Après avoir essayé la nouvelle Monster 1100 lors d’un lancement de presse dans le sud de la France, on peut confirmer que la prétention de Ducati d’avoir conçu « le monstre absolu » est bien fondée. Qu’on l’appelle dénudée ou streetfighter, la Monster a formé sa propre catégorie depuis son avènement il y a 15 ans. Elle a poussé les autres constructeurs vers la production de sportives sans carénage, et c’est à présent le modèle le plus vendu chez Ducati. Alors, comment perpétuer la croissance du nombre de Monster ? En fabriquer une encore meilleure. En 2008, Ducati a lancé la Monster 696 dotée d’un châssis hybride avec un cadre en treillis de tubes d’acier de grand diamètre doublé d’un faux cadre en aluminium moulé, inspiré du châssis de la Ducati Desmosedici MotoGP. La Monster 1100 est une version à plus grosse cylindrée de la 696, mais son bras oscillant en aluminium n’est formé que d’une branche latérale (au lieu de deux sur la 696) et de jantes à cinq branches en Y.
La géométrie de son châssis affiche un angle de chasse de 24 degrés, un déport de 87 mm et un empattement de 1 450 mm (57,1 po). Sa suspension comporte un monoamortisseur Sachs sans tringlerie, réglable en compression et précharge, -ainsi qu’une fourche inversée Showa de 43 mm. La 1100 gagne 40 mm de hauteur grâce à sa fourche et son monoamortisseur plus longs que ceux de la 696, ce qui favorise le dégagement en virage, bien que la selle remonte à 810 mm (31,9 po) – contre 770 mm (30,2 po) chez la 696. Ce nouveau châssis diminue la masse totale de 8 kg par rapport à la Monster S2R 1000, affichant 168 kg (373 lb) à sec, ce qui vaut à la 1100 d’être la plus légère de sa catégorie, bien qu’à peine 2 kg de moins que la nouvelle Buell 1125 CR, dont on traite ailleurs dans ce numéro. Son bicylindre en V à 90 degrés refroidi à l’air occupe 1 078 cm3 et déploie 95 ch, tout comme la S2R de 992 cm3, mais il est configuré en fonction d’un couple supérieur dans les bas régimes.
Le couple est abondant dès le démarrage (culminant à 76 lb-pi, contre 69 pour la S2R) et le moteur propulse la monture dès les bas régimes, peu importe le rapport choisi. Les rapports très espacés typiques de Ducati se remarquent moins que sur les autres modèles du fabricant, et la moto roule souplement sur l’autoroute sans frémir et sans vibrer indûment à haute vitesse. Les six rapports d’embrayage sont assez rapprochés, et le passage se fait avec légèreté et précision une fois franchi le premier rapport plus dur au départ. L’accélérateur qui commande le système d’injection Siemens (avec des corps de papillons de 45 mm) est sans faille. Et comme sur les streetfighters typiques, on peut facilement cabrer sur une roue avec un simple mouvement de l’accélérateur en premier et deuxième rapports. Son nez court et son bref arrière-train se combinent à son réservoir globuleux pour lui donner une allure de bouledogue et, malgré sa compacité, la position de conduite reste confortable.
On y est assis plus droit que sur les modèles précédents, et c’est pourquoi Ducati la décrit comme « une Monster plus naturelle et raffinée ». Son nouveau tableau de bord est compact et bien niché, mais son tachymètre à barres n’affiche qu’en ACL numérique et se lit difficilement. Un pilote de six pieds comme moi rejoint facilement le sol et la moto se montre légère lorsque penchée, en raison surtout de sa direction souple. Notre promenade d’essai nous a amené à faire trois tours de la Forêt domaniale de l’Estérel, au sud-ouest de Cannes. La selle de la Monster, large et ferme, s’est montrée très confortable pendant nos 200 kilomètres. Ducati a indiqué lors de sa présentation technique qu’on n’a pas ici la Monster la plus rapide (cette épithète appartient à la S4R refroidie au liquide), mais le fabricant italien confirme que cette machine « vise le pilote qui recherche la ligne parfaite». Que ledit pilote sache ou non où se trouve cette ligne parfaite compte peu, car sur ces routes de montagne sinueuses, la nouvelle Monster révèle son héritage de MotoGP.
Sa maniabilité est précise et neutre, nous permettant de négocier les virages à la moindre pression sur son guidon en aluminium effilé.
Si une correction est nécessaire dans le tournant, la moto répond bien, même si le frein avant est traîné, cette pratique n’affectant en rien son comportement. Son châssis rigide et ses fermes suspensions font équipe avec une direction nerveuse et lui confèrent sa stabilité, autant en forte inclinaison qu’en ligne droite sur l’autoroute. Son châssis s’est très bien comporté sur l’asphalte européen, bien que je crois que ses suspensions soient réglées un peu trop fermement pour nos routes plus irrégulières. Malgré cette rigueur, je crois que l’amortisseur arrière bénéficierait d’un réglage de détente ; il se comportait bien en roulant solo, mais avec un passager à l’arrière, la moto louvoie un peu dans les longs virages et les tournants plus raides.
Ma passagère a aussi noté que les pots d’échappement placés assez haut lui chauffaient un peu le postérieur et dos inférieur. La direction de la 1100 se braque davantage que les Monster précédentes, ce qui facilite les virages en U. La Monster 1100 s’offre en rouge, noir ou argent pour 13 495 $, et une version S plus équipée de 14 695$ (rouge ou blanche) embarque des pièces en fibre de carbone telles l’aile avant, les boucliers antichaleur de silencieux et de courroie, ainsi que des fixations de disque avant en aluminium et des composantes de suspension Ohlins entièrement réglables. Ce modèle Ducati populaire compte plusieurs adeptes, dont le nombre risque d’augmenter maintenant que la Monster se raffine, ce qui étonne assez pour une moto portant un nom si diabolique.