la roue arrière, et il faut peu de changements de rapports pour compléter le tour. Le nouveau mappage de puissance veut assouplir la réponse à bas régime et, malgré la puissance accrue, la modulation de l’accélérateur dans les virages lents est sans faille.
L’aspect que je préfère chez la Daytona 675, c’est sa gamme de puissance régulière et implacable, développant 44 lb-pi à seulement 3 500 tr/min (en pointe à 53 lb-pi). Elle ne requiert qu’environ la moitié des révolutions d’une quatre-cylindres de poids moyen pour négocier les courbes. Sa gamme de puissance n’inspire pas les révolutions frénétiques d’un 600 à quatre cylindres en ligne, mais elle est beaucoup plus satisfaisante, surtout dans les 6 000 tours, où la moto sort des virages aussi vivement qu’une coursière de classe open. Bien que pas officiellemnt mise en marché en tant que coursière de production, elle connaît un certain succès dans quelques championnats européens, et l’ancienne étoile de MotoGP Garry McCoy la pilotera dans le championnat World Supersport en 2009. Certains points développés en course sont offerts dans le catalogue d’accessoires Triumph, et la 675 est maintenant dotée du câblage requis pour un embrayage électrique rapide ; un bloc de commande électronique est aussi disponible.
Lorsque j’avais essayé la Daytona 675 pour la première fois en 2006, j’avais apprécié les sensations de son train avant ; il en est toujours de même avec cette dernière version. Les réactions précises équilibrent sa direction neutre, ce qui s’est avéré particulièrement approprié dans les virages 4 et 5, où une courbe vers la droite se resserre dans une épingle où l’on doit freiner presque totalement, encore incliné sur le genou. Les pneus radiaux de série Pirelli Diablo SuperCorsa SP assurent le mordant nécessaire.
Son châssis regroupe quelques ajustements prévus pour la course, peu communs sur des supersports de format moyen, incluant assez de jeu en hauteur arrière pour modifier le point d’ancrage du pivot du bras oscillant (ses montures sont amovibles, vous devrez donc faire vos propres pièces de remplacement si vous désirez une géométrie différente). Les trains avant et arrière s’ajustent en compression haute vitesse, ce qui permet le réglage fin des suspensions pour un meilleur contrôle en piste sans sacrifier de son talent à absorber les irrégularités du pavage.
La Daytona 675 ne comporte pas d’embrayage à limiteur de contre-couple, mais elle compte plutôt sur l’électronique pour contrôler la fermeture des gaz afin d’adoucir la décélération, et donc de réduire le sautillement de la roue arrière en entrant en virage. Ce système est efficace, et je n’ai ressenti que de rares fois l’hésitation de la roue arrière, lorsque j’étais un peu négligent en rétrogradant.
Le lendemain, nous avons roulé sur les routes de montagne de la région, encore plus serrées que le circuit. Ici, la maniabilité et le couple de la Daytona la rendent encore plus amusante à piloter, et même les essayeurs qui ne l’avaient encore jamais conduite ont louangé sa maniabilité autant que son équilibre entre stabilité et vivacité de la direction. Son premier rapport est désormais plus grand (l’engrenage de l’ensemble optionnel de course de l’an dernier est maintenant de série), et convient mieux au couple du moteur. Bien que les changements de rapports ne soient pas très fréquents, ils méritent une mention – pas aussi souple que sur les japonaises, puisque les changements de rapport exigent un effort un peu plus grand. Les étriers du frein Nissin de la roue avant adoptent maintenant un dessin monobloc rigide, assurant un freinage 15 % plus puissant, un progrès utile en piste sans toutefois devenir trop envahissant sur la route.
La Daytona est ramassée sur elle-même comme une supersport typique avec son guidon surbaissé et ses repose-pieds élevés, mais notre essai de quelques heures n’a pas occasionné d’inconfort aux poignets. Si vous croyez que cette position de conduite accroupie ne vous convient pas, vous opterez pour la Speed Triple qui est en fait une Daytona dépouillée avec une position plus relevée.
À mon avis, deux motos supersport se démarquent des autres, et ce ne sont ni les plus rapides, ni les plus exotiques. L’une est la Suzuki GSX-R750 qui, malgré sa cylindrée presque bannie (ou peut-être grâce à elle) démontre un équilibre quasi parfait entre maniabilité et puissance. Elle ne vous noie pas dans l’accélération fulgurante d’une classe open, mais elle conserve une bonne nervosité à bas régime, ce qui manque sur les 600 – en plus de posséder un châssis fabuleux. L’autre est la Daytona 675. Elle égale l’énergie de la GSX-R tout en y ajoutant une musique séduisante, un profil élancé et sexy, et une touche d’exclusivité. Et en plus de ces qualités enviables, son prix a chuté de 1 200 $ sur celui de l’an dernier (maintenant 10 799 $), en faisant ma supersport préférée entre toutes.