BMW a ajouté à sa populaire gamme GS un modèle mû par un bicylindre parallèle qui en donne un peu plus, mais dans une plus petite enveloppe que sa grande sœur, la R1200 GS.
Peu de scénarios portent aussi naturellement à rire qu’une conférence de presse se déroulant en allemand et traduite simultanément en anglais. Nous sommes dehors à la nuit tombée, humant l’air humide du continent africain et écoutant à l’aide de minuscules casques d’écoute les responsables des nouveaux produits de BMW nous parler du tout nouveau modèle du constructeur bavarois : la F800GS. L’interprète, qui sait à juste titre que la fluidité du débit l’emporte sur l’exactitude du discours, déverse une marée de mots à propos du modèle vedette. Toutefois, la combinaison d’allemand retransmis par les haut-parleurs, d’anglais dans mes écouteurs et d’alcool dans mon sang fait que j’ai le regard fixé sur le crâne dégarni de l’homme qui est assis devant moi. Le lendemain matin, je ne me souviens plus que des boissons fruitées présentées sur des cabarets tenus par de charmantes jeunes dames. Mais les responsables du lancement de presse avaient prévu l’amnésie des voyageurs, et un seul coup d’œil au dossier de presse me permet de constater que BMW est particulièrement fier de son nouveau modèle.
La résurgence de BMW au cours des dernières années est principalement attribuable au succès remporté par l’un de ses modèles, la GS. L’étrange combinaison d’un moteur boxer couplé à un cadre de moto hors route a connu un franc succès à l’échelle internationale. En fait, sur son propre marché, en Allemagne, ce modèle a permis à BMW de se hisser du sixième au premier rang des constructeurs au chapitre des ventes, la GS devenant la moto la plus vendue dans ce pays. C’est une moto qui fonctionne nettement mieux que l’ensemble de ses composantes le laisse suggérer. Tellement, en fait, que ce modèle demeure ma moto polyvalente favorite même si, je l’avoue, le boxer n’est pas le type de moteur que je préfère. Mais il n’en reste pas moins que cette moto est dispendieuse et très haute, et à moins que vous ne soyez exceptionnellement doué en conduite hors route, elle fait davantage figure de moto pour routes abîmées que de moto de hors route.
BWM a fait preuve de franchise en déclarant qu’il visait à attirer une clientèle plus jeune, et le constructeur ne cesse d’élargir sa gamme de modèles en tentant de plaire à tout un chacun – comme procéder au lancement d’un modèle 450 enduro et le réviser l’année suivante pour le destiner au championnat mondial de Superbike – et il a démontré autant d’audace en choisissant des configurations de moteur qui lui sont peu connues. Outre les habituels bicylindres à plat, on trouve des monocylindres, des quatre cylindres transversaux et, bien entendu, le quatre cylindres en ligne monté longitudinalement qui propulse la K1200 LT (un moteur dont les racines remontent au modèle original K100 1983). Les modèles F800S et ST ont introduit les bicylindres parallèles mus par un entraînement final par courroie, et c’est à ce modèle que la F800GS s’apparente le plus. Mais si les mots bicylindres parallèles et BMW semblent une étrange combinaison, il n’y a rien d’inhabituel à propos de l’orientation à la fois hors route et route de la F800GS; elle s’insère parfaitement dans le créneau que le constructeur allemand a créé il y a plus de 25 ans.
En chevauchant la BMW avant de quitter mon hôtel de Durban, en Afrique du Sud, je remarque immédiatement à quel point la F800GS est élancée, et bien que son poids attribué soit de 185 kg (408 lb), elle semble beaucoup plus légère. Comparativement aux motos de route F800S et F800ST, la carrosserie minimaliste de la GS lui donne davantage l’apparence d’un monocylindre que d’un bicylindre de 798 cm3 à 360 degrés (les deux pistons montant et redescendant simultanément). Le son rauque des échappements se veut également une plaisante surprise et une nette amélioration par rapport au son sans éclat du bicylindre parallèle du modèle roadster. Nous ne saurons jamais si BMW avait l’intention de conférer à ses modèles F800S et ST le même son qu’une trancheuse à viande de charcuterie, toujours est-il que l’amélioration sonore de la GS est saisissante, et bienvenue!
Bien que la puissance attribuée par BMW soit de 85 ch à 7 500 tr/min, nul besoin de faire grimper les tours pour que le moteur soit divertissant. La puissance se fait véritablement sentir à partir de 3 000 tr/min et en deçà de ce régime, le moteur devient extrêmement sensible au moindre changement de position du papillon qui caractérise la plupart des systèmes à injection d’essence modernes. Ce qui rend le moteur Rotax de la GS aussi attachant est le fait qu’il s’agit d’un bicylindre parallèle moderne évolué à contre-balancier qui présente des caractéristiques permettant d’en déceler les origines. En d’autres termes, il émet un bourdonnement propre aux bicylindres parallèles en dépit de l’ajout d’une troisième bielle reliée à un poids visant à contrebalancer les vibrations de premier et de deuxième ordres. Toutefois, il n’y a pas à craindre que cette vibration vole la vedette, puisque la différence entre ce moteur et un bicylindre d’autrefois se mesure à la vitesse de la lumière, et la vibration n’est en fait qu’un chatouillement tolérable retransmis par les repose-pieds à des régimes moteurs supérieurs à 6 000 tr/min. Le rupteur de régimes entre doucement en action à 9 500 tr/min et son couple abondant fait qu’il est inutile de grimper les tours au-delà de ce régime. À 120 km/h, le régime moteur atteint 5 000 tr/min, tandis qu’à 140 km/h, il grimpe à 5 800 tr/min, soit, dans les deux cas, en deçà du point où la vibration est perceptible.
Piloter la F800GS me rappelle les caractéristiques les plus plaisantes de la R1200GS : une position de conduite sensée et des performances exploitables. Le large guidon et la position de conduite qui place les pieds sous les hanches conviennent à tous les genres de revêtements routiers et à toutes les vitesses, tandis que ses performances sont exemplaires entre 80-140 km/h, vitesses auxquelles la plupart des gens conduisent. Le petit carénage et le pare-brise protègent bien la poitrine contre les coups de vent, ce qui est essentiel sur une machine affichant une position de conduite aussi relevée, et les turbulences autour du casque sont minimes.
Quand on compare la F800GS aux modèles roadster F800S et ST, on découvre une moto étonnamment différente. Ce qui est le plus apparent à l’œil est l’inclinaison vers l’avant des cylindres, qui sont penchés à 30 degrés sur les modèles S et ST, mais seulement à 8 degrés sur la GS afin de rendre les composantes mécaniques plus compactes et, ainsi, réduire l’empattement. Les composantes internes du moteur sont similaires, bien que celui-ci présente un profil d’arbre à cames révisé afin d’accroître la puissance à bas régime, ce qui convient mieux au caractère polyvalent de la GS.
Contrairement au moteur qu’elle partage avec les autres modèles de la gamme, le cadre est propre à la GS et le couvert de l’embrayage a été modifié afin d’augmenter l’espace pour les pieds. Les organes de roulement ont également subi une refonte substantielle, la GS délaissant le monobras oscillant unilatéral et l’entraînement par courroie des modèles roadsters pour un bras oscillant bilatéral et un entraînement par chaîne convenant mieux à la conduite hors route. Le diamètre des roues a aussi été modifié, avec une roue de 17 pouces à l’arrière et de 21 pouces à l’avant.
Comme je ne pratique la conduite hors route qu’une seule fois par année, je devrais me montrer plus discret, éviter les sentiers hors route pour « experts » facultatifs, et me contenter plutôt de me faire bronzer sur le bord de la piscine, mais je suis venu de trop loin pour me défiler. Donc, j’enlève le revêtement en caoutchouc amovible des repose-pieds, révélant ainsi des crampons en métal, et je m’aventure dans la nature. Je progresse rapidement jusqu’à ce que je tombe sur une série d’ornières profondes sur une pente abrupte. La terre desséchée est recouverte de poussière de gravier qui rend le sol aussi lisse que du Teflon, et les pneus double usage adhèrent difficilement à la chaussée, même avec la pression abaissée. Puis finalement, quand je m’enfonce dans une ornière d’un pied de profondeur, je « plie comme une omelette », pour paraphraser le pilote qui me suit, et je chute dans un talus, laissant la moto derrière moi. La GS serait une excellente monture hors route si ce n’était de la faiblesse de ses pneus de route, et elle est nettement plus maniable que la R1200GS. (Pour être honnête, je dois vous avouer que certains essayeurs ont réussi à gravir la pente abrupte à l’aide des mêmes pneus, donc c’est peut-être moi le problème.)
Différents constructeurs excellent dans différents aspects de la conception des motos, et BMW est peut-être le meilleur pour ce qui est du calibrage des suspensions. Les suspensions des montures de sport-tourisme de BMW allient habituellement un équilibre parfait entre souplesse et rigidité; la F800GS perpétue cette tradition, car sans même ajuster la précontrainte ou l’amortissement de la fourche ni même la précontrainte de l’amortisseur, nous nous attaquons à tout, passant de virages rapides sur routes pavées aux sentiers noueux pour le bétail. Le débattement des roues attribué est de 230 mm, entre la fourche inversée de 45 mm et la suspension arrière de 215 mm, et la hauteur de selle atteint 880 mm (34,7 pouces) ou 850 mm (33,5 pouces) avec la selle abaissée en option. Avant d’ignorer la GS en raison de sa hauteur de selle de 35 pouces, attendez de l’essayer. Le réservoir à essence monté sous la selle procure une emboîture très étroite à l’avant du siège, et combiné à l’étroitesse du moteur, on dirait que la hauteur de selle est plus basse de plusieurs pouces par rapport à sa hauteur réelle.
Au lancement de presse, mes collègues journalistes canadiens et moi sommes jumelés à des essayeurs suisses très intenses et, durant une pause, un des essayeurs ne cesse de rouler à vitesse élevée puis de freiner avec force pour tester le fonctionnement du système ABS. Bien qu’il puisse s’agir d’une façon pratique de tester les capacités antiblocage, ce n’est pas ainsi que nous procédons à Moto Journal. J’attends un peu plus tard dans la journée, quand nous commençons à ressentir la fatigue et sommes aveuglés par le soleil couchant, dans la circulation dense d’un secteur urbain congestionné à l’heure de pointe. Je me laisse distraire par une Africaine qui marche sur le trottoir avec une table de cuisine de bonne dimension en équilibre sur sa tête, et je me promets que la prochaine fois que j’amène ma famille chez IKEA, nous marcherons avec nos achats attachés sur la tête. C’est alors que je constate que mes compagnons de route sont arrêtés à un feu rouge. J’applique les freins avec force et les doubles disques flottants de 300 mm agrippés par des étriers à double piston à l’avant (disque de 265 mm mordu par un étrier à simple piston à l’arrière), sous la surveillance constante de l’ordinateur du système ABS, me ralentissent tellement doucement que personne ne me fixe, même si je manque tout juste de ne pas rentrer la tête la première dans le derrière de mes collègues qui attendent à l’intersection. J’espère que les acheteurs éventuels retiendront mon conseil : ne lésinez pas, commandez le système ABS en option, et n’invoquez pas comme excuse que l’ABS est une nuisance sur les sentiers hors route – un interrupteur situé près du levier d’embrayage permet de le désactiver aisément.
La question que je me posais avant d’essayer la F800GS était de savoir si ce modèle remplacerait la R1200GS comme ma moto polyvalente favorite. Or, il n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît de répondre à cette question. Si vous voulez seulement rouler à l’occasion sur une route de campagne, le moteur boxer paresseux et la selle plus accueillante de la 1200GS en feront un meilleur choix. Mais pour toute autre chose que des randonnées d’un océan à l’autre, la 800GS est sans doute la meilleure moto, particulièrement si on considère sa supériorité en conduite hors route ainsi que son prix de 12 250 $, soit 4 500 $ de moins que la R1200GS. Le seul inconvénient est que BMW a annoncé que les unités produites ne seraient pas offertes au Canada avant l’automne 2008, faisant de la F800GS un modèle 2009. Mais pour ceux qui songent depuis longtemps à sortir des sentiers battus, cette attente pourrait valoir la peine.
Vaincre les vibrations
Les vibrations ont toujours été le talon d’Achille des moteurs mono et bicylindres. Elles constituent un élément intrusif qui diminue le plaisir de l’expérience motocycliste. Ce fait à lui seul explique les efforts gigantesques des différents fabricants au fil des ans pour isoler le pilote des vibrations au moyen de divers systèmes de supports pour moteur (qui font appel en général à un matériau qui absorbe les vibrations tel le caoutchouc). Mais au-delà du facteur confort, les vibrations excessives compromettent la fiabilité et entraînent finalement des pannes mécaniques dues à la fatigue, ce que les supports de caoutchouc ne peuvent prévenir.
Les arbres d’équilibrage contrarotatifs représentent une autre façon de régler le problème de vibration du moteur, et leur capacité à minimiser la vibration à la source explique leur usage répandu au fil des ans (ils sont même utilisés sur des moteurs quatre cylindres tels les Suzuki GSX-R750 et 1000). Bien qu’ils atténuent les vibrations de façon efficace, ils ajoutent du poids et une traînée parasitique au moteur, amenuisant son efficacité et ses performances.
Cependant, il existe une autre façon d’aborder le problème, comme le démontre le moteur F800. Les motocyclistes plus âgés se souviendront peut-être de la Ducati Supermono, une moto de course sur route dotée d’un monocylindre de 550 cm3 introduite en 1993 pour courir dans la série Sound of Singles. Ce qui rendait cette moto exceptionnelle (hormis ses performances stellaires), c’était son moteur, le premier à adopter une nouvelle approche pour éliminer les vibrations. Conçu par Massimo Bordi, le moteur était littéralement une moitié d’un 851 cm3 bicylindre en L (avec un piston alésé et coursé produisant 549 cm3). Curieusement, les deux bielles avaient été gardées, mais le piston vertical et la culasse avaient été remplacés par un poids d’équilibrage contrarotatif. Il résultait de cette nouvelle approche un moteur à qui l’on avait fait croire, faute d’une meilleure explication, qu’il était un bicylindre à 90 degrés. Le produit final était un moteur doté d’un équilibre primaire parfait et, par conséquent, d’un roulement inhabituellement doux et capable de tourner beaucoup plus vite qu’un monocylindre ne le devrait. Le moteur pouvait ainsi produire un étonnant 75 chevaux, une puissance inégalée à ce jour pour une monocylindrée de poids moyen.
Les bicylindres verticaux (tels ceux utilisés dans la série F800) sont habituellement fabriqués dans l’une de deux configurations de vilebrequin : 180 degrés (les pistons montent et descendent à l’opposé l’un de l’autre) ou 360 degrés (les deux pistons montent et descendent ensemble). Certains fabricants (par exemple Kawasaki avec le bicylindre vertical de 650 cm3) utilisent la configuration 180 degrés qui offre l’équilibre inhérent à deux pistons dont les forces d’inertie s’annulent mutuellement. Bien que cette configuration donne un moteur qui roule en douceur en matière de vibrations sur le plan vertical, elle est pénalisée par l’introduction d’une vibration latérale de « couple balancier » où le moteur balance d’un côté à l’autre en synchronisme avec le mouvement de haut en bas des pistons opposés.
D’autres concepteurs, comme Rotax lors du développement du moteur F800, ont choisi la configuration 360 degrés. Bien que celle-ci élimine le « couple balancier » qui affecte la configuration 180 degrés, elle souffre d’un tremblement vertical semblable à celui d’un monocylindre. Pour aborder ce problème sans faire appel à l’équilibrage contrarotatif, les ingénieurs de Rotax se sont inspirés du Supermono et ont ajouté un troisième maneton, positionné au centre du vilebrequin à 180 degrés des autres manetons. Ce faux maneton comporte une bielle qui actionne un contrepoids calculé avec précision qui pivote sous le vilebrequin. Ce poids monte et descend en direction opposée aux pistons, éliminant presque entièrement les forces en déséquilibre qu’on retrouve sur les moteurs de cette configuration. Le troisième maneton agit essentiellement comme les deux pistons centraux d’un moteur à quatre cylindres en ligne. BMW affirme que cette méthode offre l’avantage de consommer moins d’énergie qu’un arbre d’équilibrage contrarotatif classique en plus de permettre un moteur plus compact.