BMW G650 XMOTO, mission délicate

Par Didier ConstantPublié le

Qui aurait dit que BMW commercialiserait un jour une moto de supermotard ? Et qu’elle partagerait son moteur et sa partie cycle avec deux autres machines : une moto double usage et une moto d’enduro ? Eh bien, c’est le pari que tente de relever la G650 Xmoto

Assis à la terrasse du restaurant Les sucreries de l’Érable, à Frelighsburg, j’entends distinctement le cliquetis du métal encore chaud du moteur de la Xmoto stationnée dix mètres plus loin. Auquel le clapotis de la rivière qui coule en contrebas fait écho. Il faut dire que depuis Bedford, par la 235 Sud d’abord, puis la 237 Sud, la petite Béhème a été cravachée copieusement et n’a pas vraiment eu le temps de se refroidir. Mais comment faire autrement que d’attaquer avec ce genre de moto, sur de petites routes aussi sinueuses ? Tout vous incite à mettre du « gros gaz » : la partie cycle affûtée, le moteur coupleux et vif, les pneus hypercollants et les freins démoniaques. C’est le paradis des supermotardes. Et bien que la Xmoto représente la première incursion du manufacturier allemand dans ce créneau très pointu, elle se révèle très amusante à piloter. Pas autant qu’une KTM 690 SM, certes – le constructeur autrichien possède une grosse expérience dans le domaine – mais elle n’est pas ridicule du tout. Avec sa dernière gamme monocylindre, BMW élargit son offre de produits à de nouveaux groupes cibles. Et cherche à séduire une clientèle plus jeune, axée vers le côté sportif – sur route comme en hors route – de la moto. Une base technique commune a servi de point de départ pour développer trois véhicules totalement différents : la G 650 Xchallenge, la G 650 Xmoto et la G 650 Xcountry. Ces nouveaux modèles ont été conçus par BMW en collaboration avec la société Aprilia S.p.A., de Noale (une filiale du groupe Piaggio). Les motos sont fabriquées dans son usine de Scorzè, dans le nord de l’Italie, selon les critères de qualité BMW.

La motorisation de ces trois machines est assurée par le monocylindre Rotax optimisé qui équipait les anciens modèles F 650. Il déploie désormais 53 ch à 7 000 tr/min et atteint un couple maximum de 44,25 lb-pi à 5 250 tr/min. La transmission finale
est assurée par une chaîne à joints toriques. Le concept de la partie cycle est caractérisé par un cadre poutre tubulaire en acier avec parties latérales en fonte d’aluminium, un sous-cadre arrière boulonné et un bras oscillant en alliage. Sa construction légère avec un haut niveau d’intégration des composants permet d’obtenir un poids à sec de 147 kg dans le cas de
la Xmoto. Cette machine est conçue dans l’unique but de se faire plaisir. Ni pratique (elle ne possède pas de compte-tour, ni de repose-pieds pour le passager), ni sophistiquée, il s’agit d’un jouet pour grands enfants. Élancée et très fine, elle fait davantage penser à une moto d’enduro – peut-être est-ce dû au fait qu’elle a été développée pour remplir trois usages distincts – qu’à une supermotarde pure et dure. Très haute sur pattes (la fourche télescopique inversée offre un long débattement de 270 millimètres), la Xmoto à l’air d’un échassier. Fragile et gauche. Dans les courbes au revêtement inégal, le train avant ultravif qui se cabre à la moindre sollicitation de l’accélérateur fait preuve d’une certaine instabilité et n’inspire pas totalement confiance au pilote. Même si, le reste du temps, il est difficile de le prendre en défaut. Il suffirait de remonter un peu les tubes de fourche dans les tés et d’abaisser le monoamortisseur, monté sans biellette, pour atténuer ce trait de caractère particulier. Un niveau à bulle logé sur le flanc gauche de la moto permet d’ajuster l’assiette correctement. Avec une géométrie de direction typique de la classe (chasse de 38,5 degrés, déport de 98 mm), la Xmoto bénéficie d’une maniabilité extrême. Le large guidon tubulaire facilite les changements de direction tandis que le poids plume de la bête la rend légère et très vive.

Seule sa hauteur de selle exagérée (920 mm) constitue un handicap à ce chapitre (là encore, le fait d’abaisser les suspensions permettrait de la rendre plus accessible). Malgré ma taille (1,76 m), j’étais sur la pointe des pieds, à l’arrêt.
La suspension et l’amortissement sont parfaitement adaptés à son domaine d’utilisation spécifique. La fourche télescopique inversée est globalement ferme en compression et en détente. Les pilotes sportifs apprécieront la possibilité de régler l’amortissement en finesse et par palier, en traction comme en poussée, pour l’ajuster individuellement. La course de la suspension arrière est plus ferme et plus courte; le débattement arrière est de 245 millimètres. La Xmoto se distingue par ses petites roues de 17 pouces en aluminium moulé qui influencent grandement la maniabilité. Elles sont chaussées, en monte d’origine, de pneus radiaux Pirelli Diablo particulièrement adhérents (120/70 à l’avant et 160/60 à l’arrière) montés sur de larges jantes de 3,5 et 4,5 pouces. Ces pneus à gomme tendre montent rapidement en température et, après quelques virages, on peut commencer à attaquer sérieusement. L’adhérence offerte par ces gommes italiennes est bonne et on peut flirter avec des angles d’inclinaison impressionnants, tant la garde au sol est abondante. Le freinage n’est pas en reste. Notre machine d’essai était équipée du système ABS à deux voies débrayable, proposé en équipement optionnel. Heureusement qu’il était débrayable, car, bien qu’il fut d’une efficacité redoutable, il rendait impossibles les dérapages contrôlés et les travers qui sont l’apanage des supermotardes. À l’avant, un étrier fixe à quatre pistons agit sur un disque flottant de 320 millimètres de diamètre et assure une puissance de freinage exceptionnelle. Le frein arrière est composé d’un disque de 240 millimètres de diamètre mordu par un étrier flottant à simple piston.

Malgré les modifications qu’il a subies, le monocylindre Rotax de la petite Béhème manque un peu de pep et de caractère comparativement à celui de la KTM 690 SM. Très vibrant à mi-régime (on a les mains qui s’engourdissent rapidement), il fait plus penser au moulin d’une double usage (là encore, le compromis se paye) par la façon dont la puissance est délivrée. Ce qui ne l’empêche pas d’offrir une souplesse incroyable et un couple important dès les bas régimes. Cependant, si on laisse les révolutions du moteur tomber sous un certain régime (qu’il est difficile à évaluer en l’absence de compte-tour), le mono cogne terriblement, au point d’être désagréable. Les reprises sont excellentes, pour peu que l’on soit sur le bon rapport de boîte, et permettent de dépasser facilement. La Xmoto passe rapidement de 0 à 120 km/h et atteint une vitesse de pointe de presque 180 km/h une fois bien lancée. Sa vitesse de croisière de 140 km/h la rend utilisable sur route rapide et sur autoroute, bien que ça ne soit pas son terrain de prédilection. En effet, à ces vitesses-là, l’absence de protection se fait vite sentir au niveau de la nuque, du torse et du bas du dos. Il faut bien avouer que le confort n’est pas la principale qualité de cette BMW. Tant s’en faut ! La selle étroite et dure comme un bout de bois vient à bout des postérieurs les plus endurcis en quelques minutes.

Heureusement, la faible capacité du réservoir logé sous la selle (9,5 L) limite l’autonomie de la supermotarde allemande à
210 km. Ce qui permet au pilote d’arrêter se dégourdir les fesses et les jambes en même temps qu’il refait le plein. La consommation de 4,52 L/100 km est excellente pour un tel moteur, surtout qu’il est sollicité en permanence. Bien qu’elle s’acquitte de sa tâche efficacement, la Xmoto n’a pas les performances de ses prétentions. Son moteur doux, toujours disponible, est trop sage pour séduire les amateurs du genre ou ceux qui ont essayé la KTM. On la pilote en enroulant plutôt qu’en force et en puissance. Même s’il ne rechigne pas à être cravaché à l’occasion, son mono n’est pas assez démonstratif. De plus, la BMW est affligée d’une identité floue. Elle hésite entre diverses vocations – supermotard, double usage et tout-terrain. Les compromis sont rarement bénéfiques et laissent tout le monde sur sa faim. En l’absence de repose-pieds pour le passager (un kit est proposé en option), d’un compte-tour et d’équipements de protection adéquats, elle souffre d’un manque de polyvalence flagrant. En dehors de la ville où elle excelle, et des petites routes sinueuses où elle permet de s’amuser, elle n’est pas vraiment à l’aise dans les autres utilisations courantes. En fait, elle est encore plus pointue qu’une sportive. Donc trop spécialisée sans l’être suffisamment…  

Avis des Essayeurs

La G650 Xmoto offre une gamme d’usages très limitée. Elle n’est pas assez performante pour être une machine de compétition, pas assez confortable pour voyager au quotidien et trop haute pour la majorité des gens. Son terrain de prédilection c’est la ville et les petites routes « virageuses ». Inconfortable, sous-équipée, douce, mais trop sage, la Xmoto se cherche une identité. Il ne s’agit pas d’une supermoto explosive, mais d’une moto de compromis qui a le cul entre deux chaises. Comparativement à la KTM 690 SM, elle est en retrait en termes de sensations (elle accuse un déficit de 11 ch par rapport à l’autrichienne), de confort et de facilité de prise en main. Sa partie cycle n’est pas aussi affûtée que celle de la 690 SM. La Xmoto vous permet de vous amuser grâce à son moteur onctueux à défaut d’être méchant, à son couple abondant facilement dosable et à son excellent freinage. Cependant, à 11 500 $, ça fait cher le morceau, surtout que dans cette gamme de prix, on commence à avoir l’embarras du choix.
– Didier Constant

Après un simple « tour de bloc », je me suis bien demandé ce que j’avais pu faire pour que mon rédacteur m’expédie sur une machine de torture de la sorte ! Le banc est une calamité, quoiqu’en se poussant un peu plus vers l’arrière il y a moyen de survivre 20 minutes. L’autonomie en carburant avec un réservoir qui ne fait pas 10 litres nécessite une vigilance constante des points de ravitaillement et les suspensions fermes ne sont pas reposantes. Ma femme m’a demandé qui voudrait bien acheter un bidule pareil… J’ai dû réfléchir avant de répondre. Il s’agit d’une moto pour cascadeur urbain. Malgré tous ces défauts, la Xmoto est tellement particulière, ne ressemble tellement à rien que j’aie pu piloter auparavant, que j’ai aimé l’expérience. Vous devriez voir les gens la regarder avec les deux mains dans les fenêtres d’autos et la bouche en O, à moins que ce soit ma braguette qui était ouverte tout ce temps…
– Ugo Levac

La Xmoto m’a beaucoup étonné. Après avoir passé une heure à me demander à quoi pouvait bien servir une moto aussi haute, sans protection pour le vent, avec ce siège rudimentaire, j’ai eu une révélation. Cette moto doit être roulée vite, sur une route sinueuse, voire sur un circuit. Dans cet élément, elle est une formidable pourvoyeuse d’adrénaline; elle performe tout en pardonnant les erreurs. Les freins sont hallucinants d’efficacité (pourquoi l’ABS ?). Le moteur tire étonnamment, il est très coupleux. Dans l’action, on oublie l’inconfort de la selle, mais la douleur nous rattrape dès que la route devient droite, dommage. Bref, j’ai eu beaucoup de plaisir, mais ce ne serait pas ma seule moto, et elle n’est pas pour tout le monde… L’usage qu’on peut en faire est trop pointu. Elle est à la fois trop peu pratique, trop civilisée et trop lourde pour être un vrai supermotard de compétition. Cela dit, je suis volontaire pour la reprendre n’importe quand !
– Martin Nadeau

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