Suzuki GSX-650F, déguisement

Par Michel GarneauPublié le

Suzuki prend position avec le lancement de la GSX-650F : c’est le style qui prime.  «C’est à vous ce racer ? » m’a demandé l’homme au Tim Horton en pointant la rutilante GSX-650F neuve stationnée à l’extérieur. Bien que celle-ci ne soit pas une réplique de course de la GSX-R pour l’œil averti, on peut lui pardonner cette erreur. Après tout, c’est exacte-ment ce que les gens de marketing de Suzuki avaient en tête lorsqu’ils ont habillé la polyvalente Bandit 650 avec une nouvelle livrée bleu et blanche. Au fil des ans, les motos sportives de Suzuki ont été associées à leur livrée bleu et blanche, qui est en quelque sorte devenue la marque de commerce de la gamme, comme les Ferrari et la livrée rouge feu. Comme les clients canadiens et américains se tournent de plus en plus vers les pôles opposés que sont les répliques de motos de compétition ou des cruisers allongés pour dépenser leurs dollars, il n’est pas surprenant que Suzuki ait décidé d’habiller la Bandit, un poids moyen polyvalent autrefois offert au Canada et dont les ventes n’ont jamais, de toute évidence, été un énorme succès, avec un carénage tape-à-l’œil inspiré de la GSX-R dans l’espoir de profiter du succès de sa cousine de course dans le créneau plus sportif du marché.

Le quatre en ligne refroidi au liquide de la GSX-650F fut introduit dans la Bandit 650S l’an dernier en remplacement du moteur vieillissant à quatre cylindres refroidi par air, le dernier vestige de la GSX-R lancé il y a plus de vingt ans. Bien que développé spécifiquement pour la Bandit et n’étant pas un moteur de GSX-R recalibré, il est néanmoins un quatre en ligne haute performance. Une chaîne à came centrale actionne deux cames en tête qui opèrent quatre soupapes par cylindre posées à angle aigu. L’alésage et la course sont de 65,5 x 48,7 mm, ce qui procure une cylindrée de 656 cm3. Les cylindres en alliage sont recouverts de l’enduit SCEM de Suzuki pour aider à dissiper la chaleur, réduire la friction et améliorer le scellement. Le taux de compression est ajusté à 11,5:1, bien que le 650F conserve la capacité de rouler avec du carburant à indice d’octane 87 lequel, au cours de notre test, se consommait à un taux de 5,6 litres aux 100 km (51 mi/gal), permettant une autonomie de 340 km pour le réservoir de 19 litres. Le système d’injection à boucle fermée utilise la technologie de double soupape des gaz de Suzuki (SDTV) avec des corps de papillon de 36 mm, alors que le BCÉ contrôle les volets secon-daires selon la vitesse du moteur, la position de l’accélérateur et le rapport de vitesse sélectionné, l’objectif étant d’optimiser la vélocité d’entrée d’air pour un remplissage efficace des cylindres et une livraison de puissance sans accrocs.

Des injecteurs (un par cylindre) à quatre orifices s’occupent de la distribution de carburant. La réponse à l’accélérateur qui en découle est régulière et le moulin est calibré pour une large plage de couple. Le moulin livre une puissance revendiquée de 85 ch à 10 500 tr/min avec un couple atteignant un sommet de 46 lb-pi à 9 000 tr/min, ce qui fait que vous n’aurez jamais besoin de tester le coupe ignition qui s’enclenche à 12 500 tr/min. Les émissions sont tenues en échec par un système d’échappement 4 en 1 équipé d’un convertisseur catalytique. Le ralenti est maintenu automatiquement une fois le moteur mis en marche, et on est frappé par le silence du moteur ; le bruit de l’échappement est un ronronnement discret et les cliquetis mécaniques sont presque complètement absents du moteur. Un coup sur l’accélérateur à action légère procure une réponse immédiate, peu importe la température du moteur, et ce dernier grimpe rapidement en révolutions. Une abondance de puissance à bas régime et une livraison précise de carburant, combinées à l’action légère de l’embrayage actionné hydrauliquement, mettent la moto en marche sans effort. La large bande de puissance fait alors en sorte qu’il n’est pas nécessaire de monter les révolutions dans les cinq chiffres avant qu’il se produise quelque chose, la courbe plate de couple offrant au pilote une flexibilité remarquable dans la sélection des rapports.

Descendez le moteur aussi bas que 30 km/h sur le dernier rapport, tournez l’accélérateur et la 650 s’y met, un exploit de taille pour un poids moyen à quatre cylindres. Cette abondance de puissance rend la boîte à six vitesses à changement fluide presque superflue et la 650 fournit beaucoup d’indices qu’elle pourrait opérer avec beaucoup moins de rapports. Les pilotes qui choisissent de faire tour-ner le moulin près de la ligne rouge sont récompensés par une accélération fougueuse et une ascension sans accrocs des révolutions, mais la courbe de puissance devient considérablement plus plate en haut de 10 000 tr/min. Sur la route, la puissance de dépassement en sixième rapport est disponible au tou-cher de l’accélérateur, et nul besoin de rétrograder sauf si l’on a besoin d’une explosion rapide d’accélération. La douceur est un autre des attributs de la 650, qui est remarquablement exempte de vibrations à vitesse de croisière, particulièrement entre 80 et 110 km/h. Les respose-pieds alourdis montés sur caoutchouc sont libres de tout bourdonnement, et le peu de vibration qui se rend au pilote, surtout par le guidon, n’est pas envahissant. En sixième rapport à une vitesse indiquée de 100 km/h, le moulin tourne à 5 200 tr/min, ce qui semble un peu élevé étant donné que la bande de puissance est biaisée vers les moyens régimes. Ceux qui aspirent à utiliser la 650 pour du tourisme longue distance pourraient installer un pignon arrière avec deux dents de moins en toute confiance. 

Sous la carrosserie, si vous ne l’aviez pas déjà deviné, se cache un châssis de Bandit 650. Le cadre à double berceau en acier tubulaire de Suzuki ayant fait ses preuves, et renforcé l’an dernier lors des changements au Bandit, utilise des montants à diamètre plus grand, ce qui augmente de 10 % la rigidité de torsion par rapport au cadre précédent. L’angle de chasse, le déport et l’empattement sont relativement conservateurs à 26 degrés, 108 mm et 1 470 mm (57,9 po) respectivement. Les arbres de transmission sont décalés verticalement afin de réduire la longueur du moteur, permettant un bras oscillant plus long et diminuant ainsi l’effet de couple de la chaîne sur le fonctionnement de la suspension, ce qui facilite la conduite. Malgré son habillement sportif, la 650 maintient la position de conduite pratique de la Bandit : droite, avec accès facile au guidon tubulaire et amplement d’espace pour les jambes. Le guidon est raisonnablement confortable, bien que, comme sur le B-12, certains apprécieraient une courbe moins prononcée. Un investissement mineur apaisera bien des pilotes à ce chapitre, un des avantages du design simple. Dans sa version sportive, la 650F ne permet plus d’ajuster la position de conduite ; le guidon ajustable (10 mm vers l’avant ou l’arrière) est disparu, de même que le siège ajustable (20 mm) en hauteur.

Il semblerait que les gourous du marketing chez Suzuki ont présumé que les acheteurs du modèle plus clinquant ne ressentiraient pas le besoin de l’utilité que procurent ces options. La hauteur de la selle est de 770 mm (30,0 po), ce qui est l’équivalent de la position la plus basse de celle de la Bandit, mais un siège ajustable aurait été bénéfique pour les grands. La selle est plate et ferme et donne un bon support pour les longues distances. La protection contre le vent est meilleure que sur une supersport, le carénage protégeant le torse, et, à hauteur de la tête, le vent est libre de turbulence. Le pilote est également bien isolé de la chaleur du moteur, même quand la température ambiante frôle les 30 degrés. Le passager n’a pas à s’accroupir comme sur une supersport, le siège étant large et plat, les repose-pieds fixés assez bas et les poignées à portée facile. Les composants de suspension de qualité moyenne procurent un roulement ferme mais conciliant, les taux de ressort et l’amortissement étant sélectionnés pour opérer dans un large éventail de situations. L’amortisseur arrière est réglable en précharge et en rebond, tandis que la fourche de 41 mm est ajustable en précharge seulement. Les deux pourraient avoir un peu moins d’amortissement de la compression à haute vitesse pour un roulement plus cossu, ainsi qu’une touche de plus de rebond afin d’améliorer la maîtrise à haute vitesse ; cependant, la plupart des bosses sont bien absorbées malgré cela.

L’effort à la direction est léger et relativement rapide à basse vitesse, mais la GSX-650F fait preuve d’une étonnante stabilité à haute vitesse et dans les longues courbes. Le pneu arrière étroit (selon les standards supersport) de 160/60ZR17 facilite les transitions d’un côté à l’autre, la moto réagissant de façon prévisible à la direction et demeurant neutre lorsqu’inclinée. Les pneus Bridgestone BT-020 offrent une bonne combinaison d’adhérence et d’usure et cadrent bien avec l’utilisation proposée de la moto. Bien qu’au-delà des paramètres normaux d’utilisation de la moto, la piste du circuit Deux-Montagnes a accueilli notre GSX-650F durant toute une journée et nous avons été agréablement surpris de son aplomb sur piste de course. À 216 kg (476 lb) à sec, ce qui équivaut à 55 kg (121 lb) de plus que la GSX-R600, elle n’est certes pas agile comme les supersports, mais elle est suffisamment maniable pour être utilisée par un coureur occasionnel ayant des compétences modérées. La 650 demeure posée jusqu’à une allure de 7/10 environ ; plus que cela et la suspension de série est écrasée, la moto vacillant en signe de protestation à cause du manque d’amortissement en rebond, que nous avions pourtant ajusté au maximum à l’arrière.

En augmentant l’ajustement arrière en précharge d’un cran sur l’ajustement de type came, les entrées de courbe pouvaient s’effectuer plus rapidement sans compromettre la stabilité qui nous inspirait toujours confiance – à condition que le rythme n’accélère pas trop. De plus, le dégagement dans les courbes est adéquat, les repose-pieds ne touchant à la piste que dans les courbes serrées à haute vitesse.  Les deux disques avant de 310 mm avec leurs étriers Tokico à quatre pistons s’acquittent bien de leur tâche pour ralentir la 650F et ont bien fonctionné lors de la session de piste, bien que la course de levier avant ait augmenté légèrement après plusieurs tours. Leur action est linéaire, l’effort nécessaire est modéré et le feedback est bon ; les freins n’ont jamais été imprévisibles et n’ont jamais pris de court le pilote. Le disque arrière de 240 mm et l’étrier à un piston ne bloquent pas et transmettent bien les sensations au pilote. Bien qu’identiques au système de freinage de la Bandit 1250S testée l’an dernier, les attaches sur le GSX650F semblaient mieux fonctionner cette fois-ci. Malheureusement, l’option ABS offerte l’an dernier sur la Bandit 650S n’est plus disponible. L’instrumentation, qui consiste en un tachymètre analogique et un indicateur de vitesse numérique, est bien positionnée et facile à consulter.

Un large indicateur de rapport de vitesse sur la face du tachymètre est utile, tout comme la jauge à essence ; l’indicateur lumineux de changements de rapport programmable est par contre moins utile. Les rétroviseurs demeurent généralement clairs et offrent une multitude d’ajustements grâce au support à angle ajustable. En fait, il est pratiquement impossible de ne pas trouver un ajustement qui donne une excellente vision arrière, ce qui est fort apprécié dans la circulation dense. Lors du développement du nouveau carénage, Suzuki a choisi d’équiper la GSX-F avec des phares superposés similaires à ceux de la GSX-R. Ce nouvel arrangement donne un large faisceau de lumière pour les feux de croisement, qui demeure lorsque les feux de route sont allumés. Les conduits d’air dynamique ont également migré de la GSX-R vers la GSX-F, bien que sur cette dernière, ils n’ont aucune utilité réelle, un ajout quelque peu toquard.

L’effort dépensé pour créer les faux conduits aurait été mieux déployé à l’intérieur du carénage pour y ajouter des panneaux avec des compartiments de rangement, mais hélas, cela n’est pas le cas. Le nouveau carénage, quoiqu’il ajoute au facteur clinquant de la moto, présente au moins un désavantage : des frais plus élevés de réparations en cas de chute mineure. Aussi, les propriétaires de GSX-F doivent s’attendre à recevoir plus que leur quote-part d’attention de la part des policiers zélés qui, comme l’homme du Tim Horton, vont la confondre avec une moto de course. On pourrait définir la GSX650F comme un agneau déguisé en loup : elle allie l’aspect d’une supersport avec l’utilité quotidienne d’une moto standard, et, avec un pare-brise plus haut, des sacoches arrière et un sac à réservoir, elle a le potentiel de devenir une moto sport tourisme de taille moyenne très compétente. C’est une bonne combinaison, mais ça n’explique pas pourquoi les caractéristiques les plus attirantes de la Bandit, à savoir l’ergonomie ajustable et les freins ABS optionnels, n’ont pas été retenues. À 8 599 $, la GSX-F est un bon achat, mais la Bandit était juste un peu mieux.

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