KTM 690 Enduro, démonstration convaincante

Par Costa MouzourisPublié le

On sait tout de suite que ce sera un lancement de presse excitant lorsque le point de presse qui le précède mentionne: «Il serait préférable de ne pas avoir à vous récupérer par hélicoptère au fond d’un canyon.»  Nous sommes dans le sud de l’Espagne pour essayer un trio de nouvelles monocylindres KTM 690. Nous vous avons présenté, dans le numéro de mai, les modèles routiers Duke et SMC; aujourd’hui, je piloterai la double usage 690 Enduro et d’après ce que j’entends, nous la testerons à fond.  La 690 Enduro remplace la 640 Adventure comme la grosse double usage monocylindre de KTM; en plus de son moteur LC4 plus costaud et de son design renouvelé, la Enduro est dépouillée du carénage de l’Adventure et de son grand réservoir. La dernière fois que KTM avait offert une machine semblable, c’était la 640 Enduro en 2004. La performance du moteur est améliorée par sa cylindrée supérieure et son injection de carburant, mais le progrès le plus important par rapport à l’ancien modèle est l’ajout d’un contrebalancier, avantageux malgré le gain de poids. 

Nous avons commencé la journée par une balade asphaltée de 10 kilomètres vers le départ de la piste situé dans une carrière. J’ai remarqué dès lors l’absence de vibrations du moteur, la direction légère et neutre et le puissant frein avant. Je fus d’abord inquiet de la force de ce frein avant sur la terre battue, craignant qu’il faille une douceur extrême sur la manette pour éviter un blocage de la roue, mais il s’est révélé de modulation facile et pas trop sensible. Autre inquiétude: les pneus actuels. Les Metzeler Sahara chaussant ces motos montées à l’européenne ont un profil arrondi et une semelle au dessin modéré, plutôt compétent sur la route, mais qui manquera peutêtre de mordant sur la terre battue. Mon inquiétude s’est toutefois évanouie en arrivant sur la piste. Ces pneus, n’inspirant pas la confiance de pneus à crampons, ne seraient pas mon premier choix pour une longue randonnée sérieuse, mais ils mordent suffisamment. Au Canada, la 690 Enduro sera chaussée de pneus Pirelli MT21, plus agressifs et mieux adaptés aux excursions hors route, mais qui s’useront sans doute plus vite sur l’asphalte.  

Après une brève séance de photos dans la carrière, un autre journaliste et moimême sommes guidés par un pilote d’essai de KTM sur une boucle de 50 km. Le parcours est tracé surtout le long de routes de terre, avec des sentiers à deux voies dont les surfaces varient de la terre compacte à la pierraille, et au sable. J’expérimente les trois courbes de puissance du moteur (toutes les 690 ont cette caractéristique: la SMC et l’Enduro en ajoutent une quatrième pour le carburant de mauvaise qualité); toutefois, on doit s’arrêter et soulever la selle pour atteindre le commutateur de sélection. À la suggestion de notre guide, la 690 est moins laborieuse à conduire en mode plus doux (la puissance maximale est réduite à 48 chevaux au lieu des 63 en pleine liberté). La modulation de l’accélérateur est plus souple et la moto exige moins de concentration, et elle ne brusque pas son pilote en heurtant une bosse imprévue. Le mode souple est idéal pour un conducteur intermédiaire en développement, bien qu’il demande plus d’attention à la sélection des rapports et qu’il faille rétrograder pour grimper une colline abrupte. 

Je préfère le mode plus agressif quand on se trouve hors route; il déploie davantage de puissance en bas régimes et permet de conserver plus longtemps le même rapport, d’où des changements moins fréquents de la souple transmission. Toutefois, il requiert une main constante sur l’accélérateur, car il serait trop facile de perdre la traction sur la roue arrière, surtout dans les montées. 

Sur la route, je trouve que le mode normal est le plus approprié; la puissance est moins abrupte à vitesse réduite qu’en mode agressif, on peut se promener doucement en ville, et toute la puissance du moteur est toujours à portée pour les dépassements. Doubler une voiture qui roule à 110 km/h ne demande qu’un petit mouvement du poignet.

Après cette brève randonnée, nous retournons à la carrière pour rejoindre un autre groupe de journalistes qui terminent leur séance de photos. Je suis un peu déçu que notre randonnée n’ait pas été assez périlleuse pour nécessiter un sauvetage par hélicoptère. C’est alors que le chef de produit de KTM, Joachim Sauer, demande qui veut l’accompagner pour une randonnée de 15 minutes avant de rentrer à l’hôtel. 

J’ai appris une chose sur les membres de l’équipe KTM au cours de ce lancement de presse, mon premier chez cette firme autrichienne: ils sont tous motards et roulent avec énergie. Notre boucle du matin était «celle des journalistes», destinée aux petites natures qui ne savent pas bien comment maîtriser une moto hors route. Sauer, ancien champion européen de Enduro et détenteur de neuf médailles ISDE (dont huit d’or), ainsi que plusieurs autres employés de KTM, a roulé chaque jour au cours de ce lancement espagnol après que les journalistes furent repartis à l’hôtel pour un généreux cocktail et le repas. Ces gars de KTM ont emprunté une piste différente. 

Huit d’entre nous sont partants avec Sauer, ainsi qu’avec Giovanni Sala, ancien champion WEC et participant au Dakar, qui fermera la marche. À cinq cents mètres le long de la route de terre sur laquelle nous étions partis plus tôt dans la journée, Sauer, visiblement blessé après une dure chute la veille, bifurque à droite dans les buissons, descendant une colline abrupte longue de vingt mètres pour rejoindre un sentier étroit à peine visible. Ce tracé serpente parmi les collines et il est traversé en tous sens par de profondes ornières creusées par l’érosion des eaux de pluie. 

Je n’ai pas conduit de moto hors route depuis cinq mois et mes réflexes sont un peu amortis, mais je suis coincé derrière un conducteur timide qui ralentit au moindre obstacle. Je dois constamment faire attention à lui, ce qui brise mon élan et finit par me fatiguer. Comme il est difficile de dépasser dans cet étroit sentier, je décide de m’arrêter, je pose mon pied pour m’appuyer… dans le vide. Je perds l’équilibre et tombe sur le côté, heureusement sans me blesser, mais c’est là que je découvre le premier petit défaut de cette machine. Le réservoir de carburant étant monté sur l’arrière, il tient lieu de postérieur à la moto. Il n’y a pas de prise pour la main et je la saisis donc par l’arrière, là où se trouverait normalement une plaque d’immatriculation, et je soulève la monture. La pièce est solide, mais elle n’assure pas une bonne prise pour cette tâche. Je constate aussi que le silencieux devient très chaud. Je ne me brûle pas les mains, mais je sens la chaleur à travers mes gants; un confrère journaliste a brûlé une botte en tentant de régler les modes de puissance. J’ouvre et ferme le contact pour réinitialiser le capteur de renversement qui coupe le moteur en un tel cas, et je le redémarre.

C’est la première fois que je conduis hors route une moto dotée d’un embrayage à glissière et je trouve cela avantageux, mais d’une façon toute différente que sur une route asphaltée. J’en ressens l’effet davantage dans les longues descentes abruptes, où l’on roule souplement grâce au frein moteur très linéaire qui en découle, combiné avec les freins avant et arrière. 

Nous nous rassemblons au pied d’une colline horriblement escarpée (à mon humble avis). Elle fait au moins deux étages de hauteur et ses deux derniers mètres sont presque verticaux. Je regarde ceux qui me précèdent prendre un à un leur élan, passer en seconde, grimper la paroi et franchir le sommet, parfois de justesse avec la roue arrière qui patine sur le bord, projetant de la terre en contrebas. Sala donne quelques conseils au conducteur devant moi, celui qui avait de la difficulté dans le sentier, dont un très important. Avec son fort accent italien, il lui confie: «Garde l’accélérateur enfoncé, n’arrête surtout pas.» Mais il ne suit pas ce conseil et étouffe son moteur juste avant le sommet.

Heureusement, les conducteurs déjà en haut ont prévu le coup, attrapent sa roue avant et le tirent au sommet. Comme je crains de faire la même chose, je reste en première, j’enfonce les gaz et je saute élégamment la crête (un peu sans le vouloir), atterrissant bien d’aplomb sur mes deux roues, en me félicitant intérieurement. Sala vient ensuite, ne semblant avoir sauté qu’une petite bosse.  Je profite de cet arrêt pour passer devant le conducteur plus lent et continuer à un meilleur rythme. Le sentier est encore étroit, tortueux et ondulé. À cette vitesse, environ 60 km/h, la 690 Enduro ne fait pas son poids et maîtrise sans effort le terrain difficile, planant sur les sauts et traversant les ornières profondes. Debout sur les reposepieds, la moto me va comme un gant, bien que je serais curieux d’essayer de reculer le guidon (ses attaches sont réglables à quatre positions) pour me tenir plus droit.

La position debout m’évite de trop m’asseoir sur la selle ferme et étroite qui, tout comme celle de la 690 SMC, est conçue pour la «conduite énergique». Avec un peu d’élan, la Enduro exige beaucoup moins d’effort pour la maîtriser et se manie avec précision autour des obstacles. Les composantes de suspension WP absorbent les bosses souplement et sont beaucoup plus dociles que celles de la 530 EXCR de compétition testée dans notre numéro du mois de mai. Notre randonnée de 15 minutes en durera en fait 45, et j’en aurais pris encore davantage. Mais d’autres participants dans le groupe ne désiraient plus que prendre un bon bain chaud et un martini.  

Notre retour vers l’hôtel comporte un sprint le long d’un ruban d’asphalte tortueux un peu plus long que ce matin, ainsi qu’une petite incursion sur l’autoroute. Cela confirme la polyvalence de la 690 Enduro; enfin, voilà une double usage moderne de bonne cylindrée aussi compétente dans les sentiers que sur la route. Contrairement à la 530 EXCR plus ferme, la 690 Enduro plaira à un public plus large qui ne tient pas nécessairement à gagner des épreuves nationales de compétition enduro. Pour ceux qui aiment l’aventure, KTM propose des accessoires de tourisme tels des valises latérales en aluminium, une sacoche de réservoir et un plus grand réservoir de carburant de 18 litres. 

Je fais maintenant face à un dilemme. Je recherchais une machine pour mes déplacements quotidiens, des promenades de fin de semaine, l’exploration des routes de terre et des sentiers plus difficiles. Malgré sa selle peu invitante, la Enduro de 9798$ convient bien à tout cela  mais la selle n’est pas un vrai problème puisqu’une selle de remplacement en gel arrivera plus tard sur le marché. Je dois maintenant éliminer de mon garage les motos devenues redondantes à cause de cette nouvelle KTM. Il est temps de placer quelques petites annonces.
 Sur la terre Battue Avec la 690 Enduro, KTM peut se vanter d’offrir la double usage la plus techniquement avancée au Canada. Les BMW G650X Challenge et Yamaha WR250R sont les seules autres motos dans cette catégorie à injection; KTM porte la gestion numérique du moteur un cran plus loin avec un système de commande électrique des gaz (nommé EPT).

Tout comme sur la Yamaha R6 2006, première moto de série avec un tel système de contrôle électronique des gaz, la main droite du conducteur commande un capteur de position de l’accélérateur (et non pas l’accélérateur comme tel). Cette information, de même que certains autres paramètres du moteur, alimente l’unité de calcul électronique qui dicte ensuite l’ouverture du papillon des gaz selon une cartographie préétablie. C’est ce contrôle électronique qui permet d’incorporer divers modes de puissance, actionnés par un commutateur pivotant situé sous la selle. En cas de défaillance du système, le papillon des gaz peut tout de même être refermé à la main par un mécanisme à câble.

Le moteur LC4 comporte une culasse à quatre soupapes actionnées par un arbre à cames en tête (SACT) à leviers doubles à galets. Sa puissance est supérieure au modèle 640 qu’il remplace grâce à son alésage plus large de 1 mm et sa course plus longue de 2 mm (respectivement 102 × 80 mm), portant la cylindrée de 625 à 654 cm3. Le rapport volumétrique s’établit à 11,8:1 et sa puissance a augmenté sensiblement à 63 chevaux à 7500 tr/min, contre 53 chevaux à 7000 tr/min pour la 640. Le couple maximal est aussi augmenté de 7 lbpi, soit 47 lbpi (à 6000 tr/min). Les vibrations sont fortement réduites par l’ajout d’un contre balancier à pignon. Un sixième rapport vient aussi s’y ajouter. La 690 comporte un embrayage à glissière, la première moto hors route ainsi pourvue.

La Enduro partage son châssis avec la 690 SMC, un treillis de tubes d’acier au chromemolybdène, un choix inhabituel pour une double usage (qu’on retrouve aussi sur la Aprilia RXV). Ce choix de conception fait que le moteur est suspendu sous le cadre, laissant son ventre vulnérable, mais qu’on protège par une plaque ventrale en composite. La géométrie de sa direction est plus nerveuse que la 640 Adventure, avec un angle de 27 degrés, une chasse de 115 mm et un empattement de 1450 mm/57,1 po (respectivement de 27,5 degrés, 124 mm et 1510 mm / 59,5 po sur la Adventure). Son réservoir de 12 litres monté à l’arrière est aussi inhabituel, tenant lieu de queue à la monture. La boîte à air est située audessus du moteur, là où se trouve habituellement le réservoir. Son poids avec liquide, sauf le carburant, est bien inférieur à celui de la 640 Adventure (149 kg / 328 lb), soit 138,5 kg / 305 lb. Ses instruments combinent des affichages analogiques et numériques. 

Rompant avec sa configuration traditionnelle à monoamortisseur sans tringlerie, KTM emploie ici une suspension ProLever (qui manquait à la gamme depuis plusieurs années) à tringlerie à taux progressif, une première sur les modèles 690. L’amortisseur WP se règle en précharge et en détente ainsi qu’en compression haute et basse vitesses, et il fait équipe avec un bras oscillant en aluminium coulé d’une seule pièce. Le mécanisme de suspension arrière, en plus d’amener le contrôle précis de la compression, permet d’accentuer l’angle de l’amortisseur, libérant ainsi de l’espace pour augmenter la capacité du réservoir de carburant. La fourche inversée WP de 48 mm se règle en précharge, compression et détente.

Afin que sa selle ne soit pas trop haute malgré des roues de 21 pouces devant et 18 pouces derrière, la course de sa suspension est réduite respectivement de 25 et 15 mm (comparée à celle de la 690 SMC aux roues de 17 pouces), ramenant le débattement à 250 mm (9,8 po) partout. Cet abaissement des suspensions place la selle seulement à 10 mm de plus, soit 910 mm (35,8 po), que celle de la SMC. Malgré ce débattement plus court, la garde au sol reste à un bon 300 mm. Le réglage plus souple des suspensions, comparé à la SMC, amène une flexion plus marquée lorsqu’on s’y assoit, abaissant encore la selle.

Pour des raisons évidentes, le grand frein à disque antérieur de 320 mm de la SMC et son étrier radial à quatre pistons sont ici remplacés par un rotor ondulé de 300 mm pincé par un étrier flottant à deux pistons. Derrière, on retrouve le même disque de 240 mm et l’étrier monopiston. Les étriers sont de Brembo sur les deux machines.  

Tout comme chez son compétiteur BMW, l’ensemble arrière feux clignotants / plaque d’immatriculation peut s’enlever facilement pour rouler énergiquement hors route. Les protecteurs de mains font partie de l’équipement de base. Autre indice du destin sérieux de la Enduro, l’absence de repose-pieds pour passager.

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