Beaucoup d’entreprises récompensent leurs meilleurs employés, mais ce n’était pas la promesse d’un bureau en angle ou d’une voiture de fonction qui excitait Jordan Szoke- c’était la possibilité de piloter la moto de course de MotoGP de Kawasaki, après la fin de la saison à Valence, en Espagne.
Pour une compagnie dont le nom est habituellement synonyme de performance, Kawasaki a eu de la difficulté à gagner des championnats ces dernières années. Kawasaki est retournée dans le AMA Superbike après une année d’absence et s’est retrouvée face au duel de Spies et Mladin. Dans le Word Superbike, Kawasaki se trouve couramment derrière Ducati, Honda, Suzuki et Yamaha, et c’est pareil en MotoGP, où, à part de bonnes performances l’an passé, leurs gens voient souvent la course à partir de l’arrière de la grille. Mais au Canada, c’est différent. Dans les années 90, ils ont gagné neuf titres de Superbike en ligne avec cinq pilotes distincts, incluant Jordan Szoke en 1998. Puis le championnat a tourné entre Honda, Suzuki et Yamaha avant que Szoke qui avait démissionné pour Kawasaki ne gagne les titres de Superbike et 600 en 2006 et de nouveau en 2007.
Le gestionnaire de courses de Kawasaki, Jeff Comello voulait remercier Szoke pour ses succès tout en sensibilisant le siège social au Japon au programme de course canadien de Kawasaki. Comme le Canada n’héberge aucune course du World Superbike ni de MotoGP, il manque de visibilité internationale et un bon essai par un multiple champion canadien serait bon pour Szoke et pour Comello. Mais il est difficile d’avoir une place pour piloter cette moto, et Comello admet qu’il a dû obtenir l’autorisation des responsables canadiens et japonais. « Chaque minute que la moto de MotoGP roule coûte une fortune, alors il faut faire la couverture médiatique », explique Comello, comme le suggère son second titre d’assistant du gestionnaire marketing sur sa carte de visite.
Lorsque j’ai parlé à Szoke, il était de retour au Canada depuis une semaine, mais il était encore excité de son voyage en Espagne : « C’était fou, il y avait tellement d’admirateurs ! Même les journées d’essais libres et d’essais chronométrés étaient télévisées ! » Szoke a assez d’expérience pour que je puisse deviner sa réponse quand je lui ai demandé s’il avait une certaine appréhension avant de sortir sur le circuit, le lendemain du GP. « J’étais nerveux, dit-il simplement, j’avais juste hâte ». La température matinale était fraîche, ce qui implique une faible traction sur un revêtement froid, aggravée par le fait que la plupart des virages étaient à gauche, le côté droit du pneu ayant donc des difficultés à atteindre sa température idéale de fonctionnement. Mais ce n’était pas le genre de journée où vous prenez un café de plus en bavardant avec vos amis jusqu’à ce que le soleil s’élève bien haut – quand on vous dit d’y aller, il faut y aller !
Quand il a enfourché la ZX-RR, Szoke a immédiatement été frappé par la taille de l’engin : « Plus comme une moto-cross 450 qu’une moto sport 600, affirme-t-il, avec un siège très haut, je ne suis pas petit, mais j’étais sur la pointe des pieds. (Kawasaki annonce une hauteur de selle impressionnante de 850 mm) Et il n’y a rien d’inutile sur cette moto ! Sur nos motos basées sur des modèles de production, nous devons toujours enlever des pièces inutiles. »
Szoke avait obtenu le droit d’effectuer deux séances de cinq tours avec la possibilité d’une troisième, ce qui est peu pour une moto inconnue sur un circuit inconnu, surtout que c’était la première fois qu’il utilisait des freins au carbone. En quittant les puits, il reconnaît que le moteur fait un son bizarre, ce qui est la norme en MotoGP, où l’ordre d’allumage modifié et l’échappement libre donnent l’impression que le moteur est sur le point d’exploser. Mais le moteur s’adoucit quand les régimes montent, et la ZX-RR était étonnamment facile à piloter. « D’un côté, elle ressemble à une 600, et plus je poussais, mieux cela allait. Cela m’a pris un certain temps pour réaliser que l’antipatinage fonctionnait, tellement il est transparent pour le pilote. Plus je prenais confiance, plus j’ouvrais les gaz tôt en sortie de virage, mais la roue arrière ne glissait plus, elle se comportait très bien. » Szoke pense que les motos de différents manufacturiers ont une sorte d’ADN qui leur est propre, et il reconnaissait l’ADN des motos de production dans cette moto de course. « Et j’aime l’ADN Kawasaki », dit-il.
Dans le passé, les MotoGP de Kawasaki avaient la réputation d’être difficiles à piloter, avec une réponse à l’accélérateur très sensible et une tenue de route délicate. « J’ai fait rire les mécanos dans les puits, plaisante Szoke, en leur disant qu’une moto délicate à piloter est comme une moto de superbike préparée pour la course avec l’injection d’essence et 185 ch. »
Valence est l’un des circuits les plus serrés en GP, ce qui réduit les vitesses maximums, mais tout est relatif. Bien que Randy de Puinet sur Kawasaki ait terminé neuvième dans la course, lui et son coéquipier Anthony West ont obtenu les plus hautes vitesses maxi, à près de 300 km/h. C’est un circuit exigeant pour les freins, et Szoke était vraiment impressionné par les siens. « Le levier était doux comme de la soie; c’est comme si vos doigts étaient directement sur le revêtement, vous pouviez tout ressentir. »
À la fin de sa seconde séance, Szoke a réussi un meilleur temps de 1 minute 40 secondes, un temps respectable à seulement 8 secondes des meilleurs en course. Szoke pensait qu’une troisième séance sur un circuit plus chaud dans l’après-midi lui aurait permis d’enlever encore trois ou quatre secondes, mais cela fut impossible car la ZX-RR avait « fait son temps » :le kilométrage est soigneusement enregistré, et lorsque la moto doit aller en révision elle n’a plus le droit de bouger.
« C’était le plus beau jour de ma carrière de pilote, prétend Szoke au sujet de son expérience à Valence. J’ai gagné la chance de piloter cette moto. » Szoke, 28 ans, est encore deux ans sous contrat avec Kawasaki Canada, avec une option de partir un an plus tôt s’il trouve un siège en dehors du Canada. Mais il aimerait rester avec Kawasaki, surtout s’il avait une occasion en MotoGP ou en World Superbike. « Est-ce que ça fait drôle de penser que tu ne remonteras peut-être jamais sur une MotoGP ? » ai-je questionné. « Roger Hayden a fait moins de tours que moi et il a eu la chance inattendue de piloter à Laguna Seca l’an dernier, et Kawasaki semble aimer donner des chances inattendues à des pilotes, donc tout est possible ! »