Honda CBR1000RR, génériquement rapide

Par Costa MouzourisPublié le

Vous connaissez maintenant le principe. Honda redessine sa CBR1000RR en 2008 et le reste en découle : elle est plus légère, plus rapide et plus agile.

Traverser la moitié de la planète pour piloter les plus récents modèles de motos de performance sur des circuits de Grand Prix approuvés par la FIM, c’est un travail exigeant. Les voyages en avion sont ardus, avec les attentes, les délais et les pertes de bagages (c’est la deuxième fois de suite que mon équipement manque à l’appel), en plus de la fatigue des décalages horaires. Puis, on doit assister à des séances d’information techniques fastidieuses (on aimerait mieux aller piloter qu’écouter le discours marketing). Heureusement, la présentation technique de la Honda CBR1000RR au Qatar ne dure que 45 minutes, au cours desquelles on nous bombarde des termes de marketing habituels : équilibre optimal, masse centralisée, puissance maximisée, poids réduit et même la promesse d’« une profonde expérience spirituelle ». Ah bon…

Puis, vient la récompense ; on nous permet d’essayer la nouvelle CBR – et aussitôt qu’on relâche le levier d’embrayage de cette sportive de classe Open, on oublie tous ses petits tracas (même mes pieds nus compressés dans des bottes trop petites) et les promesses sont tenues : cette nouvelle CBR1000RR est vraiment améliorée.

Je suis d’abord frappé par son apparence qui, malgré les critiques dans les forums et les blogues, est assez impressionnante en personne. Les panneaux de carrosserie profilés se démarquent du design anguleux de machines concurrentes, et sa partie arrière en forme de lame, qui n’intègre plus le pot d’échappement, n’était sans doute qu’un coup de crayon sur la planche à dessin. Ses clignotants de virage et ses rétroviseurs empruntent un look effilé. Bien que son nez paraisse un peu disproportionné sur les photos, il est mieux en réalité et confère à la moto une apparence plus petite lorsqu’on l’enfourche, car il disparaît de la vue sous la mentonnière de votre casque, et cela est aussi dû à la position de conduite davantage inclinée de 10 mm vers l’avant et vers le bas. Les guidons sont plus hauts de 6,5 mm et 2 mm plus avancés, donnant un cockpit très compact.

La Honda CBR1000RR est la seule supersport de classe Open à avoir réduit son poids (4 kilos de moins que le modèle précédent) ; les autres marques font grimper la balance, surtout en raison de leur convertisseur catalytique plus lourd requis par les normes antipollution Euro-3. Bien qu’on n’indique pas le poids net (199 kg/439 lb avec liquides), la réduction la situerait à 172 kg (379 lb), ce qui en fait une moto parmi les plus légères de sa catégorie. On pourrait croire que, comme Honda ne s’inscrit pas dans un échéancier de deux ans de révision de design, on devait perdre beaucoup de poids, mais les changements vont plus loin.

Son moteur de 999 cm3 est tout nouveau, avec un alésage plus large (76 mm) et une course plus courte (55,1 mm) (contre 75 x 56,5 mm pour la cuvée précédente). Ses dimensions extérieures sont plus compactes et son moteur compte pour 2,5 kg dans la réduction de poids de la CBR. Le carter compte désormais un bloc-cylindre distinct sans chemise, enduit de Nikasil, rapproché de 1 mm. Les pistons plus solides, forgés et enduits de molybdène, ont des parois plus minces afin de les alléger et de raccourcir le temps de réponse du moteur tout en élevant légèrement le taux de compression (de 12,2:1 à 12,3:1). La culasse plus légère et plus étroite de 15 mm comporte des cames plus légères (une économie de 0,5 kg) agissant sur des soupapes d’admission en titane léger, d’un diamètre plus large de 1,5 mm (pour 30,5 mm), tandis que les soupapes d’échappement demeurent à 24 mm. L’arrivée d’air forcé à double conduit, dont les ouïes sont situées sous les phares, alimente une grande boîte à air de 9,7 litres via des soupapes papillon servoassistées contrôlant le débit pour une meilleure performance à tous les régimes. Le système d’injection de carburant à deux étapes comprend des corps de papillon plus larges (46 mm) et deux injecteurs à 12 trous par cylindre pour une pulvérisation plus fine. Ces changements se traduisent par davantage de puissance dans les hauts régimes au dépend d’une certaine diminution dans les régimes inférieurs et moyens.

Autre nouveauté de cette année, l’ajout de la soupape de contrôle électronique du ralenti (IACV), d’abord introduite sur la CBR600RR 2007, qui adoucit la fermeture des gaz. Le système de contrôle d’interruption d’allumage (IICS), dont le rôle est d’aider à adoucir l’ouverture et la fermeture des gaz en réduisant le jeu des pignons, est aussi une nouveauté. Un ordinateur contrôle les changements de la décélération à l’accélération en enregistrant la position des gaz, le régime du moteur et la vitesse de rotation du pignon d’entraînement. Entre 2 500 et 6 000 tr/min, l’allumage est interrompu si nécessaire afin d’éliminer les réactions trop rudes.

Le déploiement de la puissance est encore aidé par la présence de deux soupapes situées à l’intérieur du silencieux à catalyseur. En plus de l’habituelle batterie de chambres antibruit, le silencieux comporte une soupape centrale à ressort et une soupape contrôlée numériquement qui ferme la grande sortie d’échappement. À basse vitesse, les deux soupapes sont fermées, ce qui augmente la pression et améliore le couple, tout en assourdissant le bruit. À grande vitesse, les deux soupapes s’ouvrent, laissant l’air circuler plus librement et améliorant le dégagement de puissance, tout en laissant entendre une musique attrayante, mais pas trop bruyante. Le nouvel emplacement du pot d’échappement abaisse le centre de gravité et raccourcit le moment d’inertie, favorisant des virages plus vifs. Notons aussi la présence d’un embrayage à glissement limité.

Malgré la reconfiguration de la courbe de couple, la CBR transfère sa puissance à la roue arrière d’une façon souple et progressive, prenant rapidement son élan avec l’augmentation des révolutions. Mais surtout, cette puissance reste docile. À la sortie des virages les plus lents du circuit Losail, je donne habilement des gaz et suis récompensé par une accélération régulière et puissante. Dans les premiers rapports sur la nouvelle CBR, on mentionnait un genre de contrôle de la traction, mais il n’en fut pas question lors de la séance technique, et les ingénieurs le dénient lorsqu’on leur pose la question. Malgré l’absence de contrôle électronique de la roue arrière, les transitions d’accélération sont soyeuses et inspirent confiance, davantage que sur d’autres motos de même cylindrée. Cette souplesse, sans aucun palier dans la courbe de puissance, ne doit pas faire oublier que cette Honda est excessivement rapide, et j’ai atteint les 284 km/h en ligne droite, en cinquième rapport, avant de ralentir pour le premier virage.

J’appréciais la première génération de la CBR1000RR ; elle se démarquait des autres supersport japonaises, elle avait son propre caractère – à défaut d’un meilleur terme, disons qu’on la sentait différente. Je comparais sa maniabilité à celle d’une superbike Ducati ; elle se comportait solidement et inspirait confiance dans les virages, des qualités difficiles à battre. Cette stabilité impliquait cependant une concession quant à l’effort sur le guidon. Sur la route, les avantages de cette stabilité dépassaient ses inconvénients, même si la CBR précédente ne gagnait pas toujours les comparos. On se sentait rapidement à l’aise sur l’ancienne CBR1000RR, surtout les conducteurs qui n’avaient pas encore atteint le niveau des compétitions nationales. Mais tout cela est du passé puisque le caractère unique de la CBR a été quelque peu dilué avec son nouveau design. La nouvelle CBR est désormais aussi rapide, légère et agile que ses concurrentes. Toutefois, c’est votre propre niveau d’habileté qui déterminera si cela est avantageux ou non. Pour qui est capable d’en tirer parti, le modèle 2008 offre de meilleures performances, mais il est moins indulgent.

Bien que le cadre ne comporte plus que quatre sections au lieu de neuf (fabriquées selon la technique de moulage fin en creux), il pèse 1,4 kg de plus. Ce poids supplémentaire est sans doute dû à la rigidité supérieure de 13 % latéralement, 40 % en torsion et 30 % verticalement. Bien que la géométrie de la direction soit très peu altérée depuis la cuvée précédente – elle était à un angle de 23,5 degrés, une traînée de 100 mm et un empattement de 1 412 mm (55,6 po), et se situe maintenant à 23,2 degrés, 96 mm et 1 405 mm (55,3 po) – le châssis plus rigide et la distribution différente du poids affectent grandement la maniabilité. Les étriers et les disques de freins, les roues, le cadre secondaire amovible en aluminium et l’amortisseur de direction contrôlé électroniquement sont plus légers. La CBR tourne maintenant avec beaucoup moins d’effort, plus rapidement et se penche plus facilement dans les virages serrés. Au freinage, les réactions de la roue avant sont très bonnes, au moment où l’action d’équilibrage des gaz décrite plus tôt vient adoucir la transition du freinage à l’accélération lorsque penché.

Initialement, le réglage des suspensions est trop tendre (et nous sommes sur les pneus de série Bridgestone BT105) et la moto ondule lors d’un long virage gauche. Lors d’essais ultérieurs, on a resserré les suspensions et changé les pneus pour des BT002 de compétition, après quoi la stabilité à grande vitesse s’est rétablie. Mais en comparaison avec la cuvée précédente, le sentiment de solidité exceptionnelle lors de fortes inclinaisons a disparu. La machine n’est pas moins compétente à ce chapitre, elle l’est peut-être même davantage, mais elle donne une impression différente. J’en ai parlé avec un des ingénieurs, qui attribue cela à son poids réduit.

Le freinage est remarquablement affirmé et souple (les étriers Tokico sont désormais monoblocs) et fait équipe avec l’embrayage et le contrôle électronique du ralenti pour entrer rapidement dans les virages. On ressent une légère poussée au levier d’embrayage lorsqu’on le relâche en décélération, un point commun aux motos pourvues d’un embrayage à glissement limite actionné par câble.

Dans un tel lancement sur un circuit de course, je réserve le plaisir pour la fin, quand je suis certain d’avoir pris suffisamment de photos et qu’il n’y a plus de risque de manquer d’informations à cause d’un incident de parcours. À ma dernière séance de la journée, je roule à fond pour profiter égoïstement de la piste et de la machine. Je file assez vite et je me sens à l’aise sur la Honda, et je me dis que je roule à bon train, car l’arrière commence à glisser quand la moto est penchée au milieu du virage. Jusqu’ici, les Bridgestone ont démontré un mordant sans faille, mais à présent la moto glisse avec régularité et de façon prévisible. Je maintiens le rythme tout en savourant mon plaisir. Ce n’est qu’une fois de retour au paddock que je réalise que j’aurais pu endommager la machine : le pneu arrière est râpé, les couches de caoutchouc se détachant comme des pelures d’oignon. Selon toute vraisemblance, c’est le pneu qui est défectueux et non pas la moto. Les ingénieurs de Bridgestone ramènent la moto au garage et s’excusent de l’inconvénient, indiquant que le pneu allait être renvoyé au Japon pour inspection. Je les remercie de leur sollicitude en me disant enchanté d’avoir participé à leur programme de recherche et développement. 

La nouvelle CBR1000RR procure une sensation de la piste et réagit à l’accélérateur de façon à donner une grande maîtrise, ce qui est très apprécié pour une supersport de classe Open. J’aurais seulement aimé qu’elle retienne aussi un autre trait important : son caractère unique.

Exergues :
Je suis d’abord frappé par son apparence qui, malgré les critiques dans les forums et les blogues, est assez impressionnante en personne.

Malgré l’absence de contrôle électronique de la roue arrière, les transitions d’accélération sont soyeuses et inspirent confiance, davantage que sur d’autres motos de même cylindrée.

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