Triumph Rocket III Classic, format géant

Par Moto JournalPublié le

Si vous êtes un type à l’allure efflanquée qui se fait régulièrement lancer du sable au visage par les petits durs à la plage, la Rocket III Classic n’est pas faite pour vous ; en fait, c’est probablement la moto que conduisent ces brutes! 

La Rocket III de Triumph produit 68 lb-pi de couple, ce lui représente environ 40 % de plus que le couple maxi produit par une supersport moderne de 600 cm3. C’est également le couple qu’elle produit au ralenti ! Son moteur est sans contredit ce qui définit la Rocket III. Forte de ses 2 249 cm3, il s’agit de la moto à la plus grande cylindrée offerte parmi tous les constructeurs, à l’exception de Boss Hoss, qui contrairement à Triumph ne conçoit pas ses propres moteurs, recourant plutôt aux moteurs V8 de Chevrolet pour la puissance. La Classic est l’un des deux modèles Rocket offerts en 2008, le modèle standard ayant été retiré de la gamme. Sa position de conduite diffère de celle qu’offrait la Rocket III standard, et elle est dotée de repose-pieds confort en remplacement des minces appui-pieds, d’un plus grand nombre de pièces chromées et d’une livrée deux tons. Notre Classic était dotée d’une panoplie d’accessoires tels un pare-brise (600 $), une selle de tourisme (444 $) avec dosseret réglable pour le passager (204 $), un appui-dos pour le passager avec compartiment à bagages (480 $), des sacoches arrière en cuir (960 $) et une barre chromée pour les sacoches (180 $).

Le massif trois cylindres en ligne de la Triumph est proéminent dans le cadre en acier de la moto, ce dont on s’aperçoit immédiatement quand on doit s’écarter largement les jambes pour la chevaucher. La Rocket III est conçue pour les pilotes de grande carrure. La prise sur les guidons, bien qu’elle ne soit pas trop déportée vers l’avant, est large et les grosses poignées glissent presque des mains à fond de braquage, et ce, même pour les grands pilotes. De plus, la prise sur les leviers de frein et d’embrayage est moyenne au réglage le plus rapproché, même pour les pilotes aux grandes mains. Le réservoir d’essence de 24 litres, tel le ventre ballonné d’un gros buveur aplati par la gravité quand il est couché sur le dos, s’étend vers l’avant et vers le haut et domine la vue de l’habitacle.

L’ensemble de la machine se renfle dans toutes les directions, donnant l’impression distincte que le pilote est assis à l’intérieur de la moto et non sur celle-ci. La position de conduite est décontractée, les repose-pieds confort étant déportés davantage vers l’arrière et offrant plusieurs positions pour les jambes, à l’inverse des appui-pieds montés vers l’avant du modèle Rocket standard. Ils ne font pas non plus autant saillie, ce qui procure un plus grand dégagement en virage contrairement à ce qu’on pourrait s’attendre de motos équipées de larges repose-pieds. Quiconque envisageant l’achat d’une Rocket III ne portera probablement pas une grande attention à la fiche des caractéristiques, particulièrement si on tient compte du poids à sec de la machine, qui fait osciller la balance à 320 kg (704 lb). Ajoutez les fluides, l’essence et les accessoires, et la bête frôle les 800 lb.

La majeure partie du poids de la Rocket se situe dans le bas du châssis, mais il faut tout de même une certaine force dans les jambes pour relever le mastodonte de sa béquille latérale. Une fois sur la route, la moto semble perdre un peu de sa pesanteur ; la direction devient progressivement plus légère à mesure que la vitesse grimpe, mais l’impression de pesanteur ne disparaît pas complètement comme c’est le cas sur la Gold Wing de Honda. Sur les routes modérément sinueuses, la direction relativement neutre de la Classic surprend en dépit de son large pneu arrière de 240 mm. Elle ne montre une tendance à se relever lors des mises sur l’angle que dans les virages très serrés, ou quand on effectue un virage après un arrêt, tendance qui se gère toutefois bien. Le plus grand inconvénient tant pour ce qui est de la tenue de route que du confort est la suspension à court débattement, qui est rigide.

La Rocket III ne nous a pas laissé une seule minute de répit le long des routes abîmées, transmettant des secousses continues à la colonne et aux mains. Sur des routes au revêtement plus lisse, elle s’est par contre montrée très ludique, particulièrement quand nous enroulions la poignée des gaz sur les longs droits, le couple massif du moteur poussant fiévreusement la machine vers l’avant, faisant peu de cas de la pleine charge des bagages et du passager. Le confort du siège du passager, bien qu’ergonomique, est atténué par une pièce cachée dans la base du siège. Il s’agissait toutefois du siège en option et nous ne savons pas si le siège de série présente le même problème. Sur la grande route, la Classic roule en tout confort, le seul irritant étant la turbulence excessive causée par le pare-brise en option, qui s’est toutefois révélé très utile sous une forte pluie, protégeant le pilote et son passager de gouttes de pluie de la taille de petits pois. Curieusement, notre pare-brise était entouré d’une garniture de caoutchouc, qui s’est montrée moins distrayante une fois enlevée. Le réglage du moteur n’a pas changé depuis le lancement de la Rocket en 2004, et malgré une puissance adéquate de 140 ch, c’est le couple, qui culmine à 147 lb-pi à un régime aussi bas que 2 500 tr/min, qui rend ce trois cylindres aussi monstrueux.

La fulgurante poussée ressentie dès l’ouverture des gaz n’est reproduite par aucune autre moto d’usine. Cette sensation n’est pas aussi frénétique que sur une supersport de classe ouverte, mais le punch produit tout juste hors ralenti vous délie les bras et colle vos fesses dans le creux de la selle. La plage de puissance est complètement linéaire, ce qui est trompeur, car l’accélération ne se fait pas progressivement, la moto se mettant en route comme une locomotive, ou plutôt comme un TGV une fois qu’on jette un coup d’œil au compteur de vitesse et qu’on aperçoit l’aiguille grimper rapidement les vitesses peu importe le rapport engagé. Ce moteur constituerait une plateforme idéale pour une véritable monture de tourisme, comme la K1200LT de BMW ou la Gold Wing de Honda qui offrent des accessoires conçus pour le confort, tels que des poignées et un siège chauffants, un carénage intégral et un système audio complet. On pourrait toutefois se passer du système audio, car il étoufferait le riche son produit par le tricylindre, l’une des sonorités les plus attrayantes de l’industrie.

Les changements de rapports ne sont nécessaires que lorsqu’on accélère à partir d’un arrêt, car une fois le dernier rapport engagé sur la Classic, elle peut ralentir jusqu’à 50 km/h et accélérer en douceur comme s’il s’agissait d’une transmission automatique. La boîte de vitesses transmet une sensation industrielle, un coup délibéré sur le levier de vitesse pointe-talon étant nécessaire pour actionner l’engrenage des massifs pignons, et l’effort au levier d’embrayage est plutôt ferme. Cette caractéristique confirme que la Rocket poids lourd est une machine qui convient mieux sur les routes rurales et sur les autoroutes, car à part le fait de vous mettre en sueur à essayer de manœuvrer la bête à basse vitesse dans la circulation urbaine congestionnée, la chaleur du moteur, particulièrement du côté droit, vous fera envisager l’achat d’actions dans Gatorade. Sur n’importe quelle autre machine, deux disques avant de 320 mm couplés à des étriers à quatre pistons procureraient une puissance de freinage beaucoup trop élevée, mais sur la Rocket III, ils sont juste adéquats.

La puissance de freinage est solide, mais l’effort au levier est plutôt élevé, et compte tenu de sa pesanteur, la moto a tendance à continuer de rouler. Le freinage est assisté par un solide frein arrière, qui serait porté à bloquer sur n’importe quelle autre moto, mais en raison de l’adhérence accrue que procure le gros pneu arrière de la Rocket III, il permet de ralentir considérablement la machine. Les sacoches arrière de notre Classic se sont révélées fort utiles pour des balades de fin de semaine, mais on ne peut les remplir que par le haut, ce qui signifie qu’il faut tout sortir pour atteindre les articles qui se trouvent dans le fond. Les fermoirs sont décoratifs et on peut aisément leur substituer des fermoirs à pression. Avec les couvercles bien attachés, les sacoches se sont montrées à l’épreuve de l’eau pendant un bref orage, mais nous ne savons pas si elles resteront étanches pendant de plus longues précipitations ; l’utilisation de sacs de plastique reste encore la meilleure solution.

La Rocket III Classic n’est pas une moto et encore moins un cruiser pour monsieur Tout-le-monde. Si vous commandez vos portions en format géant aux comptoirs de restauration rapide, magasinez chez Monsieur Gros et Grand et souffrez de mégalomanie, vous vous sentirez en terrain connu avec la Classic. Et si vous êtes de type Rocket III, vous pourriez envisager le modèle de tourisme, puisque pour à peine 1 000 $ de plus que le prix de détail de 18 999 $ de la Classic, vous obtiendrez des sacoches rigides, un pare-brise, une selle de tourisme et un appui-dos pour le passager, et encore plus de couple, soit 154 lb-pi à 2 025 tr/min, ce qui devrait suffire à combler même ceux qui sont extrêmement avides de puissance. 

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