Modèles CVO 2009, l’exclusivité à saveur Harley

Par Uwe WachtendorfPublié le

La division Custom Vehicle Operations de Harley-Davidson dévoile une gamme de motocyclettes 2009. Sortez vos lunettes de soleil les plus cool et votre gros portefeuille. 

Je n’avais pas apporté de bouche-oreilles et j’en souffrais. Le vrombissement fort et incessant faisait sonner mes oreilles et, comme si ce n’était pas assez, je me faisais brasser par deux genres de vibrations très distinctes : un bourdonnement à haute fréquence sous mes pieds et un pilonnage de mon siège qui menaçait de faire vider ma vessie. Je voulais que ça cesse immédiatement, mais un coup d’œil sur ma montre m’a confirmé qu’il me restait encore une heure et demie à endurer cet enfer, car à 25 000 pieds, il n’y avait aucune façon de s’évader de l’avion turbopropulseur qui m’emmenait au lancement de la gamme de modèles CVO 2009 de Harley-Davidson. La cible était Santa Barbara, en Californie. Avec les montagnes Santa Ynez au nord et l’océan Pacifique au sud, Santa Barbara est caressée de tous bords par des ondulations d’eau et de terre. D’ailleurs, si je me fie au chauffeur de la limousine, ça serait ici que vit Oprah Winfrey.

Si vous participez à l’événement Harley, vous la verrez peut-être ? » m’a-t-il demandé avec optimisme. « Si je la croise, je vais lui demander son autographe pour vous », lui ai-je répondu d’un air impassible. La division CVO de Harley-Davidson est composée d’une petite équipe d’ingénieurs, de concepteurs et de cadres elle-même divisée en sous-équipes consacrées à chaque modèle CVO en construction. Tous les employés de H-D qui désirent faire partie de l’équipe de rêve CVO sont mis sur une liste d’attente avant de passer une série d’entrevues approfondies et d’être acceptés dans l’équipe. Le programme CVO célèbrera son 10e anniversaire en 2009. Il a démarré avec les modèles FXR2 et FXR3, et l’idée de produire des modèles exclusifs pour les clients de Harley les plus endurcis. Seulement 900 motos ont été produites la première année. À ce jour, la division a fabriqué 12 150 modèles CVO, soit moins de 3 % de toutes les Harley produites annuellement. 

Willie G. Davidson, directeur en chef du style chez H-D, les compare à des œuvres d’art qui se conduisent. Il n’y a aucun doute que l’esthétique joue un rôle important dans la conception de chaque modèle. Comme si le diable se trouvait dans les détails, chaque pièce est considérée comme partie intégrante du look final. Suggérer qu’une motocyclette qui vaut plus de 25 000 $ représente un bon rapport qualité-prix peut sembler irrationnel, mais si vous êtes le genre de personne qui achètera une Harley de série pour ensuite la personnaliser en utilisant beaucoup de pièces du catalogue Screaming Eagle de Harley, un modèle CVO est une aubaine. Il serait impossible pour vous d’en fabriquer une pour le prix auquel elle se vend. L’acheteur d’un modèle CVO doit s’attendre à passer beaucoup de temps à nettoyer son bolide, plutôt que de le conduire. Ces motos ont beaucoup de surfaces à entretenir.

L’idée de passer des heures à polir du chrome ne me plaît pas du tout, mais d’autres trouvent ça thérapeutique. Du point de vue de la mécanique, les modèles CVO sont faits de pièces qui ne sont pas standard sur d’autres Harley. Le moteur qu’on utilise pour toute la gamme est le Screaming Eagle Twin Cam 110B qui, avec ses 1 803 cm3, est le plus gros moteur de série fabriqué par Harley-Davidson. Il est muni d’une injection électronique, d’un embrayage hydraulique autorégleur et d’une transmission de six vitesses. Les seuls réglages effectués par les ingénieurs de la division CVO se font sur diverses composantes d’admission et d’échappement qu’on trouve sur chaque moto. Le fabricant affirme donc que les bolides ont un couple de 110 à 115 lb-pi. De plus, chaque modèle est équipé de freins ABS et de pneus bigomme Dunlop, et vient dans un choix de couleurs uniques et avec une liste de pièces chromées et de couleurs assorties beaucoup trop longue pour que j’en parle ici.

L’équipe CVO n’a pas perdu beaucoup de temps durant le dévoilement; il était clair que la journée allait être consacrée à l’essai des bolides. Après un survol rapide, nous nous sommes dirigés vers les collines, chacun enfourchant soit une Ultra Classic Electra Glide (39 089 $), une Road Glide (34 129 $), une Softail Springer (29 729 $) ou une Fat Bob (27 859 $), version CVO. Le modèle CVO Electra Glide nous revient en 2009 avec plusieurs changements importants. À la base se trouve un nouveau cadre modulaire conçu pour améliorer la manœuvrabilité de la moto; c’est en fait une amélioration qui sera intégrée à toutes les Harley de tourisme de nouvelle génération. De nouvelles jantes Roulette de 17 pouces remplacent celles de 16 pouces de l’année dernière, tandis que la roue arrière est plus large, à 180 mm, et supporte de plus grandes charges. Ceux qui détestent le fait qu’ils frappent leurs antennes Electra en se stationnant dans le garage aimeront les nouvelles versions courtes qui passeront sous une porte de garage normale.

Ces antennes sont branchées à un système audio impressionnant, fabriqué par Harmon Kardon, qui enterrera la basse émanant de l’automobile dans la voie d’à côté. Il fut un temps où la seule bande sonore qu’on avait sur la route était celle du moteur et du vent, mais avec l’Electra Glide, vous avez maintenant le choix d’écouter des CD et MP3, et la radio AM, FM, WB, CB et XM. L’une des améliorations que j’ai le plus appréciées était le nouveau siège double chauffé suspendu avec motif de requin. Essayer le chauffage sous un soleil californien resplendissant aurait été un peu trop exagéré, mais j’ai tout de même pu apprécier la nouvelle structure suspendue du siège qui a fait du bien à mon derrière grâce à la poche d’air située entre le coussin et la base. La rhétorique CVO semble plutôt ambitieuse en affirmant que la nouvelle Road Glide est une « machine musclée, profilée et svelte », mais elle nous donne plus l’impression d’être au volant d’un Chevrolet 1956, à cause de sa caractéristique la plus distinctive, soit son demi-carénage avec intérieur aux couleurs assorties.

Les acheteurs qui choisiront le fini orange électrique ou jaune perlé risqueront l’expérience psychédélique sans drogues. Tel est l’effet de l’abondante peinture. Les concepteurs voulaient un look aérodynamique et abaissé pour la Road Glide; des languettes de sacoches ont donc été fixées autour des tuyaux d’échappement, liant la cage de roue aux sacoches. L’arrière large et monochrome est muni de nouveaux feux de freinage/direction verticaux et de plaques de métal subtiles sous les sacoches, une protection contre les dommages que pourraient causer les pilotes plus agressifs. Il serait facile de dire que cet ajout a une influence sur les capacités de virage limitées de la moto, mais j’aime mieux parler du maniement amélioré de la Road Glide, grâce au châssis et à la suspension issus de l’Electra Glide. Une autre moto CVO qui fait un retour est la Softail Springer, mais en 2009, elle s’élargit.

Le pneu arrière passe de 17 pouces/200 mm à 18 pouces/240 mm, nécessitant un cadre modifié, des supports de garde-boue et un bras pivotant plus large lié à une suspension rajustée pour accommoder l’augmentation de poids non suspendu. Le gros pneu arrière ne nuit pas trop au maniement de la Springer, mais c’est le frein avant anémique qui s’est révélé problématique, même avec un étrier à quatre pistons plutôt qu’un. Même si la Springer est le seul modèle CVO à être muni d’un moteur fixe, elle ne souffre pas d’une augmentation de la vibration. En fait, si le moteur équilibré de 110 pouces est maintenu au-dessus de 3 250 tr/min, la moto roule en douceur. Toutefois, dès que les révolutions descendent sous cette barre, on dirait qu’on roule sur une planche à laver. Quand je me suis informé sur les vibrations en basses révolutions auprès d’un ingénieur CVO, il avait honnêtement l’air surpris et m’a dit : « Je n’avais pas remarqué ça, probablement parce que ça fait très longtemps que je conduis des Harley. » La Fat Bob devient pour la première fois en 2009 un modèle CVO.

On a fait mention de ses roues innovatrices Fang lors du dévoilement, avec leur centre noir entouré d’un rebord de jante chromé. L’alcantara est une matière synthétique conçue pour donner l’apparence du suède tout en étant plus durable et confortable. C’est ce qu’il y a sur le siège et, d’après moi, ce n’était pas assez pour compenser l’espace restreint réservé au siège. Il était clair, d’après la route empruntée pour l’essai, que l’équipe CVO n’éprouvait aucune inquiétude sur la performance de leurs projets. Après une petite virée sur une autoroute pour sortir de Santa Barbara, on nous a menés vers les collines à travers un paysage de chaparral et de grès. Tandis que notre cadence augmentait, j’ai dû me concentrer davantage sur la route plutôt que d’apprécier le paysage spectaculaire qui défilait. Ceux d’entre vous qui roulent depuis longtemps connaissent ce sentiment qui parfois précède un désastre ; je savais que le relâchement du groupe de motocyclistes devant moi aurait des conséquences.

Et je n’ai pas eu à attendre très longtemps ! Un journaliste assez volumineux aux commandes de l’Electra Glide juste devant moi a négocié un virage serré trop rapidement et a fait lever sa moto en freinant, le poussant directement hors de la route. Sur d’autres sections de cette route, il se serait retrouvé en bas d’un cap, mais, par chance, ce virage manqué l’a propulsé vers une pente. Une demi-tonne d’homme et de machine a donc creusé une fosse dans le roc, crachant des débris gros comme des cantaloups sur la voie devant moi. Freinant d’urgence, j’ai vu la moto essayer d’éjecter son pilote avant de s’arrêter complètement. J’ai été surpris de voir que la moto n’avait subi que des dommages minimes, malgré qu’elle avait creusé un sillon assez long pour semer du grain. C’est à ce moment que j’ai applaudi silencieusement tout l’effort CVO ; les ingénieurs n’avaient pas seulement fabriqué de beaux bolides, ils les avaient produit aussi très robustes.   

Mariage italo-américain 
Harley-Davidson annonçait il y a peu de temps l’acquisition de MV Agusta et son usine historique de Varèse, dans le nord de l’Italie, un reflet de ce qui s’est passé en avril 1960 quand le géant américain achetait 50 % de la même entreprise (connue à l’époque en tant qu’Aermacchi). Vers le milieu des années 60, plus de 75 % de la production d’Aermacchi H-D, se situant autour de 40 000 motos par année, était exportée vers les États-Unis, poussant AMF, les propriétaires de Harley à l’époque, à acquérir le fabricant italien à 100 % en 1972. Mais faisant face à une diminution de la demande pour ses produits et à la dominance grandissante du Japon dans le marché des petites cylindrées, AMF fermait l’usine de Varèse en mai 1978. C’est à ce moment que deux industriels locaux maniaques de la moto, les frères Claudio et Gianfranco Castiglioni, ont rescapé l’entreprise en l’achetant et en la renommant Cagiva.

Cagiva est devenu le plus grand fabricant de motocyclettes d’Italie, avant de changer de nom une fois de plus en 1997, devenant MV Agusta, après avoir acquis les droits de la marque auprès de la famille Agusta. Trente ans après l’avoir vendue à la famille Castiglioni, Harley-Davidson rachète l’entreprise qui, en 2007, avait produit 5 819 motocyclettes. À la suite de cette annonce, nous avons eu la chance de parler avec le président et chef de la direction de Harley-Davidson, Jim Ziemer, 57 ans.

Q: Quand ont commencé les pourparlers avec MV?

JZ: Plus tôt cette année. 

Q: Qui a fait les premiers pas?

JZ: C’est eux qui nous ont approchés. 

Q: Est-ce vrai que Harley a tenté d’acquérir Ducati l’année dernière, mais que la transaction est tombée à l’eau à l’étape de vérification préalable?

JZ: Nous ne commentons pas les acquisitions qui ont été essayées ou qui ont échoué, ni aucun autre aspect. 

Q: Pourquoi Harley veut-elle posséder MV tandis que vous possédez déjà Buell, qui est considérée comme la marque sportive de la famille Harley-Davidson?

JZ: Le marché des motocyclettes de performance est énorme. Il comporte 60 % du marché mondial des grosses cylindrées. Buell et MV touchent deux gammes de prix différentes, deux types de clients et MV Agusta a beaucoup de succès en Europe. C’est l’occasion pour nous d’avoir une plus grande présence en Europe, en plus d’avoir un pied dans leur environnement manufacturier. Ça nous donne une vision plus globale du monde de la motocyclette. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles nous continuons de regarder au-delà de Buell. 

Q: Avec MV, il y a l’insigne Cagiva. Est-ce que Harley prévoit la développer comme marque hors route ?

JZ: Nous ne voulons pas commenter nos futurs produits, mais les familles MV Agusta et Cagiva comportent de bonnes marques faites à partir d’une très bonne technologie. Nous allons continuer à étudier ces produits pour déterminer ce que nous en ferons. 

Q: Prévoyez-vous vendre des produits MV sous le nom Harley?

JZ: Encore une fois, nous ne pouvons pas commenter sur nos futurs produits, mais nous avons acquis MV pour faire grandir cette marque. L’administration, le marketing, le département des ventes et la production de Harley-Davidson jumelés à leur technologie, la renommée de leur marque et leur distribution actuelle sont des facteurs qui feront grandir MV. C’est ce sur quoi nous travaillons actuellement. 

Q: Est-ce que Massimo Tamburini fait partie de l’entente?

JZ: Nous avons un contrat avec Massimo; il continuera à travailler pour le groupe MV Agusta. 

Q: Comment l’entreprise sera-t-elle gérée? Allez-vous envoyer une équipe de direction américaine en Italie?

JZ: Au cours des prochaines semaines, ma première responsabilité est de monter une équipe de direction, jusqu’à ce que les démarches d’acquisition soient complétées. À ce moment, j’aurai choisi un directeur pour MV. Tout se fera avec Claudio Castiglioni, mais je vais mettre en place une équipe de direction en Italie. 

Q: Quel sera le rôle de Castiglioni?

JZ: Il sera chef de la direction et il sera responsable des départements de recherche et de développement et des courses. 

Q: Est-ce que Harley prévoit soutenir un programme de courses MV Agusta ?

JZ: Nous allons évaluer cette proposition. MV a une riche histoire de courses couronnées de succès et nous allons évidemment voir ce que nous pouvons faire. 

Q: L’un des plus grands problèmes chez MV concerne la production. Comment prévoyez-vous y remédier?

JZ: Pour le moment, notre implication initiale consistera à arranger ce qu’ils ont déjà. Mais nous avons besoin d’une plus grande masse critique. Le problème peut être réglé en partie en augmentant les ventes, donc nous avons besoin de nous impliquer dans la production, c’est-à–dire ce qu’ils produisent et la manière dont ils le produisent. Dans le court terme, ça se fera dans leur usine actuelle.

Quelques semaines après l’annonce de la fusion, nous avons eu l’occasion d’en savoir davantage sur l’avenir de MV Agusta de la bouche même de Claudio Castiglioni, à l’usine de Schiranna, sur les rives du lac Varèse. Cependant, avant de procéder à l’entrevue, Castiglioni nous a montré une paire de prototypes à un cylindre apparemment prêts à rouler ; il y avait une enduro et une supermoto, chacune équipée du tout nouveau moteur à soupapes radiales à double arbre à cames. Castiglioni a dit que c’était des prototypes pour les modèles F1 Supermono, devant former la base d’une nouvelle gamme MV Agusta, une série qu’il aurait voulu augmenter d’une gamme de motos sportives de moyenne cylindrée fondée sur ce qu’il nous a montré ensuite : les moules bruts du moteur prototype F3 DOHC de 675 cm3 à trois cylindres et 12 soupapes également muni de soupapes radiales, tout comme le moteur F4 312 de 1000 cm3 à quatre cylindres.

Ce nouveau moteur a été conçu l’année dernière par Ezio Mascheroni et était en plein processus de construction, prêt à être testé cet été pour un dévoilement en novembre 2009 au salon EICMA de Milan. Massimo Tamburini travaille déjà sur le prototype F3 complété en simulation. Le moteur est extrêmement compact et l’angle du cylindre est beaucoup plus abrupt que sur la Triumph Daytona 675, bolide comparable s’il en est un. Voici ce que Claudio avait à nous dire.  CC : C’est l’un des plus grands moments de fierté de ma vie que d’avoir assuré un avenir à la marque la plus glorieuse de l’histoire de la motocyclette en la liant au fabricant le plus vieux et le mieux établi au monde. Nous avons exploré les façons de rendre cela possible durant les quatre derniers mois et à chaque étape, j’ai été rassuré par l’engagement démontré par les directeurs principaux de Harley-Davidson à rétablir la prééminence de MV Agusta dans le monde de la motocyclette sportive, tout en demeurant fidèle à ses traditions.

Ce mariage ne fera pas que rétablir l’entreprise dans le marché, mais permettra à MV Agusta d’élargir sa gamme de produits en touchant d’autres segments du marché, comme ceux que je vous ai déjà montrés et d’autres qui devront progresser au-delà du stade conceptuel. Après avoir vu les prototypes pour les modèles F1 et F3, vous vous doutez que nous ferons la même chose avec quatre ou cinq nouveaux produits qui, ensemble, tripleront ou même quadrupleront la production de l’entreprise. Ce sont des produits qui, comme vous venez de le voir, sont très développés et dont une grande portion du coût de développement a déjà été investi.

Ces deux nouvelles familles de motos permettront à MV Agusta d’entrer dans le marché des moyennes cylindrées, dans les secteurs de motos dépouillées, supersport et autres, avec le moteur F3 de 675 cm3 à trois cylindres, ainsi qu’avec quelques moteurs F1 monocylindres de 650 cm3.  Q : Allez-vous raviver Cagiva en tant que marque de motos hors route, maintenant que MV ne possède plus Husqvarna ? CC : Cagiva n’était pas seulement un fabricant de motos hors route, mais également la première marque italienne à remporter quatre championnats de motocross, plusieurs courses enduro, trois courses Paris-Dakar et quatre rallyes Pharaoh. Cela soulève clairement des questions sur les façons de procéder à partir d’aujourd’hui, mais la décision demeure ultimement dans les mains de Harley-Davidson.

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